Les Héraults de Loulou

Louis NICOLLIN. Photo Nicolas Guyonnet

Si on se référait à la phrase culte soufflée par le bon à l’oreille du truand : « Le monde se divise en deux catégories : Ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent », il est certain que le mythique, l’énormissime Louis « Loulou » Nicollin, aurait fait partie de la première catégorie.

S’il y a bien un mec sur cette planète aseptisée et pourrie par le fric qu’est devenue la planète foot qui n’avait pas sa langue dans sa poche et une mitraillette dans la bouche, prête à dégommer tout un chacun à la moindre occasion, c’est ce brave Loulou. Il va manquer à tous ceux qui aiment encore ce foot des talus, des terrains vagues. A mi-chemin entre un chef de clan de gitans, un patron d’entreprise véreux et un papy épicurien amateur de bonne chère et de pinard, collectionneur invétéré de maillots improbables.
Et pourtant, à côté de cette grande gueule tragico-comique, se dressait un président de club comme on n’en fait plus, amoureux du foot. Roublard mais entier. Et surtout, au moins l’espace d’une saison, plus fort que les millions du Qatar. Et rien que pour ça, il mérite une statue. Sous un pont du côté de la Paillade peut-être. Mais une statue quand même.

Montpellier’s president Louis Nicollin is seen before his French Ligue 1 soccer match against Le Mans at Leon Bolle stadium in Le Mans, western France April 10, 2010. REUTERS/Stephane Mahe (FRANCE – Tags: SPORT SOCCER)

Tout commence à l’été 2011. Certes Loulou est président de Montpellier, son club de toujours, depuis 1974 mais, hormis un titre de Champion de D2 en 1987 et une Coupe de France en 1990, il restait plus connu pour ses coups de gueule et ses déclarations à l’emporte-pièce que pour ses talents de président de club et ses principaux coups d’éclat furent d’avoir réussi quelques coups de maître en faisant signer par exemple simultanément les 2 grands espoirs du foot français de la fin des années 80 Eric Cantona et Stéphane Paille, ou encore la star colombienne Carlos Valderrama une année auparavant.

L’équipe est, depuis 3 ans, dans les mains de René Girard. Certes peu charismatique, l’homme n’en est pas moins reconnu par ses pairs pour sa connaissance du football et sa tactique tournée vers l’offensive avec un 4-4-3 de rigueur aussi bien à domicile qu’à l’extérieur. Mais de toute façon Loulou ne voulait pas de Carlo Ancelotti qui a signé à Paris : « Les grands entraîneurs sont ceux qui qui gagnent des titres avec des demis-bons. Avec Courbis, on est montés avec des demi-mongoliens ». Pourtant l’optimisme n’est pas de mise à la suite d’une saison ratée. Et Loulou fait savoir qu’il va falloir changer de mentalité. « Ça me fait vraiment chier de finir dans cette position… Je vais les rencontrer… On va gentiment remettre les choses au point… » avait alors déclaré le ramasseur de poubelles héraultais à propos de ses joueurs. La campagne de transferts, peu spectaculaire, ne laisse pas non plus une immense place à l’optimisme. Surtout que d’autres équipes mettent le paquet à l’image du PSG, soutenu par le porte-monnaie aussi épais qu’une cuisse de Serena Williams de la Qatar Investment Authority qui vient de racheter le club.

Mais les débuts sont prometteurs et on sait à quel point une dynamique positive peut avoir des effets bénéfiques pour toute la suite de la saison. Les Pailladins remportent en effet leurs trois premières rencontres. Et si le mois de septembre est un peu plus mitigé avec notamment une large défaite face aux Parisiens, la suite est brillante et le MHSC enchaîne huit matchs sans défaite entre les 9ème et 16ème journées et revient alors en tête du championnat, à égalité avec les Qataris. Jourdren est étincelant devant les filets (heureusement qu’il a connu le foot celui-là car il aurait eu de la peine à l’ENA), Hilton se découvre une seconde jeunesse, Belhanda et Cabella sont impériaux à la manœuvre et Olivier Giroud empile les buts.Loulou y va alors avec une de ses phrases cultes « Je me mets à la place du président du Paris Saint-Germain qui a un budget de je ne sais pas combien. Quand il voit celui de Montpellier, il doit se poignarder le cul avec une saucisse, le mec. Et encore avec une saucisse, ça ne fait pas trop mal. »

La fin d’année sera toutefois plus compliquée et les hommes de René Girard vont craquer en décembre et laisser le PSG remporter le titre, purement honorifique on s’entend, de champion d’automne. Mais ils vont faire un sans faute en janvier, malgré plusieurs cadres à la CAN, et enchaîner les victoires. Ils sont sur un nuage. Et ils voient se profiler le choc au sommet du 11 février avec sérénité. En obtenant le nul 2 à 2, les Pailladins restent au contact des parisiens et on se met à rêver du titre du côté du Languedoc-Rousillon. Ils passent même en tête au soir de la 30ème journée au hasard d’un faux pas des coéquipiers de Javier Pastore, l’homme qui valait 42 millions d’Euros. Ils abordent ainsi le sprint final en pole position. Eux qui, avec le 7ème budget du championnat, naviguent à vue face aux Qataris mais également face à l’OM, Lyon ou Lille. Et personne ne semble vouloir craquer sous la pression.

Lors de l’antépénultième journée, les Montpelliérains s’en vont gagner à Rennes alors que Parisiens et Lillois s’étaient eux aussi imposés plus tôt dans le week-end, montrant ainsi à ceux qui en doutaient qu’ils n’allaient pas succomber face à la pression. La victoire lors du choc au sommet de la 37ème journée lors de la réception du LOSC dans une Mosson à guichets fermés, confirme cet élan et les hommes de René Girard savent qu’ils auront leur destin entre leurs mains lors de l’ultime ronde en déplacement à Auxerre. Et à Loulou de se lâcher au micro de Canal : « C’est fabuleux ! Un truc de fous… Et maintenant un petit nul à Auxerre, et branlette espagnole ! » Tout en finesse…


Le titre se joue donc à l’Abbé-Deschamps alors que le PSG se déplace à Lorient. Le match est arrêté à plusieurs reprises en raison des troubles occasionnés par des supporters auxerrois frustrés de voir leur club être relégué et il prend du retard sur celui des Parisiens. Ces derniers l’emportent à Lorient et vont pouvoir regarder les Montpelliérains à la TV. Et lorsque John Utaka y va de son doublé, on sait que le trophée n’ira pas dans la capitale. Du moins pas encore cette année. Le Montpellier HSC décroche ainsi le premier titre de son histoire trois ans seulement après son retour dans l’élite. Et au nez et à la barbe des arrogants et fortunés Qataris.

Pour Loulou, ce titre est tout bonnement quelque chose d’inespéré. Un truc qui mériterait au moins la Légion d’honneur. Qu’on ne lui a jamais donnée soit dit en passant parce que selon lui : « Je m’en fous un peu, m’enfin j’aurais aimé l’avoir, au moins vis-à-vis de mon père, mais on me l’a refusé parce que j’aurais mal parlé des homosexuels et que je serais homophobe. Alors que pas du tout. Plus il y en a, mieux c’est pour nous qui aimons les femmes ». Désolé, mais je n’arrive pas à m’en remettre de celle-là.

Bravo Loulou. Merci et repose en paix.

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