Le chaperon qui ne voulait pas être chapon

Il était une fois une Coupe des champions, à laquelle le fan de football réservait quelques mercredis dans l’année, pas plus d’un par quinzaine. Le seigneur d’Helvétie, sorte d’inoffensif petit chaperon rouge et blanc, s’y baladait brièvement avant de se faire saigner par un loup aux dents pas forcément si acérées.

Il se disait même parfois que lui aussi aurait pu se faire passer pour un redoutable canidé, lorsqu’il voyait à distance les exploits du modeste loup des Balkans (Etoile Rouge Belgrade – 1991) ou de celui échappé des Carpates (Steaua Bucarest – 1986).

Quoi qu’il en soit, ces histoires plaisaient tellement que les rois du ballon rond européen, dans un élan de bonté comme leur vaste territoire en connaît tant, introduisirent en 1991 des poules. Pas celles que les loups adorent manger, mais celles qui permettent de multiplier les histoires à raconter… Puis à la toute fin du millénaire, craignant que les fans de leurs narrations ne sachent que faire de leurs soirées libres (c’était vraiment gentil de leur part), ils décidèrent même de démultiplier les joutes sur deux soirées… enfin, deux soirées par semaine ! Sauf bien sûr quand il y a les qualifications pour l’Euro ou la Coupe du Monde car il faut bien garder quelques plages libres pour ces compétitions accessoires…

En un subtil tour de magie, on se retrouva ainsi avec du foot le mardi, du foot le mercredi, deux matches de l’Europa League le jeudi, puis les championnats le week-end. Et il y a bien toujours la Premier League pour combler les éventuels trous dans l’attente des journées de qualif’ pour les grands tournois, qui sont tellement étalées qu’elles se chevauchent presque.

Les vendeurs de bières, chips et canapés en sont certes fort aise. Toutefois, le grand enfant devant sa téloche, qui pourrait béatement saliver à l’idée de tant de réjouissances, pense gentiment qu’on commence un peu à se foutre de sa gueule. Surtout que… Surtout qu’il devra maintenant payer pour la plupart des histoires qu’il voudra regarder, en Suisse aussi !

Les seuls matches qui resteront gratuits…

Ce grand enfant aiderait volontiers les miséreux du royaume, mais il peine à s’inquiéter pour la santé financière des protagonistes de ses histoires (d’ailleurs toujours les mêmes, ce qui commence à le lasser profondément). Ils n’ont pas besoin de ces écus supplémentaires, non ? « Non, grogna-t-il, ces deniers iront droit alimenter la Cour, qui ne se soucie en fait guère des amateurs d’histoire ! Le téléspectateur payant n’est tout de même pas multipliable à l’infini, pour qui nous prennent-ils ces ronds-de-cuir de la citadelle nyonnaise ? Oublient-ils que c’est grâce à la base qu’ils vivent, que les jeunes prennent aussi exemple sur leurs idoles pour pratiquer un sport ? » Il songeait que mieux vaut une bonne histoire connue de tous que de maximiser à court terme les recettes en limitant sa diffusion. Ainsi, plutôt que de participer à cette évolution vicieuse, il décida de se remettre à la cueillette des champignons, d’en profiter pour découvrir d’autres sports, voire même de réapprendre à apprécier des matches de foot amateur, qu’il ne suivait plus depuis que la crème de la crème envahissait les écrans à journée faite.

Contrairement au petit prince de la chanson qu’il aime tant, puisque c’est ainsi, il ne reviendra pas devant sa télé mardi, ni mercredi, ni même jeudi !

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