Clubbing : Fiorentina

Après avoir obtenu deux likes sur un club polonais le mois passé, je m’étais désormais résolu à écrire sur Manchester United, le Real Madrid ou le FC Sion afin d’intéresser un peu plus le public. Et puis l’autre jour en faisant bêtement mes courses, il y avait ces deux jeunes de 15-16 ans qui venaient s’acheter un thé froid et un croissant au jambon. L’un d’eux se la racontait avec un maillot du Barça floqué Neymar et l’autre déambulait fièrement avec son maillot de la Fiorentina. Et là, ça m’a redonné espoir. Ce mois-ci, c’est en son honneur que j’ai décidé de traiter du club de la plus belle ville du monde. Enfin la deuxième plus belle, puisque la première c’est Yverdon.

L’histoire complètement bidon du club :

Sortie tout droit du génie de Léonard de Vinci au XVe siècle, la Fiorentina est aujourd’hui encore considérée comme une œuvre majeure de la Renaissance. C’est au début du XXe siècle que la Fiorentina quitte le musée pour aller disputer des matchs de football. Plusieurs tentatives ont été tentées afin de la remettre à sa place dans un musée, ce qui a bien failli arriver dans les années 2000. Trêve de plaisanteries, le football a été inventé à Florence, c’est bien connu. Tu as probablement déjà entendu parler du calcio florentin, ce sport collectif ultra-violent apparu au XVe siècle qui est souvent considéré comme l’ancêtre du football ? Il y a d’ailleurs un tournoi organisé chaque année au mois de juin. Il faut imaginer deux équipes de hooligans russes qui se tapent dessus dans une arène en sable afin de se disputer un ballon devant une foule en délire… Si ça ne ressemble pas à du football. Une affaire pour Yves Martin et ses jeux du cirque.

Belle sortie du gardien de la Fiorentina sur Daniele De Rossi

Couleurs, symboles et surnoms à la con :

Une fois n’est pas coutume, on est parvenu à dégoter un club aux couleurs plus originales que le rouge et le blanc. Avec la Fiorentina, impossible de se tromper, si tu repères un maillot violet sur un terrain de football, il s’agit forcément du club florentin. Hormis ce que sont les maillots extérieurs d’Anderlecht (mais les Belges parlent de mauve, ça n’est pas pareil) et éventuellement du Real Madrid, la Fiore est la seule équipe à évoluer en violet, couleur phare des années 90. Une couleur qui est devenue la véritable marque de fabrique de l’équipe, puisque l’on surnomme généralement la Fiorentina la Viola (ce qui tu l’auras deviné signifie la violette). L’autre marqueur de l’identité du club est la fleur de lys (giglio) qui est également le symbole de la ville de Florence. Enfin mention spéciale aux différents sponsors ayant figuré sur le maillot violet de la Fiorentina. De 7up à Nintendo en passant par Save the Children, trop la classe ! Et pas moins de quatre marques de voiture s’y sont succédées : Opel, Toyota, Volkswagen et Mazda. Un record.

Stade et supporters :

La ville de Florence est une musée à ciel ouvert, tout y est ancien. Il faut dire que le stade de la ville ne déroge pas à cette maxime. Datant des années 30, le stade Artemio Franchi se fait bien vieux, et cela depuis un moment déjà. Si l’enceinte avait été remise au goût du jour pour la coupe du monde 1990, il fait de nos jours office de Pontaise d’Italie, avec son béton et ses tribunes à la merci de la pluie. Dernièrement, un projet de nouveau stade a été dévoilé, il était temps. Un stade flambant neuf devrait voir le jour d’ici quelques années. Après la construction des nouveaux stades de la Juventus et de l’Udinese, ce sont donc l’AS Rome, l’AC Milan, la Sampdoria et la Fiorentina qui envisagent de se doter de nouvelles arènes. De bonnes nouvelles, car dans ce domaine, le football italien a 30 ans de retard par rapport aux autres grands championnats européens. En ce qui concerne les supporters de la Viola, pas grand chose à signaler. Des tifosi passionnés et relativement fidèles. On enregistre régulièrement des affluences avoisinant les 30’000 personnes dans un stade qui peut en compter 45’000. Ce qui est actuellement une bonne moyenne en Italie. La Fio peut également se targuer de compter parmi ses fans Matteo Renzi, le chef actuel de l’Etat italien. Et tu crois que Leuthard est fan du FC Aarau ou du FC Wohlen ?

Les grands rivaux du club :

Comme pour la plupart des clubs transalpins, le grand rival de la Fiorentina est la Juventus. Sans doute plus à Florence que partout ailleurs en Italie, huer et insulter les bianconeri est devenu un véritable sport national. La raison de cette haine est à chercher dans plusieurs épisodes qui ont émaillé l’histoire du football italien. Parmi les plus célèbres, il y a le scudetto de 1982 que la Juve aurait volé aux Florentins à la dernière journée de championnat, lors d’un concours de circonstances un peu louche. Il y a aussi l’affaire de la finale de la coupe UEFA de 1990, disputée au retour sur le terrain « neutre » d’Avellino, petite ville près de Naples connue pour être un bastion de supporters de la Juve. Et ça n’est pas un hasard si la Fiorentina est jumelée de longue date avec le FC Torino. En 2009, les ultras de la Viola auraient même proposé d’établir un jumelage avec ceux de Liverpool pour commémorer la tragédie du Heysel. Refusé en bloc par les fans des Reds bien heureusement. Sinon dans les gradins de l’Artemio Franchi, on ne porte pas Bologne dans son cœur (derby des Appennins), ni les autres clubs de Toscane comme Empoli, Sienne ou Pise qui évoluent désormais tous en Serie B ou plus bas.

Un concentré de haine anti-Juve

Le ou les joueurs qui pourraient avoir leur statue à l’entrée du stade :

A une époque, un joueur a bien eu droit à sa statue en dessous de la curva du stade Artemio Franchi et ce joueur c’est Gabriel Omar Batistuta. L’Argentin aux cheveux longs, qui tirait ses pénaltys en force et qui fêtait ses buts en mimant une mitraillette, a passé 9 saisons à Florence en y claquant plus de 150 buts. Nul doute possible, tous ces buts ont été inscrits avec la rage de marquer qui caractérisait si bien Batigol. Sa statue a toutefois mystérieusement disparu lorsqu’il annonça son intention de quitter Florence à contrecœur pour rejoindre un club pouvant lui amener des titres. C’est ce qu’il fit en 2001 en rejoignant l’AS Rome avec laquelle il gagna un scudetto. En inscrivant l’unique but de la partie entre Rome et la Viola, le Roi Lion (son autre surnom) fondit en larmes, presque dégoûté d’avoir marqué contre « son » équipe. Un vrai mythe et pas seulement pour les supporters de la Fiorentina. L’autre joueur élevé au rang de Dieu à Florence est un joueur qui a terminé sa carrière à Lausanne à la fin des années 80, Giancarlo Antognoni. Une véritable idole de la Fio dans les années 70 et 80.

Batigol bientôt jugé pour avoir tué des dizaines de spectateurs en fêtant ses buts?

Le joueur qui a joué pour le club mais qui se ferait balancer des tomates à la gueule s’il osait revenir :

Le problème avec la Fiorentina est que la plupart des grands joueurs finissent toujours par partir pour un club nourrissant de plus grandes ambitions. Lorsque ce club se trouve être la Juve, cela provoque un scandale parmi les tifosi viola. A ce titre, un transfert est resté particulièrement gravé dans les mémoires. En 1990, Roberto Baggio est considéré depuis quelques années comme une véritable idole à Florence, en passe de devenir un Dieu. En fin de saison, lorsque son transfert est annoncé du côté de la Juve pour un montant record, les supporters le prennent très mal. De plus, ce transfert intervient dans le contexte d’une finale de coupe UEFA perdue face aux bianconeri. Cette annonce déclencha de véritables émeutes en ville de Florence, obligeant la police à intervenir. Presque une année plus tard, Baggio ramène son mulet au stade Artemio Franchi. Un retour qui fait craindre le pire. La rencontre se déroule sous les sifflets et les huées à l’encontre du traître, des objets en tout genre volent depuis les tribunes. Probablement touché par ce traitement, l’ancienne idole du peuple florentin semble à côté de ses pompes et la Viola mène 1-0 à la mi-temps suite à un but de Diego Fuser. Et puis en début de deuxième mi-temps Baggio obtient un penalty qu’il refuse de tirer. Remplacé à quelques minutes du terme de la rencontre, il codino ramasse, parmi les objets qu’on lui lance dessus, une écharpe de son ancien club et se met à applaudir le public florentin. Un applaudissement que certains tifosi lui rendent en partie, mais pour d’autres il demeure un traître. Ah et pour la petite histoire, De Agostini a manqué le penalty et la Viola s’est imposée 1-0 ce jour-là. Un match qu’on aurait pu classer dans la catégorie qui va suivre.

Le match d’anthologie du club dont on se souviendra dans 50 ans encore :

Il y aurait certainement des matchs des deux titres de champion d’Italie de 1955 et 1969 à ressortir ou la victoire de coupe des coupes de 1961, mais tout cela est bien trop lointain. On a pour une fois plutôt envie de mettre en lumière un but d’anthologie. Lors de l’édition 1999-2000 de la Ligue des Champions, Mauro Bressan inscrit une bicyclette de 30 mètres lors d’un savoureux 3-3 face au FC Barcelone. Shaqiri et Ibrahimovic n’ont qu’à bien se tenir avec leurs buts de pipeau ! L’inconnu italien de la Fiore connaît ce soir-là son heure de gloire, et pourtant il y en avait des artistes sur le terrain. Vise-moi ça, Luis Figo, Rivaldo ou Pep Guardiola (ah non artiste que sur le banc) d’un côté et Rui Costa ou Abel Balbo de l’autre ! Mauro Bressan finira sa carrière à Chiasso et sera suspendu plus de 3 ans en Italie pour les histoires de Calcioscommesse. Une triste fin pour l’auteur du plus beau but de l’histoire de la Ligue des Champions.

Bon ok, et actuellement :

Comme tu t’en es probablement aperçu, lorsqu’on parle de la Fiorentina, on fait beaucoup référence aux années 90. L’époque où le football italien était à son firmament. Il faut dire que depuis cette période, le club florentin a connu une catastrophe, celle de la faillite financière en 2002. A la suite de ce cataclysme, la Fiorentina s’est reconstruite et a retrouvé sa place dans l’élite du calcio (en bénéficiant d’un ou deux passe-droit il faut le dire). Si la Fio est actuellement capable de disputer des saisons tout à fait correctes et dignes de son rang, elle peine à effectuer ce petit saut de qualité qui lui permettrait de se battre pour le titre. Depuis son retour dans l’élite, le club qui appartient désormais à la famille Della Valle, a terminé 5 fois au 4e rang mais n’est jamais parvenu à figurer dans le trio de tête, ni à véritablement briller en coupe d’Europe (demie-finale d’Europa Ligue en 2008). Dans un football où l’écart entre les clubs super-riches et les clubs normaux a tendance à s’accentuer la Fiorentina semble condamnée à vendre ses meilleurs joueurs et à se battre pour la 4e place.

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3 Commentaires

  1. Certes, il existait déjà des matchs de « calcio florentin » au XVe siècle mais le jeu tomba dans l’oubli une centaines d’années après. Le modèle actuel, sur lequel est toujours basé le tournoi qui a lieu en juin, a en fait refait surface en 1930, lorsque les fascistes italiens organisèrent un évènement commémoratif qui avait pour but de glorifier la lutte patriotique, de magnifier l’idéologie chère à Mussolini, tout en imaginant une « paternité italienne au football ». (source : L’histoire, no 436, juin 2017, pp. 435-436)

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