Lettre à Lukas Fähndrich

Cher Lukas,

En décembre dernier, il y a tout juste dix mois, nous dissertions par messagerie de Facebook interposée sur la cruelle issue du match Vaduz – Lausanne : Vaduz avait égalisé à la dernière minute sur penalty, pour une main qui avait en fait été commise par un joueur de Vaduz. Ce match, vous en étiez l’arbitre. Vous avez reconnu cette erreur de jugement, et j’ai conclu l’échange en formulant le vœu qu’un jour, peut-être, vous arbitrassiez une victoire lausannoise.

Arrêt sur image de la main du joueur de Vaduz, qui a coûté un péno au LS…

Lorsque je m’installe en tribune pour LS – Young Boys, ce samedi 14 octobre, et que j’apprends que vous êtes l’arbitre du match, je ne pense pas à une victoire. Je suis à peu près sûr que c’est votre premier match de Lausanne depuis notre échange, et le souvenir de cet amer retour en train depuis Vaduz m’occupe plus que l’hypothétique victoire lausannoise que vous arbitrasseriez. De plus, la dernière victoire à domicile pour Lausanne, c’était le 2 octobre 2016, un souvenir encore plus lointain que Vaduz – Lausanne. Enfin, YB est premier au classement, et même si Lausanne a récemment gagné des matches sans en être le favori (2-1 à Bâle) ou en terminant à 10 contre 11 et avec un penalty adverse retenu (3-2 à Lucerne), je doute que la série sans victoire prenne fin ce soir.

Mais une certaine sérénité se dégage de l’équipe en 1ère mi-temps. YB monopolise certes le ballon pendant les 20 premières minutes, mais les tirs sont peu nombreux, et pas tellement cadrés. Et surtout, Lausanne paraît extrêmement concentré. Ensuite, ça sort un peu du bois. Lausanne fait une première apparition dans le camp adverse, alors on s’emballe, mais pas trop, c’est peut-être un malentendu. Et on a tous dans la tête et dans les tripes une année de montagnes russes, avec des occasions qui débouchent sur des buts adverses, des égalisations qui tiennent 49 secondes, et ces dix-huit matches à domicile, une année complète de championnat, sans victoire.

Mais en fait, ça se reproduit. YB s’impatiente, et essaye des trucs de plus en plus compliqués, sans succès. Et en parallèle, Lausanne monte de plus en plus haut, sans succès non plus, au début. Puis un coup franc de Campo rase le poteau de Von Balmoos. Puis Lausanne pond une magnifique action, Campo fait une merveille de passe à Margiotta, et Lausanne mène à la mi-temps. C’était une mi-temps de rêve, une magnifique montée en puissance. Mais ici c’est plus que jamais Lausanne, alors on ne nous la fait pas : depuis une année, on a déjà ouvert la marque, mené à la mi-temps, mené de deux buts, ce n’est pas une garantie de succès.

C’est sûr que c’est pas tous les jours qu’on perd à la Pontaise.

Et effectivement, en deuxième, ça se gâte un peu. YB repart comme au début du match, mais ça paraît vingt fois pire, les occasions sont moins espacées, plus nettes, Lausanne ne garde aucun ballon, et au bout de 15-20 minutes on se dit qu’il faut faire des changements, juste pour que les joueurs puissent souffler. Mais YB égalise sur sa 118ème occasion. Après, ça s’équilibre un peu. Qu’on s’entende : YB domine encore largement, Lausanne n’a pas d’occasions, on respire juste un peu mieux. C’était juste impossible pour YB de tenir le même rythme, ils auraient fini à 20 dans nos 16 mètres, avec des ballons qui prennent feu et qui restent suspendus dans les filets à chaque but. C’est donc un peu moins déséquilibré. A tel point qu’à la 90ème, c’est Lausanne qui attaque.

Et la clef de ce match, c’était peut-être les changements. Alors que Celestini a fait ses trois changements assez rapidement (mais pas trop : un à la fois, c’est tout ça de plus pour souffler) après l’égalisation, YB n’en a fait aucun. De tout le match. Il faut une certaine dose d’arrogance ou de déni pour ne pas faire de changement dans un match avec un tel rythme, alors que la pelouse est jonchée des poumons lausannois, qui ont couru partout tout le temps. Alors peu de changement, peu de temps supplémentaire : vous n’ajoutez, cher Lukas, que deux minutes d’arrêts de jeu. Et après nous avoir offert un festival de touches bancales et de ballons immédiatement redonnés à l’adversaire pendant 90 minutes, Lausanne nous fait entrer dans la quatrième dimension, grâce à deux remplaçants. Une touche, un centre de Kololli, la tête de Zarate, 2-1 pour Lausanne. C’est la 92ème minute sur 92, pour la forme on va craindre pendant 10 secondes qu’YB revienne, mais c’est vraiment par politesse. Lausanne gagne à domicile, et l’arbitre de cette première depuis un an, c’est vous, Lukas. Vous avez peut-être omis de siffler une ou deux mains lausannoises, et c’est tout à votre honneur.

Je ne sais pas ce qui a manqué à Lausanne pendant dix-huit matches. La réussite aurait pu fuir encore une année, ou elle aurait pu revenir il y a 3 ou 6 mois. Mais vous étiez là, et peut-être que c’est cela qu’il fallait. Parce que vos deux minutes de temps additionnel, c’était du génie.

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