Johan Cruyff : Héritage de l’œuvre la plus influente de tous les temps

Pionnier libéral-libertaire du football spectacle et moderne, père spirituel de Guardiola, symbole de la fin du franquisme, bien que de droite autoritaire sans être réactionnaire, individualiste et commerçant dans le privé, mais altruiste dans sa philosophie du beau jeu, le légendaire chétif et parfois emmerdeur Hendrik Johannes Cruijff a appris la vie sur le terrain, a défié l’autorité au sein de sociétés de consensus et y incarne cette même autorité, et ce pour l’éternité. Voici quelques points qui lui appartiennent et qui retracent son influence géniale sur le football actuel.

Être différent ne laisse jamais indifférent

Avant d’incarner la légende telle qu’on la connaît à travers ses réussites en tant que joueur puis entraîneur, le Hollandais Johan Cruyff ou « Jopie » pour les plus intimes, né en 1947 a dû comme tout homme se frayer un chemin à la recherche de son propre Graal. Habitant à côté du stade de l’Ajax, le jeune homme passait ses vacances estivales au centre de formation, à s’entraîner… au baseball. Or, la polyvalence n’a jamais emprunté un sportif. Elle est même un plus. À l’image d’un Clint Capela aujourd’hui en NBA qui a notamment développé son aisance dans le jeu de jambes, le sprint, la coordination durant ses années de football, Johan Cruyff a appris la vision totale du jeu, l’accélération, la gestion des espaces ainsi que l’anticipation à travers le baseball. De même que la racine latine « -valent » dans « polyvalence » signifie « valeur, puissance », Jopie a incarné le joueur à valeurs multiples par excellence. A priori un paradoxe, puisqu’à ses débuts, la balle n’arrivait pas à la hauteur des buts lorsqu’il tirait un corner, tant la force lui manquait. Mais son apprentissage dans le baseball a fait émerger chez lui des qualités devenues premières : malgré son physique trompeur, il est le symbole du joueur le plus complet de l’histoire grâce à ses capacités d’accélération, sa lecture du jeu hors catégorie, sa maîtrise notamment balle au pied (ses multiples crochets) et son redoutable sens du but. « On confond toujours la vitesse et la vision. Je ne suis pas si rapide que ça. Mais quand je commence à courir plus tôt que les autres, j’apparais alors comme plus rapide que je ne le suis ». A 15 ans, il joue déjà avec les 18 ans et plus et donne des conseils à ses aînés, même internationaux. Il parlait tout le temps, gagnait le respect de tous, n’aimait pas l’école et n’acceptait que trop peu les remarques. Un prestidigitateur génial, dominateur et dur comme un lion, aussi vif qu’une gazelle.

L’Ajax total

Rinus Michels, entraîneur de l’Ajax de l’époque et surnommé « le général», est considéré comme l’inventeur du « football total ». Cette tactique, quelque peu inspirée de la Hongrie de Puskás en 54 est caractérisée par l’implication de chacun des joueurs de l’équipe dans une vision d’ensemble, par une pression haute et tout terrain, par la maîtrise de la balle par la possession et surtout par ses postes totalement interchangeables. Elle exige des joueurs précisément très polyvalents et la pièce maîtresse de ce style a été le non moins chétif Johan Cruyff. Avant chaque partie, Michels le prenait à part pour discuter des adversaires ainsi que des stratégies à adopter. Une relation de partage qui est devenue par la suite interdépendante. Cruyff y a appris à penser le jeu. L’Ajax était un club inconnu aux yeux du grand public et l’énorme travail notamment psychologique de Michels sur ses joueurs en a fait le plus grand club d’une époque. En quelques années, et même sans Michels par la suite, Jopie remporte 3 Coupes des Clubs Champions ainsi que tous les titres nationaux. Le match clef qui a récompensé tout le travail mis en place par Michels et les siens a été le fameux 5-1 inattendu de l’Ajax infligé à Liverpool. Dès lors, les Néerlandais ont changé de dimension. À Barcelone en 1973, la même histoire se répétera ou presque, car le club catalan retrouvera des couleurs et une philosophie du beau jeu surtout grâce à son meneur à tout faire Johan Cruyff.

Sa célèbre réussite contre Ado Den Haag avec l’Ajax.

L’Orange Mécanique

Dans cette même période dorée, J. C. fait aussi des merveilles avec sa nation. En tant que capitaine et aux côtés de Rinus Michels, cette fois-ci sur le banc des Pays-Bas, l’attaquant orange désormais barcelonais atteint la finale du Mondial en 1974. Rares sont les équipes devenues célèbres alors qu’elles sont les dauphines d’une si prestigieuse compétition. Et c’est le cas de la surnommée « Orange Mécanique » de 1974. Forte de sa précision et vélocité de jeu, elle impressionne les spectateurs, livrant des matchs d’exception. L’opposition de style du « football total » contre le « Joga Bonito » entre la Hollande et le Brésil dans laquelle les premiers renversent les seconds 2-0 restera gravée dans les mémoires. À titre personnel, Cruyff est l’inventeur du « Cruyff turn » contre la Suède, aujourd’hui répété par les plus grands joueurs du monde.

La Dream Team

Le talentueux Johan a révolutionné le football tant avec les pieds qu’avec la tête. En tant qu’entraîneur, il applique brillamment ses apprentissages, d’abord à Amsterdam puis à Barcelone dès 1988. Tout comme cela a été le cas avec l’Ajax, méconnu avant la venue de Michels et Cruyff, le FC Barcelone passe réellement un cap historique puisqu’il est champion d’Europe pour la première fois en 1992. À son arrivée, le génie hollandais trouve une équipe catalane dans laquelle les défenseurs se fatiguent moins que les attaquants. Une tactique qui change ensuite rapidement et qui sera remplacée par une philosophie bien différente : avec le « coaching Cruyff », les attaquants deviennent les premiers défenseurs et le gardien le premier attaquant. De plus, ce sont les défenseurs qui vont déterminer la largeur du terrain. Cruyff enseigne également aux Barcelonais la notion de plaisir au jeu à la fois à l’entraînement et pendant les matches. Au final, la désormais surnommée « Dream Team » du Hollandais volant Johan Cruyff séduit le monde du football, habitué aux équipes italiennes fermées de l’époque. Des joueurs comme Koeman, Guardiola et Laudrup a priori aux physiques peu exceptionnels ont réussi grâce à leur jeu de passe et leur vision hors norme à redonner des couleurs au FC Barcelone. Cruyff affirmait d’ailleurs : « Quand tu as la vision et la passe, tu n’as besoin de rien d’autre. Le foot, c’est comme la vie. Vous devez voir, vous devez penser, vous devez bouger, vous devez aider les autres. Finalement, le foot, c’est assez simple. » En tout, l’entraîneur batave gagne 11 trophées avec Barcelone, ce qui constituait un record avant que Guardiola ne débarque ensuite.

A l’origine du jeu espagnol actuel

La philosophie de Johan Cruyff a modernisé le football. Durant toute sa carrière, il a sans cesse appris dans les rues ou sur un terrain. Il procédait au feeling d’abord à travers ses essais-erreurs, puis vers 30 ans il a fini par comprendre et a su expliquer l’œuvre prodigieuse qu’il a laissée en héritage. La domination espagnole, surtout entre 2008 et 2013 pour la sélection et celle des clubs dès 2009 doit tout à Cruyff. Sans lui, les exploits réalisés n’auraient pu être : « Quand votre défense est sous pression, il faut faire rentrer un attaquant, pas un défenseur. » Son célèbre 3-4-3 amenant de la densité au milieu, a été repris par l’académie de Barcelone, la Masia. La patte de Cruyff a fait ses effets et de plus en plus de pépites s’y sont distinguées dans la désormais « nouvelle » école construite fin des années 70 (un projet largement soutenu par Jopie). Son observation au sein du club a fait émerger des joueurs aux qualités physiques plutôt banales, mais au talent rare tels Ferrer, Sergi, Amor ou Guardiola. Cruyff a toujours tenté de privilégier les qualités de chacun pour les mettre au service du collectif. Il avait cette capacité de subodorer les prodiges à longue distance tel un « cochon truffier », ce qu’on a nommé en Espagne « efecto mariposa » ou l’effet papillon. L’énorme expérience du Hollandais dans le baseball a également fait naître le bien connu « Tiki-Taka », pratiqué aujourd’hui dans pléthore d’entraînements au sein de grands clubs. Pour Guardiola : « Cruyff a construit une cathédrale, à nous de la maintenir et de la rénover. » Si ce n’est la maintenir ou l’imiter, personne n’a à ce jour encore été capable de vraiment l’améliorer. À l’image du fameux trio d’attaque « MSN » pour Messi-Suarez-Neymar qui a repris le célèbre « penalty à deux » inventé par Jopie durant ses années ajacides.

Un fils spirituel

Le Catalan le plus apprécié de tous les socios est Pep Guardiola, qui à l’instar de Johan Cruyff a cette particularité d’avoir endossé une double casquette joueur-entraîneur sans précédent. Guardiola avait aussi une silhouette frêle lorsqu’il étudiait à la Masia. Les observateurs ne voyaient pas en lui un avenir. Or, Cruyff a eu l’œil et a appelé le jeune Catalan en équipe première. Cependant, il faut savoir que le génie hollandais n’a jamais été un personnage facile. Il avait ses humeurs et parfois quand un joueur venait chercher un renseignement, Cruyff le renvoyait aux études. Pourtant il respirait le football. Alors que Pep pensait connaître ce sport, Cruyff lui a tout enseigné. Ensemble, ils ont joué au golf. Le coach néerlandais emmenait parfois même les siens à l’opéra pour leur apprendre à respirer. Ainsi, il a transmis par-dessus tout au jeune apprenti Guardiola cette passion du jeu. Leur relation est devenue unique ou presque. Rappelez-vous de la communion Rinus Michels avec son protégé hollandais. De plus, Cruyff participait aux entraînements comme l’a pu faire un Zidane en tant qu’entraîneur au Real, par exemple. Même si les postes ne sont pas clairement définis dans le jeu tactique total de Cruyff, ce dernier a repositionné Guardiola pour le mettre à son avantage, lui qui était « plus lent qu’une grand-mère ». Un joueur tout aussi chétif et atypique que son « père spirituel », mais doté d’une intelligence de jeu inégalable. « Si vous choisissez le meilleur à chaque poste, vous n’aurez pas une bonne équipe, mais onze numéros un ». Johan Cruyff avait ce don de repérer, faire comprendre et travailler d’innombrables détails que les spectateurs ne pouvaient percevoir de l’extérieur : « Quand vous jouez un match, il est statistiquement prouvé que les joueurs n’ont la balle que trois minutes en moyenne. Le plus important, c’est donc ce que vous faites pendant ces 87 minutes où vous n’avez pas la balle. Voilà ce qui détermine si vous êtes un bon joueur ou pas.»

Cruyff pour Cruijff

Lors de son passage à Barcelone en tant qu’entraîneur mais surtout en tant que joueur, Johan a laissé derrière lui une empreinte indélébile. Il est devenu un phénomène attractif, par-dessus tout comme meneur de jeu et capitaine. Les supporters catalans le surnommaient d’ailleurs « El Flaco » (le maigre) ou plus chaleureusement « El Salvador » (le sauveur). Et lorsque le public d’un stade à aussi grande affluence joue à donner des surnoms à un joueur, celui-ci est déjà bien inscrit dans le marbre. Le FC Barcelone n’avait plus gagné de titre depuis 14 ans lorsque Cruyff a débarqué en tant qu’attaquant en 1973. Il a promis aux socios du spectacle avant les résultats. Finalement, ils ont eu les deux : « La qualité sans résultat, c’est inutile. Le résultat sans qualité, c’est ennuyeux. » Johan Cruyff a changé la mentalité d’un club en disette et tout simplement lorsqu’il jouait, le FCB ne perdait pas. Une machine à gagner qui s’est renforcée au fil des années lorsque le génie hollandais était aux côtés du club. Cependant cette réussite n’aurait pu avoir lieu si Cruyff n’avait été une icône autoritaire charismatique dans le football. Sur le terrain et en dehors, il a toujours représenté le leadership ou capitanat par excellence. Notons que cette influence a touché au commerce du sport le plus médiatisé au monde. Johan Cruyff n’a jamais véritablement vu son nom orthographié correctement et ce, pour des raisons également commerciales. La syllabe néerlandaise « ij» dans la véritable orthographe de son nom « Cruijff » a été remplacée par un vulgaire « y » pour faciliter surtout la prononciation ainsi que pour simplifier les affaires du principal intéressé avec les plus grandes écuries comme Puma ou Adidas. Jopie a donc volontairement entretenu l’erreur. Et ce n’est que le début de son influence dans le foot business.

Lesquels de ces artistes sont réellement Cruyff ?

Pionnier du foot business

La relation qu’entretenait Cruyff avec l’argent n’est de loin pas anodine. Né dans une société hollandaise de consensus et dans un contexte plutôt austère (« travailler et se taire »), Johan a utilisé l’argent comme symbole de son esprit libéral-libertaire, à l’image d’un Mick Jagger dans sa gestion des affaires pour les Stones. Dans un climat conflictuel de générations entre le jeune mouvement Provo versus le vieux monde figé, Cruyff est devenu une figure revendicatrice de cette nécessité de gagner beaucoup d’argent. Tout a commencé lorsque Jopie a rencontré sa future femme Danny. Son père, Cor Coster était alors commerçant de diamants à Amsterdam. En tant que fin négociateur, il a peu à peu voulu aider Johan lors de réunions avec les dirigeants de l’Ajax. Après s’être pris en grippe avec ces mêmes cadres, Cruyff a pu finalement obtenir l’assistanat de son beau-père Cor. De cette manière, il est non seulement devenu le premier joueur de l’histoire représenté par un agent, mais également le premier joueur avec agent collaborant pour le syndicat des joueurs professionnels qui assure une sécurité financière aux futurs joueurs retraités. Par la suite, Cruyff a su mettre seul la main à la pâte et a été le premier à taper du poing pour renégocier un contrat ou pour obtenir une revalorisation salariale. De ce fait, il prônait largement le professionnalisme et ne comprenait pas pourquoi certains clubs ne payaient pas à juste valeur leurs joueurs (ou ne les rémunéraient pas tout court). Pour ainsi dire, le rusé Cruyff a ouvert la voie de la starisation aux joueurs, aujourd’hui à son apothéose en termes d’exagération. Les Pays-Bas étant une nation de commerçants, il n’est donc pas hasardeux qu’un Hollandais comme Johan Cruyff soit autant décomplexé avec l’argent. Or, ses nombreux contrats juteux ont parfois amené des controverses : il était engagé avec Puma contrairement à la KNVB (fédération nationale hollandaise, à l’époque du côté de la génération désuète) liée à Adidas, ce qui a rendu la tâche bien compliquée lorsqu’il devait porter le maillot orange en Coupe du Monde 1974. Il trouve alors une solution neutre en ôtant une des trois bandes de la marque Adidas sur les manches. Son côté vaniteux dû à son énorme talent lui a permis de défier et d’incarner l’autorité à la fois en tant que joueur puis en tant qu’entraîneur. À l’image d’un Zlatan Ibrahimovic sur certains points, qui a grandi dans un milieu ascétique et qui s’est défendu à travers ses qualités sur le terrain et son caractère hautain. De son côté, l’icône Johan Cruyff est bien plus complexe et paradoxale : le bonhomme est de droite et largement individualiste en privé, mais sur le terrain il se trouve être des plus altruistes qui soit. Le football total et son enseignement en ont été la preuve la plus explicite. Son talent en termes de jeu, il l’a toujours mis au service du collectif. D’ailleurs aujourd’hui, penser à Cruyff rime avec la Hollande, l’Ajax ou Barcelone. A contrario des Maradona ou Pelé dont on se rappelle avant tout des exploits personnels. Beaucoup admiraient le génie du Hollandais, mais certains l’enviaient également, ce qui ne lui a pas toujours rendu la vie facile. Toujours est-il qu’en 1997, il inaugure la « Johan Cruyff Foundation » afin de donner l’opportunité aux enfants en situation de handicap de pouvoir être actifs et pratiquer un sport.

Danny, son mari et le Ballon d’Or.

Le Catalan néerlandais

Sans cesse en rupture avec les convenances, Cruyff n’a pas changé ses habitudes lors de son passage marqué en Catalogne. Très vite, il s’est transformé en un meneur incontesté, comme cela a été le cas à Amsterdam. Au pays de Franco, Cruyff se rend vite compte que les idées du dictateur sont bien trop à l’opposé des siennes. Peu charismatique, conservateur et surtout oppressant pour Barcelone, Franco ne convient pas à la personnalité libertaire qu’avait Johan : « La liberté est un principe qui est en chacun de nous. C’est la manière dont tu te comportes qui fait que tu es libre ou non. » Proposé au Real de Madrid pour un salaire plus alléchant que celui des Barcelonais, le légendaire orange signe en Catalogne dans un club qui a perdu la culture de la gagne. Une décision prise pour un miracle par le peuple catalan puisque Jopie était à ce moment considéré comme le meilleur joueur du monde. L’effectif du club « Culé » était muni d’excellentes individualités mais qui ne pensaient pas comme des bons joueurs. Durant ces années, Johan s’engage indirectement en rebelle contre l’État ibérique qui a privé les Catalans de leur autonomie, qui plus est de parler leur langue en Espagne. À la naissance de son fils, Johan Cruyff décide de l’appeler « Jordi », un prénom typiquement catalan. Jouant de son statut de célèbre joueur hollandais, Johan réussit alors de force et contre toute attente à valider le prénom de son enfant ! Cette victoire symbolique contre les fonctionnaires espagnols a activé la légende pacifisto-libertaire Cruyff, inscrite à jamais dans le cœur du peuple indépendantiste. À son arrivée en 1973, le FCB est avant-dernier du championnat. Avec Cruyff, l’équipe aligne alors 17 victoires d’affilée et 5 nuls pour finalement être sacrée championne. Cerise sur le gâteau, Barcelone inflige un sévère 5-0 au Real Madrid à Bernabeu. Une victoire emblématique bien plus politique que sportive, encore aujourd’hui. Dans un championnat espagnol largement corrompu par la dictature franquiste, ce titre de champion d’Espagne a représenté l’espoir d’un peuple oppressé. Johan Cruyff devient ensuite le premier joueur de football à porter le brassard aux couleurs catalanes, en témoignage de sa fierté pour ce peuple. Il se lie également d’amitié avec le photographe catalan Horacio Seguí qui mettra en images les périodes clefs du pionnier légendaire de la modernité, avant les débuts d’internet. De 2009 à 2013, il entraîne l’équipe nationale de Catalogne, qui ne joue que des matches honorifiques. Il continue par la suite d’habiter à Barcelone et entretient une relation particulière avec le président Joan Laporta. Le Hollandais volant devient ainsi en 2010 président d’honneur du FCB. Par la suite, il démissionne en raison de l’arrivée du contesté et conservateur Sandro Rosell. Ce dernier, en tant que nouveau président annonce une collaboration avec « Qatar Foundation » et inscrit une publicité sur le maillot pour la première fois de l’histoire du club. Pour les socios, cette décision bafoue le slogan de Barcelone « Més que un club », qui devient dès lors pour beaucoup « un club comme les autres ».

« El gol imposible » contre l’Atlético, sous l’angle inédit de son talentueux ami photographe Horacio.

Rinus Michels

De son côté, le virtuose Rinus Michels est désigné entraîneur du 20esiècle par la FIFA. Il a pu suivre Cruyff tout au long de sa fascinante carrière puisqu’il a en effet été son entraîneur à l’Ajax, à Barcelone, avec les Pays-Bas en 1974, puis finalement même aux USA lorsque Johan a rejoint Los Angeles avant sa retraite. À l’origine de la formidable innovation tactique qui a changé l’histoire du football, on peut considérer Michels comme l’architecte de cette philosophie et Cruyff le chef de chantier. Michels avait une personnalité autoritaire inexorable (ses joueurs sont passés pros en quelques années grâce à lui) tout en restant à l’écoute de ses athlètes, a contrario des entraîneurs qui lui ont succédé à la tête de clubs comme l’Ajax ou le Barça. Cruyff affirmait d’ailleurs : « Les vrais leaders sur le terrain assument par avance les erreurs à la place de ceux qui les feront. » A l’âge de ses 12 ans, Jopie est devenu orphelin de son modèle de père Hermanus. C’est ainsi qu’il a considéré Rinus Michels – qui l’emmenait parfois même chez le médecin – comme son second père.

Ballon d’art

Dans un contexte de pop anglaise Beatles-Stones, Johan Cruyff a incarné à la fois le footballeur prodige et précoce, mais aussi le rebelle sociétal, idéaliste, despote sans être pour autant révolutionnaire, car il n’a jamais remis en cause l’ordre établi et ses valeurs. Conseillé esthétiquement par sa femme Danny, il a atteint dans le monde entier ce statut de rockstar aux cheveux longs influençant ainsi des milliers de gens à l’époque. Sa défense des droits du footballeur et sa position en tant que leader d’opinion cool dans une société qui ne laissait que peu de place aux personnalités politiques pour se montrer, ont fait de lui un symbole sportif et culturel pour les Pays-Bas. Les problèmes que le crack Jopie connaissait avec une KNVB du monde figé ont ému tout un peuple : Johan, en tant que cible parfaite de la fédération est devenu le premier joueur international hollandais expulsé (à tort), et a dû en conséquence purger une suspension de 8 mois en sélection. Ce qui a provoqué une mini-affaire d’Etat entre la campagne de soutien pour Cruyff et la KNVB, symbole des deux générations en bisbille de l’époque.

Pour un mince extrait de l’étendu de son œuvre en tant que joueur.

En termes de palmarès, il devient le premier joueur à gagner 3 fois le Ballon d’Or récompensant le meilleur footballeur de la planète. Le dossard 14 néerlandais restera un génie en innovations et une source d’inspiration éternelle qui aura fait un tabac durant toute sa vie et qui est également mort du tabac (cancer des poumons). Et dire qu’il a dû manger des Chupa-Chups pendant ses années de coaching pour remplacer les cigarettes qu’il fumait depuis ses 15 ans. Lui qui était hypocondriaque. Reste que sur l’ensemble de son œuvre, déterminer si Hendrik Johannes Cruijff est le meilleur DE l’histoire, relève d’une interprétation bien subjective de ses fanatiques. Toutefois, il est certain qu’il en demeurera le meilleur POUR l’histoire, tant son empreinte est pérenne. Heureusement, l’invention survit toujours à son inventeur. « Gràcies Johan ». Et dire qu’il aurait pu jouer pour Lucerne en 1983…

A propos Thomas Christen 27 Articles
C'est dans la chronique FOOTURO, chers lectrices et lecteurs, que vous en apprendrez plus sur les perfs' actuelles des athlètes suisses qui ont joué les mercenaires du monde. A vous de voir : footuro ou footu pour la Nati ?

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2 Commentaires

  1. Merci Thomas pour cet excellent article de fond sur l’un des joueur/entraîneur les plus charismatique et talentueux que le football ait connu. En tant que joueur Cruijff a eu la chance d’avoir une génération de joueur hollandais exceptionnelle à ses côtés, Rep, Neeskens, Kroll, Rensenbrink, etc., quel dommage qu’ils n’aient pas battu la mannschaft en 74!

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