L’Apothéose du Canada

Le Canada est devenu champion olympique en anéantissant en finale les impuissants Suédois 3-0. Alors que peut-être aucun tournoi mondial de l’histoire n’avait réuni un tel gratin de hockeyeurs, l’équipe coachée par Mike Babcock fut, à Sotchi, la plus dominante de l’ère moderne. Il y a le Canada et, loin derrière, tous les autres.

Un long power-play

La domination des joueurs à la feuille d’érable fut si écrasante que pendant de longs moments au 2e et 3e tiers temps, nous avons eu l’impression que le Canada était en power-play à 5-5, tournant autour de la grande Suède pendant de longues minutes, se créant occasion sur occasion, «King» Henrik sauvant de manière répétée la baraque. Certes, il manquait déjà à la «Tre Kronor» Zetterberg, Daniel Sedin, Franzén et à la dernière minute Nicklas Backström (contrôle positif à un antiallergique). Mais auraient-ils changé grand-chose ? Sûrement pas. Les Scandinaves ont été progressivement mis à terre, leur jeu stratégique et défensif, qui les a sauvés tellement de fois, n’étant plus d’aucun secours tellement le rouleau compresseur canadien était étouffant. Une maîtrise totale. Comme lors de leur performance sidérale contre les USA en demi-finale, soit le 1-0 le plus clair et sonnant jamais vu, l’emprise et le rythme des Canadiens se sont accru durant le match, soit un étranglement de plus en plus serré et sans faille.

Crosby et Toews,  encore eux

Jonathan Toews et Sidney Crosby sont bel et bien les deux meilleurs joueurs au monde. Comme à Vancouver, ils ont prêché par l’exemple et ont montré la voie lors du match le plus important du tournoi, en marquant les deux premiers buts, décisifs. Quelle classe et quelle présence sur la glace, tant dans un jeu offensif étincelant que dans un travail défensif hors du commun. Phénoménal.
Le but légendaire en prolongations du numéro 87 à Vancouver avait délivré toute une nation, l’or du soulagement au Canada. Hier, son break fabuleux et son 2-0 était également synonyme de victoire, mais cette fois l’or de la domination. Troisième médaille d’or en quatre Olympiades pour le Canada, qui plus est sur cette grande glace où ils avaient échoué à Nagano et à Turin. Et en Russie, dont le tournoi de hockey devait en être le couronnement. Devant un public de plus en plus silencieux tellement le suspense était inexistant, prêt à soutenir la Suède mais resté sans voix au vu de la prestation stratosphérique des Canadiens. Un journaliste a remarqué que le Bolchoï Ice Dome ressemblait plus au Bolchoï Ballet.

La Machine Rouge à la feuille d’érable

Le Canada est bien la nouvelle Grande Machine Rouge, la Machine Rouge au drapeau d’érable. Mais contrairement à la Sbornaja des années 70 et 80, cette équipe n’est pas issue d’un régime militaire et contrôlé, où les plus talentueux s’entraînaient jour et nuit ensemble. Et surtout, ils avaient en face d’eux une vraie opposition, les meilleurs joueurs au monde, pas les amateurs que Makarov et sa bande déclassaient régulièrement, marquant sans même lever les bras, le visage fermé. D’ailleurs, à la cérémonie de clôture, le gardien légendaire soviet Tretiak, allumeur de la flamme porteur de tellement d’espoirs russes, était en larmes et a déclaré ne pas se sentir à sa place. Il comprenait plus que n’importe quel autre la portée du triomphe canadien et de l’humiliation russe.
En 2014, le prototype du hockey du XXIe siècle est un ensemble de stars, tout à fait libres, débarquant de l’avion deux jours avant le début du tournoi, avec le championnat NHL dans les jambes. Ils doivent s’habituer instantanément à leurs nouveaux coéquipiers, les dimensions plus grandes de la patinoire et une ligne de conduite différente au niveau de l’arbitrage. Tout cela sous une pression immense, chaque combinaison de lignes étaient instantanément relayée au Canada, discutée et critiquée par les medias, 24 heures sur 24.

Le triomphe de Mike Babcock

On ne va pas revenir ici sur tous les facteurs qui ont permis ce sacre, soit les 10 raisons pour lesquelles le Canada allait devenir champion olympique. Cependant, encore plus qu’à Vancouver, cette médaille d’or est celle du coach Mike Babcock et de son extraordinaire entourage, à qui Steve Yzerman, le directeur exécutif, a fait une confiance totale.
En effet, Getzlaf disait à ses coéquipiers sur le banc au troisème tiers «c’est comme au hockey en salle, les gars» («it’s all about ball hockey, guys»). Il faisait référence au «camp d’orientation» olympique à la fin de l’été 2013 où Babcock avait annoncé aux olympiens potentiels réunis un week-end que la clé sur la grande glace à Sotchi serait la défense. Le coach des Red Wings avait ainsi déjà mis en place certains exercices et automatismes dans le cadre du hockey en salle, les joueurs ne pouvant évoluer sur la glace pour des raisons d’assurance. C’était le début d’un long processus, d’une attention à chaque détail, tant dans la sélection des joueurs que dans la recherche de la composition parfaite de l’équipe lors de la première semaine du tournoi, des ajustements constants, avec une volonté et une détermination extraordinaires, sans prendre aucune attention aux multiples critiques et craintes de la presse canadienne. Jamais Babcock n’a douté. Ses joueurs non plus. 
Résultat des courses : 6 matchs, 6 victoires, 3 buts encaissés dans tout le tournoi. En demi-finale, contre les USA, la seule équipe qui aurait pu les mettre en difficulté, et en finale contre la grande Suède ; deux blanchissages pour Carey Price, qui enfin est reconnu à sa juste valeur. Toutes les stars ont laissé leur ego au vestiaire, pour jouer avec une discipline, une vitesse et une intensité extraordinaire. La plus grande performance défensive de tous les temps.

Une équipe jusqu’au bout

A 6 minutes de la fin, avec le score de 3-0, le gros plan sur le banc canadien était révélateur. Chacun le regard concentré, prêt pour le prochain shift, aucun sourire, ne rien lâcher jusqu’au bout. Le professionnalisme ultime. Cet esprit d’équipe, on l’a retrouvé même lors de la cérémonie de remise des médailles où le troisième gardien, Mike Smith, et P.K. Subban, surnuméraire (!), s’étaient quand même équipés pour recevoir la médaille, ce dernier aidant en souriant Tavares, blessé jusqu’à la fin de la saison contre la Lettonie, à traverser la glace pour recevoir le précieux métal.

A cet égard, il faut souligner la décision incompréhensible de la RTS de couper cette remise des médailles, soit le sacre le plus important de ces JO et moment historique, pour retransmettre non un événement en direct, mais la rediffusion de la fin des 50 km hommes. Cela reviendrait à couper une finale de Coupe du Monde juste au moment où les Brésiliens commencent à monter les marcher pour soulever le trophée. Indéfendable. Merci à la RSI, une fois de plus salvatrice, de nous avoir permis de vivre ces moments. Ceci étant, il faut relever l’enthousiasme et la pertinence des commentateurs particulièrement bien inspirés de la RTS tant lors de demi-finale que lors de la finale. Bravo. 

La génération d’or

11 joueurs canadiens sont maintenant doubles médaillés d’or olympique. Et ce n’est pas fini. Car le Canada, avec son immense profondeur, est une équipe encore extrêmement jeune. Crosby, Toews, Price, Weber, Doughty, Vlasic, Getzlaf, Benn, Perry, Tavares, Pietrangelo, Carter et Duchene n’ont pas encore la trentaine. De même que ceux qui n’ont même pas joué la finale, comme Tavares, Subban, Stamkos, Giroux ou Neal. Sans parler de Nathan McKinnon et tous les autres talents qui sont dans le pipeline de cette incroyable usine à produire des hockeyeurs qu’est le Canada. Une génération en or qui a déjà remporté 5 Mondiaux Juniors consécutifs de 2005 à 2009, et qui tentera – si les pontes de la NHL y consentent – de réaliser le triplé à Pyeongchang en 2018.
Cependant, la victoire de Sotchi n’est pas une victoire de toutes ses brillantes individualités. C’est le triomphe des bases essentielles enseignées aux joueurs canadiens dès leur plus tendre âge : Humility. Work. Teamwork. Sacrifice. Keep it simple. Execute. Le Canada est une nation dont le hockey coule dans le sang. Le hockey, ce jeu si beau et pur, qui rappelle l’enfance et les heures passées sur des étangs gelés. Ce hockey, qui n’est en fait qu’une métaphore de la vie, avec ses hauts et ses bas.
La victoire de Sotchi, c’est l’Apothéose du Canada, LA nation du hockey. 

Suède – Canada 0-3 (0-1 0-1 0-1)

Bolchoï Ice Dome, 11’076 spectateurs.
Arbitres : Meier/Sutherland (EU/Can), Amell/Devorski (Can).
Buts : 13e Toews (Carter, Shea Weber) 0-1. 36e Crosby 0-2. 50e Kunitz 0-3.
Pénalités : 3 x 2′ contre la Suède, 2 x 2′ contre le Canada.
Suède : Lundqvist; Jonathan Ericsson, Niklas Kronwall; Karlsson, Edler; Hjalmarsson, Oduya; Ekman-Larsson, Tallinder; Eriksson, Jimmie Ericsson, Daniel Sedin; Steen, Alfredsson, Patrik Berglund; Silfverberg, Marcus Johansson, Landeskog; Nyquist, Krüger, Hagelin.
Canada : Price; Shea Weber, Keith; Doughty, Vlasic; Pietrangelo, Bouwmeester; Hamhuis; Carter, Toews, Marleau; Bergeron, Crosby, Kunitz; Perry, Getzlaf, Benn; Nash, Duchene, Sharp; St. Louis.
Notes : la Suède sans Zetterberg (blessé) et Bäckström (malade), le Canada sans Tavares (blessé) et Subban (surnuméraire). Tirs sur le poteau de Nyquist (5e), Bergeron (11e) et Doughty (43e).

Écrit par Andy Tschander

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4 Commentaires

  1. Magnifique article. Rien à redire tant le Canada a dominé.

    Par contre la complaisance dont tu fais preuve envers Bastardoz depuis qu’il a cité 1-2 de tes articles et dans une volonté de pacifier le débat, est respectable mais cela me dérange.

    Cette finale a été commentée de façon lamentable, Bastardoz a commencé son reportage en nous disant à quel point il était « préparé pour ce grand événement », puis en nous disant que PK jouait à Ottawa, que Crosby n’avait encore pas inscrit de point, que Luongo était dans la cage canadienne: le tout dans les 2 premières minutes!

    Evidemment pendant tout le match il a parlé de la « machine » canadienne et de la « machine » suédoise. Et sa conclusion était typique des médias romands: le vainqueur est une « équipe, sans égo, avec du coeur », alors que le perdant russe est « une somme d’individualités »: que c’est simple le hockey résumé ainsi.

    Le pompon a été la fin du match avec les 3 dernières minutes du match passées à calculer les salaires des joueurs, les frais d’assurances, le coup des avions et j’en passe!! Avec des commentaires de café du commerce, tels « quelles sommes folles » « quel salaire »: imaginez-vous une seule secondes les arrêts de jeu de la finale de la prochaine coupe du monde avec le commentateur qui disserte sur les salaires extravagants du monde du foot???

    Et par respect je passerai sur la prononciation des Selanne, Hagelin, Toews (que Mongrain prononçait correctement puis se sentait obligé de s’auto-corrigé pour ne pas ridiculiser Bastardoz), ou de sa fascination aléatoire sur un tir (queeeel tir! queeeelle précision! queeeeelle vista!) ou un joueur (karlstrom on le connaît! queeeel joueur! queeeel défenseur! queeeel artiste!). Je passerai aussi sur les termes limites avec lesquels qui qualifiait les joueuses de l’équipe suisse, qu’il ne se serait jamais permis pour les hommes (la « fraîche et pétillante Sarah Forster », la « sublime et souriante » Schelling, etc.)

    Et dire qu’on va maintenant se farcir ses commentaires pendant les play-offs.

    Merci à la RTS pour la couverture et le webplayer, par contre je ne vois pas comment on peut dire objectivement que Bastardoz s’est amélioré pour la demi-finale et la finale: ca n’est pas le cas.

  2. Excellent article! En effet Bastardoz a pillé l’intégralité de ton article!
    Petite question: Bäckström malade? J’imaginais que tu ferais un petit commentaire sur ce grand rigolot et le formidable staff médical de l’équipe suédoise!

  3. Bah oui, c’est un bon article, mais bon… est-on forcé d’avoir continuellement le même rabachage de ta part Andy? Tout ce qui est canadien touche à la perfection, continuellement la même rengaine sur la période de domination soviétique, ce gros naze de Tretiak n’aurait même pas eu sa place aux voligeurs de Drummondsville, etc…

    Oui tu es une encyclopédie du hockey, on le sait. Oui, le Canada est la plus grande nation du hockey et son équipe est stratosphérique, on le sait aussi. Mais franchement au bout du 15e article de la même veine ça devient lassant Andy … à force de répéter les mêmes arguments t’essaie de convaincre qui ? Toi ? Lolo Bastardoz?

    Chaque fois que je lis un de tes articles, outre le plaisir (oui, quand même) de lire l’oeuvre d’un esthète, je ne peux m’empêcher de soupirer! Et pourtant, je suis canadien par ma mère, je suis fan du SCB tout comme toi, mais merde que j’aime pas l’auto-masturbation!

    Ou est l’esprit critique? Tout est si rose chez Team Canada? Tout est si merdique depuis des générations chez les russes? Pourquoi on parle pas de l’imbuvable équipe canadienne de 2006 ? Elle aussi, c’était « la plus grande », du « jamais vu », le « brésil du hockey » … pourquoi on parle pas de l’impériale Russie de 2009 et de la claque des championnats du monde? Alors oui, c’est pas les JO! Mais
    quoi, des championnats du monde au Québec ça vaut que dalle? Elle faisait pas envie l’équipe Canadienne ? Getzalf, Green, Keith, Kunitz, Nash, Toews, Stamkos, St Louis … y en a 2-3 que j’ai vu sur ma télé dimanche!

    Alors oui, tu peux baver tant que tu peux sur cette incroyable équipe canadienne, oui tu peux être pote avec Bastardoz et le brosser dans le sens du poil, mais moi quand je vais sur cartonrouge je veux du piquant! Et quitte à avoir de la grande analyse, qu’elle soit un tant soit peu critique!

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