Servette – LS : la croisière s’amuse

64 kilomètres séparent Genève de Lausanne. Sur le papier, c’est donc le déplacement le plus court de la saison. Enfin, après les quelque 16 bornes que l’on va parcourir pour aller affronter Echallens en 1/8 de finale de Coupe de Suisse après avoir sorti le FC Sion au tour précédent.

Pourtant, c’est plus de 4 heures qu’il nous aura fallu pour rejoindre notre destination frontalière. Pas qu’on se soit tapé les bouchons liés au retour des Genevois après leur journée de travail dans notre beau pays de Vaud, non. Juste le fait qu’on ait décidé de s’offrir une petite croisière pour rejoindre le bout du lac. Le départ se fait donc à 14h05 d’Ouchy. Le temps de prendre nos marques et de débuter l’apéro – on n’oubliera pas de proposer un verre à un membre de l’équipage, dont la réponse ne masquera pas une certaine envie : « Ça aurait été possible il y a une vingtaine d’années, malheureusement ce n’est plus le cas maintenant » – que nous voilà déjà à Morges. Le petit arrêt sur la côte d’Yvoire permet ensuite à l’un de mes acolytes de nous offrir l’instant nostalgie de l’après-midi à travers une discussion pleine d’émotions avec deux dames d’un certain âge. S’il fallait la retranscrire, ça donnerait quelque chose du style: « Quand on était gamins, nos parents nous amenaient souvent, nous les petits gars de Rolle, manger les filets de l’autre côté du lac. Un jour, je ferai la même chose avec mes enfants. »

Pas le temps de s’ennuyer, on arrive déjà à Genf. « On dirait presque qu’on débarque dans une grande ville », me fait remarquer mon autre compagnon de voyage en apercevant la grande roue au loin. Oui, sauf que c’est bien Genève. Il est 17h50, il nous reste donc un peu plus de deux heures avant le coup d’envoi du match. Comme tout bon touriste qui se respecte, on décide alors de tester le London Eye du pauvre, histoire de faire tourner le marché local et surtout de s’offrir un petit verre de rouge en hauteur. Puis, direction le bus pour rallier le stade. L’occasion de discuter avec un sympathisant du Servette, qui nous ventera les mérites du centre formation du club grenat et notamment d’un certain Kevin Mbapou. Je n’ai pas voulu lui faire de la peine en lui disant qu’en réalité il s’appelait Mbabu. On voyait bien que c’était un expert, il était certain que son équipe allait gagner.

Comme le LS, on regarde Genève depuis en haut!

Bref, il est l’heure d’entrer dans le stade, le coup d’envoi ne va plus tarder à être donné. Le bloc lausannois n’est pas trop mal garni, tandis qu’en face la SG déploie un voile et allume quelques bougies pour célébrer ses 30 ans. La fumée n’est pas encore complètement dissipée que notre LS a la bonne idée de couper court à la fête ! Bah oui, c’est terminé depuis un moment les fêtes de Genève, faut pas abuser… On joue donc depuis à peine 8 minutes et Flo régale une fois encore en distillant un corner parfait en direction de Loosli, qui s’élève plus haut que tout le monde et ouvre la marque d’une tête rageuse! C’est déjà la troisième fois de la saison que les deux hommes combinent avec succès sur balle arrêtée. Explosion de joie dans le secteur visiteur, les joueurs viennent se congratuler devant nous ! A noter quand même la sortie quelque peu hasardeuse du gardien grenat, qui risque de causer certaines fric(k)tions dans le vestiaire. D’autant plus que Servette vient d’aller chercher Kiassumbua du côté de Lugano. Toujours est-il que nos Bleu et Blanc regagnent le vestiaire avec cet avantage mérité, après une première période bien maîtrisée.

La deuxième mi-temps prend ensuite rapidement une tournure surprenante. Malgré toute son expérience, Alphonse réussit l’exploit de se prendre le rouge pour deux fautes grossières commises en l’espace de 60 secondes, même pas dix minutes après son entrée en jeu. Comment expliquer un pareil manque de lucidité ? Peut-être a-t-il mal interprété le discours de son coach lorsque celui-ci l’a remis à l’ordre en l’interpellant par son nom. Il a sans doute cru que Geiger lui donnait ses consignes : « Al, fonce ! ». D’habitude c’est du chinois, donc pourquoi pas à moitié en verlan cette fois-ci? Du coup il a foncé, tête baissée. Et il a bien ramassé les chevilles lausannoises !

Dans la foulée, Mfuyi prend également le rouge pour avoir dit à l’arbitre tout le bien qu’il pensait de lui. Il restait donc plus de 35 minutes à jouer à 9 contre 11. Mais ce qui aurait dû faciliter la tâche du LS a au contraire sonné la révolte des Grenat, qui d’un coup ont réussi à mieux se trouver sur le terrain. Du coup, on a tremblé jusqu’au bout – la latte aussi – avant de pouvoir savourer le coup de sifflet final libérateur ! Quel bien fou ça fait, cette victoire douloureuse dans le derby, surtout après quatre défaites de rang lors des dernières confrontations. La communion avec l’équipe est belle et la tension peut retomber. Les trois points sont là ! Une victoire qui permet de prendre cinq longueurs d’avance sur nos adversaires du jour et ainsi conserver la tête du classement.

Après cette rencontre, on peut tirer quelques conclusions :

– Il ne fait pas bon fêter l’anniversaire des fans clubs à l’occasion d’un derby. On en avait fait l’expérience en 2014 lors des 25 ans du BWFK. La Section Grenat l’a appris à ses dépens ce vendredi. Note pour 2019: ne pas célébrer les 30 ans du Blue-White contre Servette!

– Un tir cadré, un goal en faveur du LS. Frick peut se vanter d’avoir les mêmes statistiques que De Gea durant la dernière Coupe du monde! Avec un superbe taux d’arrêt de 0%.

– Les journaux ont bien fait monter la sauce avant le match, en publiant passablement d’articles à ce sujet. On a bien aimé l’humour d’un journaliste qui affirmait que la raison numéro un pour laquelle Servette allait gagner était la présence de Geiger sur le banc de l’équipe grenat. Pourtant, même l’arbitre de chaise Mohamed Lahyani est plus efficace que lui en termes de coaching ! Demandez à Nick Kyrgios.

Au final, tout le monde est content et c’est bien là le principal. Les Genevois sont satisfaits d’avoir tenu tête au grand Lausanne à 9 contre 11. Et nous, on repart avec trois points dans la poche ! Donc pour la bonne entente générale, je propose le même scénario pour les autres derbys de la saison.