Une décennie de Nati

Je ne sais plus exactement quand m’est venue l’idée de réaliser cet article. Sûrement cette année en feuilletant une énième fois ma collection de billets de matches, et en me plongeant inévitablement dans tous les souvenirs qu’ils contiennent. Cette collection commence en 2011 et je me dis que, bien que j’ai des souvenirs de la précédente, cette décennie écoulée marque mes premiers matches au stade, mes premiers voyages pour l’équipe nationale qui n’ont fait que renforcer et consolider un amour inconditionnel pour ce mythique maillot rouge à croix blanche.

Quoi qu’on puisse en penser, cette décennie restera un très bon cru. L’équipe nationale a passé un palier, sur le plan sportif tout du moins. En effet, la vénérable Association Suisse de Football a quant à elle montré toutes ses limites durant cette période en accumulant les scandales et les mauvais choix au niveau de sa communication … mais passons. Avant, participer à une compétition majeure était une anomalie, maintenant cela est devenu une habitude. Presque un acquis pour certains… Les gens ont la mémoire courte et il s’agit de ne pas oublier les phases difficiles des décennies passées pour apprécier à sa juste valeur les qualités de l’équipe d’aujourd’hui. Alors oui, il y a des regrets, beaucoup de regrets même. Mais ceux-ci sont à la hauteur de la valeur de cette génération championne du monde M17 qui aura été aux commandes de l’équipe nationale durant la majeure partie de cette décennie. Ces regrets sont cristallisés dans cette incapacité chronique à réaliser cet exploit majuscule, ce ¼ de finale d’une compétition majeure tant attendu depuis 1954. Il aurait dû venir, sans doute, lors d’une après-midi ensoleillée dans le Chaudron stéphanois ou dans la torpeur de ce sinistre affrontement de juillet 2018 contre la Suède. Il aurait pu également venir lors de ce fameux Suisse-Argentine de juillet 2014, si Schär avait fait valser le fémur de Messi jusqu’à Rio, si Dzemaili avait été placé un centimètre plus à droite du poteau de Romero… Mais il viendra peut-être l’été prochain durant un Euro 2020 dans lequel cette fameuse génération aura une dernière occasion d’écrire, enfin, la plus belle page de son histoire.

J’ai beaucoup réfléchi pour trouver une phrase, un mot pouvant résumer au mieux cette décennie et honnêtement j’ai du mal à en trouver un qui me satisfait autant que « Et si … » Tout simplement parce que c’est sûrement les deux mots avec lesquels j’ai commencé la plupart de mes débats passionnés, véhéments et forcément un peu biaisés au sujet de notre Nati depuis 2010. On aurait pu finir 3 fois à poil dans les rues et au lieu de ça on a fini 3 fois à se prendre la tête dans les mains et à se dire « et si … »

Il y a quelques décennies, il aurait sans doute été particulièrement ardu de réaliser un top 5 regroupant les meilleures rencontres de notre équipe nationale. D’une part car les participations aux rendez-vous majeurs se faisaient aussi rares qu’un Jurassien sobre un soir de St-Martin et d’autre part car le niveau de jeu proposé se rapprochait plus d’un Rebeuvelier-Courchapoix que d’un Real Madrid-Barcelone.

Je me sens donc quelque peu privilégié de pouvoir conter cette décennie, somme toute de très bonne facture et qui laissera à tous les amoureux de notre équipe nationale des souvenirs impérissables.

Mon top 10 est donc forcément sensible à mes souvenirs, ma sensibilité et est donc à prendre avec des pincettes. J’espère que vous prendrez autant de plaisir à le lire que j’ai eu à le rédiger.

10) Suisse v Slovénie (3-2), 05.09.2015, Parc St-Jacques, Bâle

Dramaturgie Importance Niveau de jeu TOTAL
7 4 4 15

J’ai longtemps hésité quant au choix du premier match allant figurer dans cette liste. Beaucoup de rencontres y auraient eu leur place de par leurs scénarios rocambolesques (Suisse-Islande 4-4, Suisse-Allemagne 5-3). Mais aucun de ceux-là ne m’a marqué comme ce Suisse-Slovénie.

On plante le décor : phase de qualifications de l’Euro 2016. Pas n’importe quel Euro. Ce sera en France, chez nos voisins. Un Euro dans un vrai pays de foot où les frais de transports seront réduits au strict minimum, et où on s’attend à un gros contingent de fans helvétiques, forcément ça fait rêver. En plus on a encore en travers la gorge le camouflet Pologne-Ukraine 2012 et on se dit que 8 ans sans Euro ça commence à faire beaucoup. Alors quand on voit notre Nati se crouter lors des deux premiers matches de groupe, on l’a assez mauvaise. Malgré une suite de parcours sans encombres face aux ogres que sont St-Marin, la Lituanie et l’Estonie, tous les yeux sont rivés sur la rencontre face au concurrent direct pour la deuxième place du groupe. La pression est donc forte en se rendant dans l’antre rhénane et on sait qu’une défaite nous condamnera à passer notre été 2016 au camping des Flots Bleus plutôt que dans les gradins des enceintes françaises.

La rencontre débute de la pire des manières avec une Nati aux abonnés absents et une Slovénie qui joue bien le coup en concrétisant ses quelques occasions pour s’offrir un avantage de 2 buts à la mi-temps. Comme souvent, la Suisse montre un tout autre visage au retour des vestiaires (à croire que personne ne les a informés que la première mi-temps compte aussi dans le score final du match). Mais c’est surtout le coaching du Mister qui permet à la Suisse de sortir la tête de l’eau. Les entrées successives d’Embolo, de Stocker et de Drmic redonnent de l’allant à une attaque jusque-là bien trop timorée. C’est le dernier nommé qui allume la première mèche à la 81e minute. Puis la folie s’empare du Parc St-Jacques à la 84e sur un bijou de triangulation Shaqiri-Xhaka-Stocker. On se pince pour y croire et pourtant le meilleur reste à venir. Au bout du temps additionnel, un rush final de Schär aboutit dans les pieds de Drmic qui n’a plus qu’à pousser le ballon au fond des filets pour composter le ticket de la Nati à l’Euro 2016.

Le camping des Flots Bleus attendra, les portes de mon premier grand tournoi sont grandes ouvertes.

 

9) Suisse v Portugal (2-0), 6.09.2016, Parc St-Jacques, Bâle

Dramaturgie Importance Niveau de jeu TOTAL
5 3 7 15

On a souvent reproché à l’équipe nationale de ne pas être capable de sortir des performances de premier rang face à des équipes de classe mondiale. Ce 1er match des qualifications pour la grand-messe du football en Russie était le meilleur moyen de faire taire ses détracteurs. Un peu de contexte s’impose : l’adversaire du soir n’est autre que le Portugal, fringant champion d’Europe en titre et légitime favori d’un groupe où les deux sésames se joueront à trois : Suisse, Portugal et Hongrie. Avec un début de campagne qui nous voit affronter successivement nos deux adversaires directs, on comprend tout de suite qu’il n’y aura pas de tour de chauffe à disposition des hommes de Petkovic.

La Suisse comprend le message et entre dans la rencontre tambour battant en réalisant une première mi-temps de haute voltige ponctuée par deux réalisations d’Embolo et de Mehmedi. La Nati fait le dos rond durant la deuxième période et décroche 3 points ô combien précieux qui les lancent idéalement dans cette campagne de qualification.

On connaît la suite et une course-poursuite qui se terminera en queue de poisson un peu plus d’une année plus tard à Lisbonne. Tout est bien qui finira bien: la Suisse compostera son ticket pour la CCCP quelques mois plus tard face à l’Irlande du Nord lors du barrage de qualification.

8) Hongrie v Suisse (2-3), 08.10.2016, Groupama Stadium, Budapest

Dramaturgie Importance Niveau de jeu TOTAL
7 3 6 16

J’assume qu’une grosse part de subjectivité entre en ligne de compte dans ce choix. En effet, les déplacements de l’équipe nationale en phase de qualifications ont ce petit charme, cette intimité entre habitués qui les rendent si authentiques, aux antipodes des grands rendez-vous estivaux rameutant leurs troupes de touristes avides de sensations fortes.

Et il s’avère que ce match fut mon premier déplacement en dehors des compétitions majeures. Un souvenir forcément spécial. Une nuit de train pour se rendre à Budapest la Belle (et oui on n’a pas attendu Greta Thunberg nous) et les hostilités étaient lancées. Deux noces mémorables plus tard, des souvenirs plein les yeux et trois points de plus dans la besace, nous rentrions avec le sentiment du devoir accompli en terre helvétique.

Auswärtssieg !

Mais ce match mérite néanmoins son lot de louanges ne serait-ce que pour son scénario complètement fou. Après une première mi-temps timorée (sauf en tribune où le public hongrois a mis une pression dont je n’ai jamais trouvé d’équivalent à ce jour), Seferovic ouvrait les vannes à la 51e et venait extérioriser sa rage devant le kop suisse après un Euro difficile pour lui. Mais la Hongrie ne baisse jamais les bras et Szalai répondait de suite pour faire encore monter d’un cran la température du chaudron hongrois. C’est à ce moment que Rodriguez décida, pour son premier but en match officiel avec la Nati, de nous concocter une demi-volée absolument sublime pour redonner l’avantage aux rouge et blanc et m’envoyer valser de bonheur quelques sièges plus bas. La fin de la rencontre était irrespirable pour les nôtres et Szalai s’offrait un doublé à la 71e. On se disait que, après tout, ramener un point de ce déplacement ne serait pas une si mauvaise affaire et on attendait ainsi patiemment le coup de sifflet de M. Kuipers.

C’est alors que Petkovic eut la brillante idée de faire entrer Stocker à la place de Mehmedi à quelques minutes du terme de la rencontre. Pari gagnant: le ballon finit dans les pieds du bâlois dans la surface et un beau mollasson du gauche faisait tirer le jackpot à la Suisse et lui offrait 3 points inestimables dans l’enfer de la Groupama Arena. Une preuve irréfutable de l’esprit d’équipe et du caractère animant ce groupe depuis la prise de pouvoir du Mister 2 ans plus tôt.

En ce qui nous concerne, on avait encore 20 heures de train sans couchettes à se coltiner mais pour des weekends comme ceux-là, je veux bien le refaire toutes les semaines.

7) Portugal v Suisse (3-1), 05.06.2019, Stade du Dragon, Porto

Dramaturgie Importance Niveau de jeu TOTAL
5 6 7 18

Forcément, puisqu’on parle de la Nati, il n’y aura pas que des victoires dans ce top 10. Les défaites marquantes sont légions dans cette décennie et on va commencer par la plus récente.

Les années impaires sont souvent mornes et la participation au tour final de la Nations League était un excellent prétexte pour prendre une semaine de congé et aller se prélasser sur les plages portugaises tout en étant, ne l’oublions pas, à seulement deux matches de voir la Suisse soulever un trophée. On entrait donc dans le magnifique Stade du Dragon avec l’espoir de passer enfin l’écueil des matches à élimination directe dans une rencontre où la pression est moindre que dans le contexte d’un Euro ou d’une Coupe du Monde.

La Suisse a joué sa carte à fond et la rencontre était très plaisante à suivre. Seferovic, alors en pleine bourre au Benfica, cristallisait nos principaux espoirs mais la réussite lui échappait sur une tête légèrement trop croisée et une latte sur une frappe pourtant imparable du pied droit. Côté portugais, quand on dispose d’un des deux meilleurs joueurs de la planète dans ses rangs, c’est beaucoup plus simple:

  1. on obtient un coup-franc (inexistant) à l’orée de la surface de réparation
  2. on le laisse tirer
  3. c’est goal (méthode satisfait ou remboursé)

Bon c’est sûr que la méthode a une probabilité de succès encore plus élevée lorsque votre gardien est dans un jour sans et que son temps de réactivité est celui d’un morse échoué sur la banquise.

Le seum : spécialité suisse AOC

Malgré une pression toujours plus forte des hommes de Petkovic lors de la deuxième période et une égalisation sur penalty de Rodriguez, CR7 ressurgissait au moment opportun pour asséner deux coups de poignards dans le coeur de la Nati. La porte de la finale se referma brutalement. Cruel, comme (trop) souvent…

6) Suisse v Belgique (5-2), 18.11.2018, Swissporarena, Lucerne

Dramaturgie Importance Niveau de jeu TOTAL
7 4 9 20

Haris au pays des merveilles

 « On en a vraiment mis cinq à la Belgique ?! Cinq ?!!! ». On est modeste en Suisse. On aime bien gagner les matches un à zéro ou à la rigueur avec deux buts d’écart afin de ne pas froisser nos hôtes du soir et préserver de bons rapports bilatéraux. L’amour du compromis est inscrit dans notre ADN, rien à faire contre cela. Il fallait donc se pincer pour y croire en regarder le tableau d’affichage de l’enceinte lucernoise en cette froide soirée hivernale : 5-2 pour notre Nati. Quand on se remémore le début de match calamiteux ponctué par un énorme trou noir d’Elvedi et d’un laxisme incompréhensible de notre défense (certes expérimentale avec une charnière Klose – Elvedi qui me faisait particulièrement souci avant le coup d’envoi), il y avait de quoi être particulièrement sceptique. Après 30 minutes ça faisait 2-0 pour les vice-champions du monde et on s’imaginait volontiers en ramasser cinq dans la besace plutôt que le contraire. Puis vint le scénario le plus fou de la décennie pour l’équipe de Suisse. Une remontada à faire pâlir les plus belles soirées d’Anfield ou du Camp Nou. Parce que pas de Messi ou de Klopp pour faire chavirer une pâle nuit lucernoise mais bien le prince de Sursee et ses acolytes. Un premier penalty magnifiquement tiré par Ricardo Rodriguez rallumait la flamme avant que le tapis rouge ne soit déroulé au numéro 9 le plus décrié de l’histoire de la Nati, qui nous concocte un triplé d’anthologie : pied droit, pied gauche, tête, tout y est. Mes cordes vocales portent encore les stigmates d’un cri entonné en chœur par tout un stade en furie : « But marqué par le n°9 Haaarrissss S-E-F-E-R-O-V-I-C ». Un magnifique pied de nez à ses détracteurs et une belle reconnaissance pour un joueur qui n’a jamais triché sous la tunique rouge et blanche. Chapeau et merci Haris !

5) Espagne v Suisse (0-1), 16.06.2010, Stade Moses Mabhida, Durban

Dramaturgie Importance Niveau de jeu TOTAL
8 7 5 20

Nul doute que certains auraient mis ce match plus haut dans le classement de par, à l’époque tout du moins, son caractère phénoménal et irrationnel. La Suisse arrivait en Afrique du Sud avec peu d’ambition et d’emblée tapait un des favoris au titre. Toutefois, ce match restera comme la seule éclaircie d’un tournoi absolument calamiteux pour notre équipe nationale. C’est bien beau de gagner chichement contre le favori du groupe et d’exploser l’arcade de Gérard Piqué si c’est pour se faire marcher dessus contre le concurrent direct du groupe (Chili) et se faire dessus contre une des équipes les plus limitées du tournoi (Honduras).

On peut aussi ajouter que ce match fut une véritable purge footballistique. Il suffit de se remémorer le véritable bijou de Gelson Fernandes qui a permis d’écrire l’histoire ce soir-là: Nkufo met un ballon au bol dans la profondeur qui, ricochant sur deux genoux espagnols finit par hasard dans les pieds de Derdiyok. Celui-ci lance sa course tel un tank lancé sur les lignes ennemies, puis s’écrase sur Casillas en réalisant au passage un superbe salto arrière. On ne sait plus où est le ballon. Gelson non plus qui le confond avec la tête de Piqué. Malgré le manque de densité de l’objet, il parvient à franchir la ligne de but et entre instantanément dans la liste du Prix Puskas 2010.  Rappelons également avec émotion que notre défense centrale était composée de Senderos, Grichting et Von Bergen appuyés par l’extraordinaire Ziegler sur l’aile gauche. Quand on ajoute à ça Nkufo en pointe on comprend tout de suite que cette équipe avait approximativement le potentiel technique des vétérans du FC Meyrin et qu’il fallait brûler quelques cierges avant le match pour espérer se rapprocher de la surface de réparation. La technique romaine de la tortue était la seule corde à l’arc du sacro-saint (pour le Blick tout du moins) Ottmar Hitzfeld. Rarement voire jamais je n’ai senti notre Nati aussi peu maîtriser son destin que lors de ce Mondial sud-africain.

Mais bon, on pourra toujours dire qu’on est la seule équipe à avoir battu les futurs champions du monde mais de ça, honnêtement, je m’en fous un peu.

4) Suisse v Équateur (2-1), 15.06.2014, Estádio Nacional de Brasília Mané Garrincha, Brasilia

Dramaturgie Importance Niveau de jeu TOTAL
9 7 5 21

Avec mon pote, on a toujours ce jeu un peu stérile où, dès la date du tirage au sort jusqu’au coup d’envoi d’un tournoi majeur, on décortique chaque scénario possible du groupe de la Nati pour en faire ressortir les matches à ne pas rater et les matches un peu moins importants. De nombreuses heures passées en rentrant de soirée, à se dire « clairement si on perd Suisse-Équateur c’est fini ». Et il s’avère que quand on passe autant d’heures à faire des théories foireuses, on finit quand même par se rapprocher un peu de la vérité. Entrer dans une Coupe du Monde n’est jamais simple, qui plus est quand on doit assumer un rôle de tête de série comme ce fut le cas pour la Nati de 2014. Ce match marque le début d’une très mauvaise habitude qui voit cette génération rater de manière incompréhensible ses débuts de match. Crispée, sans idée, la Suisse sombre sous le cagnard de Brasilia et Enner Valencia douche la nation dès la 22e minute. A la mi-temps, les regards sont sombres et les bières se boivent difficilement, entre deux insultes vociférées à l’encontre d’un numéro 2 absent et d’un Stocker à côté de ses pompes. Fort heureusement, le thé fait du bien à tout le monde et Mehmedi nous remet sur les bons rails. S’en suit une fin de match crispante et une action de légende au bout du temps réglementaire. L’Équateur a le ballon de la victoire au bout du pied mais Valon, impérial sur le coup, sort un tacle d’anthologie, remonte le ballon à lui tout seul, trébuche, profite de l’avantage, et réussit enfin à lancer la contre-attaque. Rodriguez est bien décalé sur l’aile, centre sur Haris qui surgit au premier poteau pour nous faire entrer dans un état de folie absolue. On finit par s’enculer sur les tables de billard, ivres de joie, à s’imaginer, enfin, un parcours de légende.

3) Argentine v Suisse (1-0), 01.07.2014, Arena Corinthians, Sao Paulo, 01.07.2014

Dramaturgie Importance Niveau de jeu TOTAL
10 10 6 26

A l’heure d’aborder ce top 3 de la décennie, je me sens un peu comme lorsque petit, mes parents me disaient de finir mes choux de Bruxelles avant de pouvoir attaquer les frites. Les sept premiers ont marqué la décennie mais, à quelques exceptions près (Espagne-Suisse), ne marqueront pas l’Histoire. Les trois derniers, eux, marqueront à jamais l’imaginaire collectif des supporters de la Nati. J’ai passablement hésité à choisir les matches qui composent ce Top 10. Toutefois, et ce dès le début, la composition du podium me paraissait claire comme de l’eau de roche.

Commençons donc par ce mythique Argentine vs Suisse. Premier match à élimination directe depuis 8 ans et les larmes de Cologne. Malgré notre statut de tête de série et une phase de poules bien négociée (à l’exception du naufrage contre nos voisins français), la Nati arrive en outsider face au colosse argentin, emmené par le génie Messi et quasiment sur ses terres dans ce tournoi brésilien. Contre toute attente, la Suisse fait mieux que de la résistance et, grâce à un système tactique parfaitement rodé, annihile les velléités argentines et se procure même les meilleures occasions du premier acte par Xhaka et Drmic. Bel arrêt du gardien argentin sur l’essai du premier nommé mais immenses regrets sur l’essai de Josip, qui lobe trop vite un Romero qui avait bien anticipé. Le deuxième acte s’équilibre pour voir sur la fin une domination argentine qui bute sur un Benaglio impérial et une défense Rodriguez-Schär-Djourou-Lichtsteiner des tous grands soirs, prête à tous les sacrifices pour garder notre cage inviolée. La tension est insoutenable, et chaque action dangereuse fait grimper ma tension artérielle au rupteur. Tout le monde attend fébrilement les tirs aux buts pour un remake de 2006 quand survient cette tristement célèbre 118e minute. Ce genre d’action qu’on refait mille fois dans sa tête en se disant que si Schär avait fait preuve de plus de roublardise, il aurait pu (dû) découper le lutin argentin pour stopper net le développement de l’action. En se disant que si Lichtsteiner avait accroché Palacio au départ de l’action il aurait évité une perte de balle… Mais le drame se produisit et Messi put décaler Di Maria qui, à l’orée des 16 mètres, ne laissait pas passer si belle offrande et crucifiait Benaglio. La détresse de Lichtsteiner , agrippé dans les filets du but, le regard hagard, était celle de millions d’Helvètes, de toi sûrement, de moi en tout cas.

Mais l’impossible, l’irréel, était proche de se produire. La Suisse, portée par un esprit de corps extraordinaire, ne baissait pas l’échine et jetait ses dernières forces dans la bataille dans cinq dernières minutes de folie. Au bout du temps additionnel, un centre magnifiquement distillé par Xherdan finissait sur la tête de Dzemaili. Maudit, le milieu de terrain voyait le ballon taper le poteau droit de Romero avant de ricocher sur son genou. Injuste. Terrible. Mais tellement suisse. Shaqiri obtenait encore un coup franc à l’orée des 16 mètres mais le meneur de jeu n’en profitait pas et envoyait sa frappe directement dans le mur argentin, sonnant le glas des derniers espoirs suisses.

Ne vous sentez pas seul : moi aussi j’ai besoin de quelques Xanax pour visualiser cette image sans éclater en sanglots.

La Suisse quittait le Brésil la tête haute et Hitzfeld, pour son dernier match, était tout proche d’entrer dans la Panthéon du Football Suisse et de faire oublier un mandat mi-figue, mi-raisin. Cette fameuse génération championne du monde M17, confirmait les promesses placées en elle pour son premier grand tournoi.

Mais putain qu’elle a fait mal.

2) Serbie v Suisse (1-2), 22.06.2018, Kaliningrad Stadium, Kaliningrad

Dramaturgie Importance Niveau de jeu TOTAL
9 8 9 26

Peu de matches resteront ancrés dans l’imaginaire collectif comme ce Serbie-Suisse. Plusieurs raisons peuvent être évoquées pour justifier cette théorie : dans un premier temps par son importance sportive. N’oublions pas qu’une défaite aurait renvoyé la troupe de Vlado directement à la maison. Dans un deuxième temps par sa qualité de jeu. Rarement voire jamais l’équipe nationale n’avait livré une si belle partition footballistique (tout du moins durant la deuxième période) dans un grand rendez-vous. Et enfin, surtout, par son caractère politique, omniprésent et qui a fini par faire passer les deux premières citées au second plan.

Il restera dans ma mémoire comme mon premier match de Coupe du Monde; un souvenir forcément impérissable, qui plus est quand celui-ci est agrémenté d’une victoire et d’un scénario pas piqué des hannetons.

C’est donc ce fameux jeudi 21 juin 2018 que je m’embarquais pour un périple mémorable afin de rallier l’enclave russe de Kaliningrad. Après un départ de Bâle retardé et une escale à Francfort ponctuée d’un 400 mètres haies dans les couloirs de l’aéroport qui m’aurait probablement valu une qualification pour les prochains Jeux Olympiques, j’embarquai pour Gdansk la belle. Arrivé en terre polonaise m’attendait une nuit sous les étoiles bien calé entre le trottoir, mon sac à dos et les murs de la gare (qui plus est magnifique édifice du 18e siècle). Malgré quelques réveils impromptus dus aux rototos sporadiques d’Igor qui se descendait son 6e litron de bière à côté de moi et à la brise sympathique qui venait chatouiller mes orteils, on peut considérer que la nuit se déroula plutôt bien.

Le lendemain matin, Grezgorzk, gentil chauffeur ruskov dégoté sur BlaBlaCar, devait me permettre de rallier le Pays des Soviets dans sa Passat modèle 1997. L’absence de rétroviseur droit et l’état aviné du conducteur ne m’ont pas alerté outre mesure et c’est plein d’espoir et d’excitation que je m’apprêtais à rejoindre Kaliningrad. Après 5 heures de périple pendant lequel Grezgorzk m’apprit quelques rudiments de la langue chère à Vladimir Poutine telle que bière « Piva » ou je suis ivre mort « jav gov noi », mon compagnon du jour me déposa sain et sauf dans mon auberge de jeunesse. Pris d’une envie pressante de faire une petite sieste, je découvris avec plaisir que la clientèle de l’auberge était composée à 99% de fans serbes, apparemment très heureux de me voir. A la vue de leur joie de me faire partager leur répertoire de chants à la gloire de leur pays, je me suis résigné à devoir me coltiner une deuxième nuit blanche de suite (particulièrement en cas de victoire). Après quelques discussions fort sympathiques où ils m’expliquèrent à quel point ils appréciaient notre équipe nationale, je pris le parti de rejoindre le stade à pied. Mal m’en a pris puisque la jolie marche bucolique qui m’attendait se transforma en véritable calvaire à mesure que les éléments se déchaînaient. Trempé jusqu’aux os, quel ne fut pas mon soulagement lors je vis la silhouette du stade se dessiner devant moi.

La table est dressée, les Serbes peuvent être servis.

Je fus d’emblée soulagé de constater que je me trouvais dans le secteur suisse, mieux loti sur le coup que d’autres acolytes de Carton-Rouge. Le coup d’envoi approchant, la tension augmentait inexorablement et atteignait son paroxysme durant les hymnes nationaux où mes glandes lacrymales furent prises d’une irrésistible envie de se vider. Le coucher de soleil naissant venait rajouter une touche romantique à ce moment unique. J’y étais : un match de Coupe du Monde de la Nati.

Ka-lin-ka-ka-lin-ka-lin-grad

Comme à son habitude, notre Nati entra avec difficulté dans son match et, après quelques occasions très chaudes concédées à un Tadic très remuant, la sentence tomba par l’intermédiaire de Mitrovic qui, d’une tête imparable, faisait exploser un stade acquis à la cause serbe. Les hommes de Petokvic peinaient à répondre au duel physique proposé par les Serbes et la première mi-temps arriva avec un immense sentiment de frustration. On se dit que, de nouveau, on allait passer à côté d’un grand rendez-vous. C’est à ce moment que Petkovic allait, à raison, brasser les cartes et changer le cours de cette rencontre. Deux changements d’entrée de deuxième période qui firent le plus grand bien : direction le banc pour un Seferovic et un Dzemaili à côté de leurs pompes et entrée pour Drmic et Gavranovic censés amener de la percussion à un jeu offensif stérile. Le résultat ne se fit pas attendre avec une égalisation grandiose de Xhaka qui dynamita les filets d’un missile tomahawk qui laissa le gardien serbe pantois. La célébration et le regard plein de rage du milieu d’Arsenal toisant les fans serbes ne laissait plus planer le moindre doute : le match avait tourné. La Nati allait triompher. S’en est suivie une des plus belles périodes de football qu’il m’ait été donné de voir depuis que je suis l’équipe nationale. Les occasions se succédèrent à un rythme effréné et la Suisse resserrait doucement mais sûrement son étau autour de l’équipe de Krstajic. On se dit que ce festival d’occasions manquées allait nous être fatal… jusqu’à ce contre mythique. Akanji pour Xhaka. Xhaka pour Gavranovic. Gavranovic pour Shaqiri. La Suisse est en apnée durant 5 secondes qui paraissent durer une éternité… avant l’extase. Le Messi des Alpes terrasse la Serbie et nous met quatre orteils et demi en 1/8e de finale. La liesse s’empare des quelques Suisses présents dans notre secteur. La bière vole, on enlace des inconnus d’un air ahuri en se demandant si ce qui vient de se passer est bien réel.

Il y encore quelques années, la Suisse se serait recroquevillée sur ce match nul préservant ses chances de qualifications. Mais cette Suisse n’est plus la même, elle n’a peur de rien et reste fidèle à ses principes de jeu, envers et contre tout.

Ce soir-là, la Suisse fut grande dans l’adversité. Ce soir-là, la Suisse fut belle dans la diversité.

Une soirée pour l’éternité.

1) Suisse v Pologne (1-1 ; 4-5 TAB), 25.06.2016, Stade Geoffroy Guichard, St-Etienne

Dramaturgie Importance Niveau de jeu TOTAL
10 10 7 27

 « Mais oui mon garçon mais ouiiiiiiii. C’est ça qu’on veut, ça c’est Shaqiri, exceptionnel geste de Xherdan Shaqiri !!  Et la Suisse qui égalise à la 82e minute !! Mais ouiiii !! Comme c’est beau comme c’est beau !!! »

Philippe Von Burg, 25.06.16, Suisse vs Pologne

En dehors du générique de Malcolm in The Middle, de la Rauracienne, des paroles de Hells Bells et de l’hymne national suisse, je connais aussi le commentaire exact de Philippe Von Burg lors du but de Xherdan Shaqiri ce fameux 25 juin 2016. Je pense que cela constitue une bonne introduction et, bien que totalement subjective, une bonne raison pour vous expliquer pourquoi ce Suisse-Pologne est pour moi LE match de cette décennie.

Tout simplement parce que ce match est le seul de l’histoire récente de l’équipe nationale Suisse qui contient tous les ingrédients qui font que je vibre tant pour ce sport. Tout d’abord un stade et une ville qui respirent le football VRAI. Pas un environnement footballistique artificiel monté de toutes pièces, sans âme et aseptisé. La plupart des gens s’en foutent mais pas moi. St-Etienne est une ville certes pas idéale quand vous vous préoccupez plus d’alimenter votre compte Instagram de spots touristiques en vogue que d’assister au match de votre équipe, mais c’est une ville de football et c’est tout ce qui m’intéresse quand je vais voir un match de football. De caractère particulièrement hospitalier (je ne pensais effectivement jamais qu’un jour je passerais de client à tenancier à DJ puis à nouveau à client durant la même soirée), les habitants de St-Etienne sont aussi de vrais amoureux du ballon rond et mon séjour dans cette charmante ville ouvrière gardera une place spéciale dans mon cœur. Un match de légende a besoin aussi de se nourrir de son environnement. Et quel meilleur environnement que Geoffroy-Guichard, Le Chaudron vert, avec ses tribunes debout, à l’anglaise, proche de la pelouse, pour créer le contexte de ce match. En soit un VRAI stade de football, comme tout fan de football devrait les aimer. La proximité avec la Suisse et la tarification pour une fois abordable mise en place durant cette compétition par l’UEFA permit de réunir un contingent très respectable de fans helvétiques (environ 15’000). En a résulté ce que je considère comme la meilleure ambiance à un match de l’équipe nationale depuis 2006 et la Coupe du Monde en Allemagne. Un soutien magnifique, encore accentué par l’égalisation de notre Messi national.

Le Chaudron avant la tempête.

Le contexte de ce match était lui aussi particulier. Cet Euro représentait le premier tournoi majeur du nouveau sélectionneur national Vladimir Petkovic. Fortement décrié par certains médias outre-Sarine, il était attendu au tournant lors de cette grand-messe footballistique estivale. La Suisse avait réalisé une phase de qualifications mi-figue, mi-raisin mais avait assuré l’essentiel dans un groupe contenant uniquement un cador sérieux en la personne de l’Angleterre. Elle avait par la suite bien négocié une phase de poules somme toute extrêmement abordable avec l’Albanie, la Roumanie et la France. La Suisse terminait deuxième de sa poule et se dirigeait vers la Pologne avec peu de certitudes, surtout offensivement, mais avec 2 jours de repos supplémentaires et le sentiment que l’heure d’écrire l’Histoire avait sonné après les échecs allemands et brésiliens de 2006 et 2014.

Ensuite, le match. Un match à élimination directe n’est pas un match comme les autres. Il se place au-dessus de la mêlée. Car il a sa propre histoire, unique. Pas de calcul, pas de gestion. Surtout, il y a les prolongations et point final de la théâtralité footballistique : les tirs aux buts. Quand tous ces ingrédients sont réunis au sein d’un même match, ce qui est déjà rare, il existe le point final : le But. Je ne parle bien évidemment pas du but selon sa définition du Larousse qui stipule : « Dans presque tous les sports d’équipes où l’on se sert d’un ballon, endroit où l’on cherche à faire entrer le ballon ; point marqué quand le ballon atteint cet endroit. »

Je parle de la quintessence du football, de l’orgasme, du nirvana du ballon rond. Le But d’une vie, le but du siècle, le but éternel. Et ce but de Shaqiri, ce ciseau retourné digne des meilleurs épisodes d’Olive et Tom, en est ma définition. Il est de ces buts qui vous font enlacer vos voisins de gradin, même si inconnus, qui vous font vous retrouver à trois rangées de votre place initiale, sans trop que l’on sache pourquoi … Ce but est donc le justificatif principal de cette 1ère place. Sans lui, nul doute que Suisse vs Pologne naviguerait dans le ventre mou de ce classement, sans réelle saveur, si ce n’est de baigner dans l’aigreur d’une cruelle défaite aux tirs aux buts.

Et merde j’ai remouillé mon pantalon …

Car oui la physionomie de ce match se calque sur un scénario vu et revu par les aficionados de l’équipe nationale. Il commence par un début de match chaotique, où la nervosité est à fleur de peau. Djourou et Sommer sont à deux poils pubiens de servir le 1-0 sur à plateau à Milik qui n’en demandait pas tant. Fort heureusement, le Polonais, pas encore chaud, ne parvient pas à régler la mire… Quand on met 10 minutes à se réveiller ça va, mais quand on « snooze » le réveil pendant 45 minutes la sentence tombe et Blaczykowski punit la défense suisse, dont la vitesse de replacement sur le contre polonais était digne d’une descente de bobsleigh des Rasta Rockets. Heureusement pour nous, il reste un peu de fierté dans cet effectif et la deuxième mi-temps est d’un tout autre acabit. La Suisse pousse tant et plus mais bute sur un Fabianski stratosphérique qui détourne notamment un coup de pied arrêté de Rodriguez qui allait tout droit nettoyer la toile d’araignée du portier polonais. Un habile coup franc de Shaqiri, qui après 3 matches et demi, daignait rentrer enfin dans cet Euro français, offrait une occasion énorme à Seferovic qui frappait la barre. En m’arrachant la moitié du cuir chevelu, je me disais que le destin était contre nous, comme en 2006, comme en 2014… jusqu’à cette 82e minute. La suite du match voyait une domination de plus en plus franche de la Nati et sans une nouvelle parade de mutant de Fabianski sur une tête à bout portant de Derdiyok, la Suisse prenait rendez-vous pour le tour suivant à Marseille. Mais au lieu de ça, la cruauté du sport, particulièrement exacerbée lorsqu’il s’agit de notre équipe nationale, prenait le dessus et nous offrait une séance de tirs aux buts. Tous les tireurs exécutent leur labeur sans faillir, sauf un… sauf Xhaka. Il expédie son ballon sur Mars et nous envoie tous en enfer.

Dotée d’un tableau dégagé comme peut-être plus jamais avec le Portugal ou la Croatie en quart et le Pays-de-Galles (!!) ou la Belgique en demies, il y avait quelque chose de grand à écrire ce soir-là.

Au lieu de ça des regrets, pleins de regrets… Éternels cette fois.

La décennie à venir est pleine de promesses. Une nouvelle génération frappant à la porte et symbolisée par le renouvellement générationnel opéré par le Mister depuis la Coupe du Monde 2018 fait son entrée dans le onze de base. Le réservoir potentiel peut également s’appuyer sur une équipe M21 en pleine bourre et regorgeant de talents (Cömert, Toma, Zeqiri, …) Les Mbabu, Itten, Vargas, Zakaria & Co ont les clefs de la Nati de demain et auront la lourde de tâche de nous faire pleurer à chaque nouvelle défaite en 1/8e, de nous faire exploser de joie à chaque but dans le temps additionnel, d’alimenter nos débats foireux en fin de soirée, … Parce que la Nati c’est tout ça en même temps et bien plus encore. Et surtout, parce que la Nati c’est pour toujours.

Hop Suisse !

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5 Commentaires

  1. Classement à revoir, je crois que la 1ère place va changer… Et bravo pour ta qualité d’écriture et pour ta ferveur.

    Bien que français, depuis une dizaine d’années j’apprécie les matchs de la Suisse que je considère un peu comme notre 2ème équipe nationale.
    Alors forcément j’étais embêté pour ce 8ème France-Suisse, j’ai zappé presque à chaque bonne action entre chaines française et suisse (merci le retard internet) triste sur l’une joyeux sur l’autre et vice-versa. C’est aussi pour ça qu’au final, je n’étais pas trop déçu du résultat.
    Quitte à perdre autant le faire face à un adversaire qu’on apprécie et qui par cette victoire vit un grand moment pour son pays, ça console un peu.

    Bonne chance pour la suite, vous aurez quoi qu’il en soit un supporter de plus et sans doute bien d’autres chez vos voisins français.

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