Gottéron mais Satan est sobre

En ce début de printemps, période traditionnelle des playoffs de National League – théâtre habituel des déboires des clubs romands – il est de bon ton de faire un article concernant le hockey sur glace. Premièrement car Carton-Rouge a effectué une draft de qualité en recrutant deux nouveaux spécialistes de ce sport, et deuxièmement parce qu’arrivant au terme de la saison, on peut aisément constater qui est, une fois de plus, passé totalement au travers. Alors, pour ne pas que les fans du HC Fribourg-Gottéron se sentent discriminés par l’absence de leur équipe des articles traitant des playoffs, je leur propose un Born to Lose rien que pour eux !

Pour le premier volet de cette rubrique concernant une équipe, je souhaitais rendre hommage à la culture de la défaite suisse, romande plus particulièrement. Ainsi, en cherchant une figure majeure du paysage sportif welsche symbolisant l’échec, on finit inévitablement par tomber sur les Dragons, bien que la concurrence soit rude. Et cela pour plusieurs raisons.

Une histoire un peu particulière

Fondé en 1938, le Hockey-Club Gottéron, qui s’appellera par la suite le HC Fribourg puis HC Fribourg-Gottéron depuis 1980, possède une histoire quelque peu singulière. Si je ne vais pas réciter ici la page wikipédia du club, ce dernier ayant par ailleurs déjà eu son lot de reportages sur la RTS, il est intéressant de noter l’une ou l’autre anecdote démontrant que la lose est collée aux patins de cette équipe.

La meilleure d’entre-elles est qu’à leurs débuts, les patineurs fribourgeois jouaient sur de la glace provenant de l’eau du Gottéron, ruisseau bordant la ville qui donna, comme vous l’avez deviné, son nom au club. Cependant, dans les années 50, l’équipe qui évolue alors en ligue B voit ses ambitions être régulièrement contrariées par sa « patinoire », qui n’en est plus une dès lors que le mercure dépasse le zéro. Et comme le hockey subaquatique n’avait pas encore été inventé, les espoirs de promotions du club coulaient en même temps que le puck et les cages de but. Quand la nature ne veut pas que vous gagniez, c’est que ça part déjà mal.

On notera au passage le joli clin d’œil de l’histoire, puisque Gottéron joue aujourd’hui dans la vétuste mais bientôt rénovée BCF Arena et que cela n’aide clairement pas l’équipe à se surpasser.

La vieillote et inconfortable BCF Arena

Un palmarès encore plus vide que la Pontaise

Mais le plus grand drame que traverse Gottéron ne date certainement pas d’hier. En effet, le club fribourgeois a un cabinet à trophées aussi rempli que celui de l’équipe nationale de Saint-Marin tous sports confondus. Pire que tout, ils n’ont jamais remporté la NLA. Alors certes, plusieurs clubs de l’élite, spécialement romands, ont le même palmarès (Lions et Aigles, sentez-vous visés), mais on parle suffisamment d’eux ces temps et Gottéron mérite sa place dans cette rubrique suite à sa glorieuse saison 2018-2019.

Le plus triste pour les Dragons est qu’ils ont le même mental en finale de playoff qu’un joueur du PSG après une facile victoire à l’aller en ligue des champions. En effet, Gottéron ne compte pas moins de cinq « titres » de vice-champion suisse, perdant en finale des playoffs quatre fois et terminant une fois deuxième de l’ancienne formule du championnat. Ce n’est donc pas comme s’il s’agissait d’un petit club, à l’image de Lausanne et de ses zéro finales au plus haut niveau. Fribourg a en effet compté dans ses rangs des joueurs de légende, tels que Slava Bykov (quintuple champion du monde et double champion olympique avec l’URSS en tant que joueur, double champion du monde en tant qu’entraîneur de la Sbornaja), Andreï Khomutov (six fois champion du monde et triple champion olympique avec l’URSS), Gil Montandon (triple champion suisse, 870 points en LNA, premier joueur de l’histoire à passer les mille matchs de LNA), Shawn Heins (une centaine de matchs de NHL, surtout connu pour son caractère de psychopathe notoire et ses slapshots) ou encore Cristobal Huet (une coupe Stanley, près de 300 matchs de NHL, trois fois élu meilleur gardien de LNA).

L’arrivée des deux stars soviétiques, en 1990, a permis de placer Fribourg sur la carte du hockey suisse et a également eu un impact non négligeable sur le développement de ce sport dans notre belle confédération. Les deux cracks ont emmené les Dragons à des hauteurs jamais atteintes jusqu’ici et ont fait rêver une génération de fans de hockey, non seulement fribourgeois mais aussi romands. Je présume d’ailleurs que la Grande Machine Rouge, surnom de l’équipe de Russie, n’a jamais eu autant de supporters en Suisse que durant les années 90. Si vous avez un pote dzo qui a entre 20 et 29 ans et qui s’appelle Slava, ne vous demandez plus d’où ça vient.

L’immense Slava Bykov (aucune idée de ce qu’il fait avec ce maillot)

Cependant, malgré le niveau exceptionnel de l’équipe entre 1992 et 1994, Gottéron bute trois années de suite en finale des playoffs, face à l’ennemi ultime bernois d’abord puis contre Kloten à deux reprises. Ensuite viendront deux décennies avec des résultats en dents de scie lors desquelles on pensera que le club dzodzet a laissé passer sa chance. Mais au début des années 2010, sous l’impulsion de son nouveau président Laurent Haymoz, les Dragons comptent à nouveau sur une armada sur la glace et la poigne de fer de Hans Kossman leur permet de retrouver les sommets, y compris une nouvelle finale en 2013, malheureusement à nouveau perdue face aux ours voisins. Mais le vrai drame de cette année fut la perte de son regretté président. Ses successeurs n’ont pas eu la même réussite et l’équipe est rentrée dans le rang dès la saison 2014-2015.

Blague à part, le club est tellement désespéré de n’avoir jamais gagné de trophée qu’il s’en est créé. En effet, depuis 2013, Gottéron offre plusieurs récompenses à l’interne, récompensant le meilleur buteur du club, le meilleur défenseur, etc. Apparemment, on n’est jamais mieux servi que par soi-même.

Une saison 2018-2019 en dessous de tout

Dès 2015 donc, le club est bien plus irrégulier et a manqué plusieurs fois la qualification pour les playoffs. Mais la saison en cours a probablement atteint un point culminant dans la médiocrité sarinoise, avec une dixième place en saison régulière synonyme de participation à un tour de placement aussi chiant qu’un cours de répète à Bure en plein mois de mars. Le tout ayant une marge, maigre mais non négligeable, d’avance sur Servette, finalement 8ème et dernier qualifié en playoff, à quelques matchs de la fin du championnat. Et cet échec glaçant s’explique par plusieurs raisons.

La première d’entre-elles est le départ de nombreux cadres qui tiraient les Dragons (Cervenka, Birner, Rathgeb, auxquels on peut ajouter des joueurs comme Mauldin, Plüss ou Kwiatkowski, partis depuis plusieurs saisons déjà) vers le haut et qui n’ont jamais vraiment été remplacés. Cette saison, heureusement que Fribourg a pu compter sur ses deux fidèles briscards Sprunger et Bykov et sur un gardien exceptionnel en la personne de Reto Berra, sinon la chute depuis le pont de la Poya aurait été plus terrible encore. Bon, je suis un peu sévère, Slater, Miller et Mottet (surtout en début de saison) ont plutôt fait le job du moins au niveau statistique, Micflikier aussi depuis son arrivée et Marchon s’affirme de plus en plus comme un sacré espoir du hockey helvétique. Mais globalement l’effectif n’est pas taillé pour jouer les premiers rôles du championnat et cela s’en ressent clairement, sans parler du manque de motivation de certains joueurs.

Comment Gottéron se voit VS comment nous les voyons

Le second point est bien entendu la gestion désastreuse des coulisses par le directoire noir et blanc emmené par un Christian Dubé bien plus à l’aise sur une patinoire qu’en dehors. Je ne vais cependant pas m’attarder sur le cas du barbu mais néanmoins incompétent Québécois, vous enjoignant plutôt à voter pour lui dans le cadre du pigeon d’or en vous aidant de cette présentation déjà bien exhaustive.

Je vais donc plutôt me rabattre sur l’entraîneur au patronyme le plus improbable de la ligue, celui qui pourrait être l’alter ego nominatif de Johnny English, j’ai nommé Mark French. Ou plutôt, puisqu’il est Ontarien et que les Québécois ont pour habitude de traduire tout ce qui est en anglais, devrais-je donc dire Marc Français. Certes, ce dernier doit faire comme il peut, coincé entre un effectif démobilisé et une direction aussi efficace que le service de sécurité du stade de Tourbillon. Mais le choix de faire confiance à un entraîneur inconnu au niveau suisse et disposant d’un palmarès aussi long que la période entre deux cartons rouges de Serey Dié pose question, surtout lorsque l’objectif plus ou moins affiché et de remporter le titre. Marc Français n’a clairement pas les références au niveau national qu’avaient le bon Zenhaüsern, la brute Kossman ou le truand Huras avant lui. Dès lors, on peut réellement se demander pourquoi le club l’a récemment prolongé, qui plus est si l’on en juge à ses résultats récents à la tête de l’équipe.

Et maintenant ?

En bref, pour aller de l’avant, la direction fribourgeoise doit impérativement se poser les bonnes questions et vite, sous peine de devenir à moyen terme l’équivalent romand de Rapperswil. Comme nous l’avons vu, la gestion est problématique et des têtes doivent probablement tomber. Mais ce n’est pas tout, l’effectif doit être sacrément revu, si possible sous l’impulsion d’un directeur sportif plus avisé. D’ailleurs, pourquoi ne pas prendre exemple sur des clubs moins prétentieux (quoique) mais surtout bien plus malins dans le recrutement, à l’image de Bienne ?

Au rayon des rares bonnes nouvelles sur les bords de la Sarine, on notera que le problème de la patinoire est sur le point d’être réglé. Un écrin plus moderne devrait permettre à l’équipe de gagner des recettes et du confort, ce qui serait un plus non négligeable dans la grande mission de reconquête que Gottéron doit attaquer.

Ce qui est certain, c’est que même si les fans des autres équipes francophones ne seront pas d’accord avec cela, Gottéron doit rebondir. Cette équipe devrait se rappeler que son logo est un dragon et non un caméléon. Les joueurs doivent cracher du feu et arrêter se cacher, et ainsi oublier la lose qui émousse les lames de leurs patins. A l’heure ou Lausanne et Bienne n’ont jamais semblé si forts ou presque, ce serait une vraie bonne chose pour le hockey romand que le Dragon renaisse des cendres de cette année désastreuse (je sais que normalement c’est le phénix qui fait ça, mais comme le dragon crache du feu j’ai décidé que ça marchait aussi).

A propos Joey Horacsek 84 Articles
Bon ça va, je vais pas vous sortir ma biographie

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6 Commentaires

  1. 5 finales, certes perdues, est déjà un sympathique succès pour un club d’une petite ville de 30’000 habitants. Les années passées en LNA sont également ressenties comme un succès par nombre de supporters. Gottéron est à sa place on dira, avec son budget limité, son centre de formation tout à fait moyen et sa patinoire vieillotte. CR se montre incisif voire castrateur dans son style sans les formes mais en restant un brin objectif, ou en regardant le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, il y a toujours de quoi être fier de ce club même après une saison en deçà des attentes.

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