L’édito du mois de février

D’habitude mes éditos sont plutôt courts. L’actualité me pousse pourtant à tartiner un peu. En effet, au moment où INEOS profane le logo du LS, j’aimerais donner ma vision de la situation et, peut-être, faire comprendre à certains pourquoi les réactions de certains fans peuvent sembler outrancières. Je précise que dans les grandes lignes ce texte a été posté sur le forum du LS, donc si tu es un habitué de là-bas, tu peux probablement zapper.

Il est intéressant de profiter de l’instant pour se poser la question : qu’est-ce qui fait que le LS est le LS. Ceux qui ont vécu les événements au printemps 2003 ont eu tout loisir de se le demander : après que la faillite a été prononcée dans la continuité du match à Baden, beaucoup de différents scenarii ont circulé, entre une reprise en 5ème ligue, une fusion (même évoquée avec Echallens, si si), la disparition pure et simple, un rapprochement avec Malley, etc. etc.

Cela a été l’occasion pour les supporters de se demander sous quelles conditions ils se reconnaîtraient dans l’entité qui allait succéder au LS et continueraient à la suivre. A cette époque, nous (les membres du BWFK qui décidèrent quasiment tous de continuer) nous étions fixé quelques limites : en gros et de mémoire le nom du Club devrait rester très proche de Lausanne-Sports, il devrait jouer en bleu et blanc, à Lausanne ou au pire dans sa grande banlieue et conserver le palmarès. Le LS c’est 7 titres, 9 coupes, on ne repart pas de zéro.

La création du FC Lausanne-Sport (quelle ineptie d’avoir enlevé ce « s »…) qui jouait en bleu et blanc à la Pontaise a permis à presque chacun de se retrouver dans ce Club. A noter que le logo a été très légèrement modifié à cette occasion, mais on parlait là d’une retouche et non d’un dévoiement de sa fonction. Pendant quelques mois le palmarès a disparu du papier à lettre, puis il est gentiment revenu et voilà, jusqu’à hier le FC LS était bien la continuité du LS, on parlait toujours de fondation en 1896, du bleu, du blanc, 7 titres, 9 coupes, e la nave va.

Jusqu’à hier.

Aujourd’hui, Ineos a fait plus que de racheter le LS. Il l’a absorbé, digéré et recraché à sa sauce. Comme le reconnaissent candidement certains avec une dose de cynisme qui semble leur échapper, le LS est devenu une marque de la nouvelle division football de l’organigramme du groupe pétrochimique Ineos. Il a joué ses matches amicaux en orange, y compris contre l’équipe chinoise de Lifan qui jouait en… rouge. Parce que le orange, c’est la couleur de la charte graphique de Ineos. Comme si Bâle devait jouer en bleu, orange et jaune, les couleurs du logo de Novartis.

On verra dans quel laps de temps Ineos imposera sa couleur officiellement sur le maillot. C’est déjà fait dans le logo, avec en plus l’adoption de la police de caractère de la charte d’Ineos, et l’ajout de ce fameux « o ». A priori, il ne pourra pas modifier le nom du club, car l’ASF l’interdit (Article 12 : Les noms des clubs ne peuvent pas se référer à des entreprises, organisations caritatives ou autres entités semblables.)

Ainsi le logo d’un club vieux de 120 ans est-il devenu le support publicitaire d’une firme commerciale. Ainsi une équipe qui a un des plus beaux palmarès du foot suisse est-elle effectivement devenue une marque de la nouvelle division football de l’organigramme du groupe pétrochimique Ineos. Ce n’est pas le lifting du logo qui dérange certains fronts bas, comme essaie de le faire croire ce benêt notoire de Jaquier dans Le Matin, c’est le fait de détourner le logo d’un club de foot pour en faire un support publicitaire qui est honteux. Tout comme la tentative de Swisscom  il y a quelques années de racheter la coupe de Suisse en troquant un trophée historique contre un pot de chambre moderne dégueulasse floqué de leur logo.

Je me demande quelle est la ligne rouge de ceux qui ne trouvent rien à y redire, en dehors des lâches prostitués du Onze d’Or et de la Confrérie qui préfèrent regarder ailleurs car ils sont pour la plupart plus là pour réseauter que par amour du LS. Si dans dix ans le LS est racheté par Coca-Cola, s’appelle Coca-Cola Team et joue en rouge et blanc à Genève, ce sera toujours le LS ? Visiblement ça dépend. Si ça peut nous faire jouer l’Europe après tout…

Il y a quand même un facteur que refusent de prendre en compte ceux qui trouvent que notre réaction est exagérée : Il n’y a pas une boîte sur mille qui se permet ce que vient de se permettre Ineos. En toute objectivité. A part Red Bull à Salzbourg et à Leipzig et quelques autres rarissimes cas, personne ne fait ça. Notre indignation est proportionnelle à la rareté de la forfaiture. Tout le monde comprend, dans tous les pays, qu’un logo de club porte une charge historique, émotionnelle, irrationnelle telle que les changements sont délicats. Et que les détournements à fins mercantiles sont juste interdits. Même les mastodontes de type Fly Emirates, Qatar Airlines, Novartis et autre Chevrolet ne s’y risquent pas. Sauf Ineos, et les quatre cinquièmes des suiveurs du LS qui finalement s’en foutent, pis y a le fils Zidane.

Ineos, en plus d’être active dans une industrie dégueulasse et mortifère, en plus d’être brutale socialement, en plus d’être une exilée fiscale assumée, fait donc partie du un pour mille des sociétés qui ne respectent rien, qui foulent aux pieds toutes règles, qui se moquent absolument de l’histoire du Club. Si ça se trouve, Monsanto n’aurait pas osé.

Voilà pourquoi nos réactions vous semblent excessives : c’est parce que nous estimons que le LS est mort en ce début 2018. Il n’existe plus. Il a été remplacé par un FC Ineos qui n’a pour l’heure pas réglementairement le droit de dire son nom, et qui ne nous intéresse pas.

Peut-être un jour ma fille sera fan du FC Ineos. J’ai toujours pensé qu’une fusion avec Servette (envisagée par Collet, souvenez-vous) aurait coûté une demi-génération de supporters. Après, quand tu as douze ans et que papa t’emmène voir le FC Léman, tu peux aussi devenir cinglé de ce Club. Alors tu peux aussi être fan du FC Ineos. Mais ce n’est plus Lausanne-Sports, comme Xamax n’était plus le FC Cantonal en 1970.

Bon, assez dit de mal pour aujourd’hui, dégustons le menu de février :

  • Pour les retardataires qui n’avaient pas suivi l’actualité de janvier, nous rappelons que notre site vient d’être racheté par Henniez qui, si j’en juge par le goût de ses flottes, n’est jamais qu’une industrie pétrochimique parmi tant d’autres.
  • Amaury Tissot, notre spécialiste de la Ligue 1, nous présente le club en chute libre du moment. L’occasion de se rappeler que Desproges disait « Les Bordelais sont si laids alors que leurs femmes sont girondes ! »
  • Nicolas Huber est toujours à l’heure russe et nous livre la deuxième partie de son enquête chez les sous-doués qui aimeraient tellement un jour se qualifier pour une Coupe du Monde, et dont on peut parier gros qu’ils n’y arriveront jamais (quoique Haïti en 1974…)
  • Olivier Di Lello passe également en mode « Mondial 2018 » et nous liste dix branlées mémorables de l’histoire de la compétition. 80 goals à revoir, quel pied !
  • Philippe Küng ne comprend décidément pas non plus la décision d’INEOS de détourner le fanion du Lausanne-Sports et explique pourquoi il s’agit d’un formidable autogoal.
  • Loin de tout ce tumulte, Xavier Lizin nous parle du football de son pays, là où on trouve des Clásico à vingt occasions et six buts…
  • Paul Carruzzo a réussi l’exploit de trouver vingt-cinq raisons pour lesquelles le FC Sion ne finira pas dernier. Puis il a posé quinze jours de congé maladie.
  • Enfin, la grande finale de pigeons 2017 est lancée ! Qui succédera à Pascale Blattner, et aura-t-il assez d’humour pour recevoir son prix, les votes sont ouverts !
A propos Yves Martin 247 Articles
Cette Nati a deux vertus : celle de faire rêver quasi tout son peuple, et celle d'emmerder les connards de la fachosphère. Longue vie à elle.

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