Alain Geiger : le Pigeon (voyageur) d’Or

C’est un de ces paradoxes qui nourrit la symbolique de la situation. Alain Geiger est sacré Pigeon d’Or de juin 2009 au terme d’un mano à mano d’anthologie. Un combat, une lutte sans merci, soutenu par ses plus fidèles détracteurs. Gavés jusqu’à l’indigestion des litanies du globetrotteur à la «coupe bol», les familles, amis et victimes du sérial loser se sont mobilisés sur CartonRouge.ch : e-mail, Facebook, téléphone, SMS et même des signaux de fumées indiens émanaient du Soliat pour s’allier et offrir un «adieu» condescendant, pigeonnant, au plus pathétique des volatiles. Qui est donc ce Pigeon voyageur ?

Le plus pénible avec Geiger c’est qu’on a l’impression de poignarder un ancien sage. On a l’impression de trahir une certaine forme de postérité, tout comme on pourrait croire que l’on incrimine la victime bien involontaire d’une mécanique qui ne lui a simplement pas toujours souri. Car d’aucuns me rappelleront certainement le parcours brillantissime du joueur. Presque 20 ans de professionnalisme, de Sion à St-Etienne, en passant par les grands Xamax et Servette des années 80, avant de terminer plus tard sa carrière à GC. Près de 500 matchs de LNA au compteur, 4 titres de champion suisse avec 3 clubs romands, des Coupes en veux-tu en voilà (enfin, pas pour Xamax évidemment) et une carte de visite internationale qui force l’admiration.
 
Mais en 1997, celui qui mérite encore d’être considéré comme un héros national va faire le premier pas vers une reconversion qui, si elle s’annonce tout autant réussie, va inexorablement tourner à la débâcle. De l’équipe réserve des Sauterelles à Xamax, on se dit que la méthode prend. C’est à ce moment qu’entre en scène un personnage qui va avoir une influence prépondérante sur sa carrière. Cet homme c’est Nicolas Geiger, le frère, l’homme de l’ombre, agent de joueurs qui se forge lentement mais sûrement une solide réputation en faisant venir des joueurs à très fort potentiel à Neuchâtel (Atouba, Camara…). Mais à Xamax d’un point de vue sportif, son seul mérite aura été d’éviter la relégation. Une réputation de loser magnifique se forge, et c’est Aarau qui va définitivement lancer la machine infernale.Et c’est plus qu’une spirale, c’est un «ruban de Möbius» dans lequel Caliméro s’engage. Ses éternelles excuses commencent à envahir les colonnes de nos quotidiens pour justifier les résultats médiocres voire catastrophiques. Arguant de ne jamais avoir eu le temps de travailler correctement et dans la durée, il élude le fait qu’il était arrivé bien assez tôt pour se forger son équipe et lui inculquer «son leadership». Mais rien, la sauce ne prend pas plus que ça. Idem à Aarau, où il n’aura jamais fait l’unanimité, parvenant tout juste à sauver ce qui finalement est de toute façon «irrelégable».
Puis c’est direction un GC blindé de thunes qu’il ratera sa chance et partira à grands coups de pieds au cul. D’un jet de dés pipés, le pipeau retourne à la case départ, ou presque, sans passer par la case prison. Il reprend un Xamax déjà sauvé pour une longue série de défaites dans une ambiance qui commence gentiment à devenir électrique. Pour se dédouaner et affronter les «Geiger démission» qui fleurissent dans les gradins, Geiger multiplie les excuses foireuses et refuse d’évoquer ses monumentales erreurs de coaching, préférant invoquer le «manque d’envie» de ses protégés. Un manque d’envie pourtant bien inculqué par son enthousiasme léthargique que les transferts du frangin ne parviennent plus à compenser. Quelques mois plus tard il est encore remercié et en bon vieux disque rayé il retourne à Aarau, ce qui provoque ce jour-là, sous les rires des Neuchâtelois, une secousse sismique relevée par le centre de Géologie de Neuchâtel. Belote, rebelote, c’est toujours le même film qui passe comme dirait Cabrel.
Les défaites sont toujours au goût du jour et l’ancien international commence à être aigri. Les excuses ne prennent toujours pas (le terrain, les arbitres, les blessures [répétez 3x]) et le caractère difficile du Valaisan s’en trouve exacerbé. Les relations avec la presse deviennent difficiles et dans le même temps le frangin, sorte d’alibi footballistique, se trouve mêlé à des ennuis juridiques en France, et se voit retirer sa licence d’agent de joueurs «FIFA approved». La pièce montée commence à s’effondrer et après une expérience ratée au Lausanne-Sport et au Maroc (quand il ne reste plus que ça), Geiger revient au pays en quelques battements d’ailes. Le président de Neuchâtel Xamax réussit l’exploit d’engager à nouveau l’Alain, mais dans un rôle de directeur technique. Espérant pouvoir encore profiter des filons qu’est susceptible de donner Nicolas, malgré ses démêlés juridiques, le public se dit que l’on peut y croire… Un journaliste d’un grand quotidien ne s’y trompe pourtant pas : «il aura quand même réussi à baiser Xamax jusqu’au bout, il attend juste son tour, pour redevenir entraîneur». On connaît la suite. Bernasconi se fâche avec Clausen, comme avec à peu près tout le monde sauf Geiger, et nomme Aeby à la barre. Sauf que désormais il manque une licence d’entraîneur pour faire l’homme de paille sur le banc xamaxien. Bingo, y’a justement une licence qui traîne dans le tiroir du pigeonnier là au fond du couloir.
Troisième passage sur le banc xamaxien donc, il n’en faut pas plus pour faire exploser les fans neuchâtelois. L’équipe retourne dans ses vieux travers et les anciens démons refont surface. Manque de fighting spirit, banalisation de la défaite acceptée sans autocritique, aberrations dans les formations d’équipe avec cette fois pour agrémenter le tout, quelques petits arrangements familiaux et des magouilles plus que douteuses. Le départ de Coly aux Emirats aurait, selon la rumeur, rapporté un joli petit montant aux deux frangins et peut-être même à d’autres. Le club avait annoncé avoir libéré Coly sans indemnité pour «services rendus au club». Ceci expliquerait cela.
Comme une bête traquée, Geiger est petit à petit la source de tous les maux de la planète si l’on en croit les travées de la Maladière et si les Neuchâtelois semblent oublier qu’il est à l’origine de transferts très profitables encore récemment pour les Rouge et Noir, ils ne semblent pas lui pardonner ses résultats et son arrogance. Agacé, usé, utilisé jusqu’à la corde, Geiger refuse de faire les prête-noms plus longtemps, et annonce qu’il aimerait être entraîneur à nouveau, mais seul à la barre. Ben voyons, le plan maléfique touche à sa fin. Mais celui qui tient le couteau par le manche depuis le début de la troisième idylle va retourner sa veste dans un coup de théâtre inattendu. La rupture avec son dernier défenseur est consommée. Bernasconi qui prétendait encore dans les colonnes du Temps en décembre 2008 que Geiger était «là pour longtemps» pète enfin la durite et éjecte notre

Pigeon d’Or de juin 2009

vers d’autres cieux. Mais attention, les Pigeons voyageurs reviennent toujours. Une fois, deux fois, trois fois, et même quatre fois. Alors à bientôt Alain.

Election du Pigeon d’Or de juin – Classement final
:
1. Alain Geiger : 283 votes – 35.2%
2. Gaël Monfils : 273 votes – 34%
3. Robert Louis-Dreyfus : 122 votes – 15.2%
4. Serena Williams : 88 votes – 11%
5. Bernhard Kohl : 37 votes – 4.6%
Nombre de votes : 803

 

Écrit par Roby Steedman (texte) et Robert Johanson (dessin)

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15 Commentaires

  1. Victoire amplement méritée pour Geiger. Voici ma séléction personnelle pour le mois de juillet:

    – Dinara Safina
    – Franck Ribéry
    – Johan Bruyneel
    – Mathieu Bastareaud
    – Marouane Chamakh

  2. Superbe texte Roby. J’espère que quelqu’un a envoyé le lien de l’article à Geiger…

    La finale de décembre s’annonce somptueuse…

    PS : le dessin est grandiose

  3. Ce pigeon d’or récompense une race d’entraîneur looser dont Geiger en est un des membres les plus emblématiques. Cette « gloire » rejaillit ainsi sur Umberto Barberis, Rolf Fringer, Andy Egli, ou encore Gérard Castella…

  4. Bravo pour ton article, que de vérités qui font plaisir à lire… Et bye bye à l’arriviste, et bonne chance sous d’autres cieux, mais stp, loin, très loin!

  5. Dommage, il est arrivé un poil trop tard.

    Il y a une dizaine d’années, avec ce palmarès, il aurait pu reprendre la Nati !!! Il aurait eu le profil idéal, tel Arthur Jorge et Rolf Fringer!

    Ca aurait été un sympathique happy-end!

  6. Bravo l’artiste! excellent dessin! Vivement une rubrique dédiée aux illustrations. Texte magnifique aussi, on voudrait en lire davantage. Merci à la rédac

  7. Perso j’aurais juste retiré RLD du classement…

    Ceci dit, je trouve l’article bien mené et très bien rédigé, en plus d’être drôle… comme Geiger, finalement!

    J’attends, moi aussi, avec impatience les prochains nominés!

    LG

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