Résilience

Un seul point en cinq matches, 15 buts encaissés, près de 11 mois sans victoire à domicile : soutenir le LS, de nos jours, c’est éprouvant. Pourtant, il y avait des supporters bleu et blanc à la Pontaise le samedi 26 août 2017, pour voir le LS recevoir GC. Des personnes qui arrivent encore à se traîner au match, malgré cette statistique alarmante de cinq points récoltés à domicile depuis le 2 octobre 2016.

« Comment vous faites, vous ? » nous demande un autre illuminé du chandail bleu et blanc alors qu’on venait de voir le LS se liquéfier à Thoune (5-2, le 19 août). « Je sais que là je vais cracher sur ce club pendant une heure, mais demain je serai déjà en train de regarder l’horaire du prochain match et de me dire « J’espère que je peux y aller, j’espère qu’on va gagner. »

Comment on fait, comment on tient le coup ? C’est cette question, plus que les réponses qu’on peut y apporter et qui appartiennent à chacun, qui a guidé la préparation de cet article. Mes éminents corédacteurs de Carton-Rouge sont unanimes (du moins les deux qui m’ont répondu) : « Je fais pas, moi. Je regarde les matches, et c’est tout. » « Perso je tiens plus le coup. Samedi (ndlr : 26 août face à GC) sera ma dernière tentative. Si ça bouge pas j’abandonne jusqu’à nouvel avis. » Un collègue à qui je parle de mon projet d’article sur la résilience me donne un son de cloche similaire en me demandant de préciser : « Sur la résilience, ou sur la non-résilience ? »

Le « risque grave d’une issue négative »

La résilience, donc, concept dont la paternité est attribuée au psychiatre et neurologue Boris Cyrulnik. Sur la base des quelques citations qui suivent et que j’ai choisies (ici) pour cerner un peu l’objet, vous verrez qu’il est particulièrement pertinent au vu de l’état actuel des supporters du LS :

« Le mot résilience est physique. Il désigne l’aptitude d’un corps à résister à un choc. Appliqué aux sciences sociales, il a signifié : « La capacité à réussir à vivre et à se développer positivement, de manière socialement acceptable, en dépit du stress ou d’une adversité qui comporte normalement le risque grave d’une issue négative. »

Et donc, comment on fait ?

« Le déni permet de ne pas voir une réalité dangereuse ou de banaliser une blessure douloureuse. Les autres mécanismes de défense sont la rêverie, l’intellectualisation, l’abstraction et enfin l’humour. »

Nous y voilà, donc. Où ranger la réponse des quelques membres du Blue-White restant une heure après LS-GC, qui me répondent le plus simplement du monde qu’ils ont « le cœur bleu et blanc » ? Est-ce qu’on est dans le déni ou dans l’accoutumance ? Parce que moi aussi, j’ai le cœur bleu et blanc, c’est bien ça le problème, et actuellement ça ne m’aide pas.

Pour la rêverie, on regardera du côté de Bâle le 9 septembre, où quelques doux rêveurs et douces rêveuses iront soutenir le LS en dépit du bilan apocalyptique de l’équipe dans ce stade. Le Parc St-Jacques est un des points nodaux du problème : Lausanne y a joué sa dernière finale de Coupe (perdue 6-0, certes), et il n’y a pas si longtemps, une panenka de Kololli a permis de mener 3-1 pendant 5 minutes (défaite 4-3 au final). On y retourne, histoire de rêver rien que pendant le trajet, ou, avec un peu de chance, pendant quelques minutes du match.

Et en ce qui concerne l’abstraction, l’intellectualisation et l’humour, il y a à boire et à manger. Faites un tour sur les publications Facebook du LS, et surtout sur les commentaires. Vous verrez que les Prix Nobel ne manquent pas. Les plus férus se retrouvent sur le forum non officiel, où ils trouvent, je ne sais comment, la force d’analyser la débâcle. Si Internet avait existé à l’époque du Titanic, nul doute qu’un forum d’amateurs l’aurait empêché de couler.

Il y a aussi cette chaîne YouTube que j’ai découverte cette semaine, Les Footeux Vaudois, qui publie des vidéos avant et après chaque match, plus quelques extras. Une passion pareille, pour une petite centaine de vues par vidéo et 7 abonnés au soir du 30 août (il y en avait la moitié 3 jours avant) ne mérite rien d’autre qu’un immense respect. Et un peu de pub :

Enfin, il y a ceux qui font des accompagnements musicaux des interviews de Celestini. Celle-ci date un peu, mais l’état de détresse dans lequel on se trouve actuellement a déjà commencé la saison passée, et il ne fallait surtout pas rater ça, c’est par ici.

Sans horizon autre que la 9ème place de Super League, le public doit encore subir les directives incompréhensibles de la ligue quant à la tenue des joueurs : on reçoit GC, qui joue normalement en bleu et blanc, mais qui en l’occurrence porte son maillot extérieur noir. Donc on pourrait jouer en bleu et blanc, non ? Non. Lausanne porte son maillot extérieur, orange. Normalement, avec ce maillot, on met un short noir. Mais voilà, GC porte son short noir, du coup on porte notre short de domicile, qui est blanc. Maillot orange, short blanc, pour éviter de porter du bleu et blanc contre une équipe qui porte une tenue noire. Ce ne sont peut-être que des maillots et des couleurs, affaire de goûts, mais la perspective de devoir jouer dans d’autres couleurs à de nombreuses reprises (8 fois sur les 18 matches à domicile, a priori), ça ne facilite rien dans la situation actuelle.

Un résidu de flamme

Moi qui ai passé la dernière saison à m’en prendre aux gens et aux institutions sur Facebook (j’ai quand même écrit à Teleclub, à la Swiss Football League, à l’arbitre de Vaduz-LS et au FC Köniz), qui ai balancé des gros cailloux sur une gouille gelée à Sargans, j’ai réussi à me renouveler cette année en brûlant mon programme du match perdu 3-2 contre Lugano. Et depuis, comme de nombreuses autres personnes, je tourne à bas régime. Après le 5-2 à Thoune, après le 1-1 contre un faiblissîme GC, il n’y a plus de frustration mais juste une grosse nostalgie. On va quand même remettre les paris en place (à titre personnel, je courrai Sierre-Zinal l’année prochaine si Lausanne gagne à Bâle le 9 septembre), mais c’est presque plus pour la forme, c’est un petit résidu de flamme, qui ne partira probablement jamais.

Car je doute que même Alzheimer puisse effacer Martin Brunner qui dégage le ballon après avoir arrêté le penalty décisif en finale de la Coupe en 1998, ou Mazzoni qui plante le 1-0 contre l’Ajax, ou Christophe Cerf qui s’égosille quand on sort le Lokomotiv Moscou en barrage de l’Europa League 2010. Donc dans le doute, on continuera d’aller à la Pontaise. Et comme le dit si bien Jon Ferguson : « La première raison d’être du sport, c’est le plaisir de boire une bière après le match. La deuxième, c’est de la boire avec ses amis. La troisième raison reste à découvrir. »

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Con qui râle

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2 Commentaires

  1. Après t’avoir lu, on a décidé de faire le même pari avec des copains…. On pourra en boire une à l’arrivée et remercier ton bel article !

  2. Merci pour ce super article Philippe! t’es quand même maso de vouloir aller suer ta joie chez l’ennemi valaisan 🙂 Sierre-Zinal: distance : 31 kilomètres, dénivelé : 2 200 m de montée, 800 m de descente, point culminant : Nava (2 425 mètres) Que du bonheur!

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