Foot US (2) : la Draft, ou comment donner des millions à un mec qu’on connaît à peine

Suite de la découverte 1.0 de l’univers du foot US et peut-être plus largement du sport américain, nous allons pouvoir plonger un peu plus profondément dans ses entrailles. Nous connaissons le « fôte » et ses systèmes de promotion/relégation, les Amerloques sont eux totalement ignares de cette façon de procéder. Leurs réseaux de recrutement ne sont pas les académies de chaque club, mais les universités qui préparent les athlètes au monde professionnel. Objectivement, les deux ont de l’intérêt et les deux ont des défauts, mais il semble assez clair que le système européen ne fonctionnerait pas aux États-Unis et inversement. Alors plutôt que de pester contre l’un ou l’autre, autant connaître les deux, histoire de s’endormir moins con.

La suite de ce papier s’applique généralement aux ligues professionnelles américaines (MFL, NBA, NHL, MLB), mais afin de poursuivre sur la lancée du mois passé, la loupe sera mise sur la partie foot US. La première chose qu’il faut savoir, c’est que pour devenir joueur professionnel en NFL, il faut presque obligatoirement passer par le système universitaire, à part s’il vient d’Europe, mais étant donné qu’il y en a 3 tous les 50 ans, on ne va pas trop s’attarder dessus.

Chaque université a un certain nombre de bourses à donner chaque année pour recruter les joueurs de high school (lycée, collège, gymnase selon d’où vous venez). C’est là que commence le concours de beauté ! Les universités les plus prestigieuses prennent généralement les joueurs les plus prisés de par leur histoire.

Les joueurs de high school sont suivis de très près et catégorisés comme étant des recrue de 1 à 5 étoiles. Ils vont ensuite visiter les universités qui leur proposent une bourse et signent une lettre d’intention à celle qu’ils souhaitent rejoindre.

La carrière universitaire

Il existe quatre années bien distinctes en Football universitaire (NCAA) : Freshman (1re), Sophomore (2e), Junior (3e), Senior (4e). Comme tout le monde s’en doute, il y a une petite vacherie qui vient compliquer un peu le tableau. Imaginons qu’un joueur soit assez peu utilisé ou blessé tôt dans la saison (utilisé sur moins de 4 matches en gros), il peut utiliser ce qu’on appelle le Redshirt. En d’autres termes, il ne brûle pas une année d’éligibilité à l’université. On peut donc avoir des Redshirt Seniors qui ont donc passé 5 ans à l’université au lieu de 4 (voire plus, cette année Cameron Rising est dans sa 7e année universitaire, mais pas la peine de chercher à comprendre… Il y a eu une année de plus d’éligibilité donnée pendant le covid et pour piger le reste il faut un doctorat).

Autre particularité particulièrement particulière, un joueur universitaire doit en principe avoir validé au moins 3 ans en NCAA pour être éligible à jouer en NFL. Il peut donc déclarer sa disponibilité à la Draft NFL en tant que Junior ou Redshirt Sophomore (deux années de jeu et une Redshirt).

La Draft

Une fois les joueurs déclarés à la Draft, autour du 15 janvier de chaque année, la couverture télé aux États-Unis s’intéresse assez vite à eux. Réellement, dès que le Super Bowl est terminé, mi-février, on ne parle presque plus de ça sur les chaînes sportives américaines jusqu’à la date fatidique fin avril.

Mais la Draft, c’est quoi en fait ? Les Québécois appellent ça le repêchage. En gros, les franchises NFL sélectionnent les meilleurs joueurs universitaires. La plus mauvaise équipe choisit en premier, la meilleure en dernier. Il y a 7 tours où les équipes sélectionnent pendant trois jours un total d’environ 250 joueurs. Alors non, 7 élus par équipe fois 32 équipes, ça ne fait pas 250, mais il existe des choix compensatoires, qui sont donnés aux équipes qui ont perdus le plus d’éléments importants. Constat, dans les ligues fermées des États-Unis, tout est fait pour que le classement se rééquilibre chaque année. Il faut quand même se rendre compte d’une chose, c’est que lorsqu’une franchise choisit un joueur, elle ne le connaît pas vraiment. Oui, elle regarde tous ses matches universitaires, elle l’interviewe, elle peut assister à quelques entrainements, mais on est très loin du concept de centre de formation qu’on peut avoir dans les clubs de « fôte » en Europe.

Comparaisons poste par poste, besoins de chaque équipe à chaque poste, potentiels échanges, tout est analysé à la télé américaine les semaines qui précèdent la Draft. Alors oui, là on peut clairement s’arrêter et faire un parallèle avec le marché de transferts qu’on connaît en Europe. On a l’habitude d’échanger un joueur contre une somme d’argent. Oubliez tout ! Aux US, que ce soit à la Draft ou lors d’échanges durant la périodes des transferts, les principaux intéressés n’ont pas leur mot à dire. Les franchises négocient entre elles et font valdinguer les types comme bon leur semble. D’ailleurs, on échange généralement un joueur contre un ou plusieurs autres. Et c’est là que les plus puristes des footeux de par ici vont se perdre, dans les ligues américaines, il est très fréquent d’échanger un joueur contre un ou plusieurs choix de Draft ou même des choix de Draft les uns contre les autres. Exemple :

Les Minnesota Vikings ont envoyé les choix n° 23 (1e tour), n° 167 (5e tour) ainsi qu’un 3e et un 4e tour de la Draft 2025 afin de récupérer le choix n°17 (1e tour). Source : NFL.com

4 choix de Draft contre 1 pour sélectionner 6 choix plus tôt que leur position initiale ? Cela peut paraître très cher, mais cela dépend des besoins de l’équipe. Dans cet exemple, les Minnesota Vikings ont envoyé 4 de leurs possibilités pour pouvoir choisir à la 17e place au lieu de leur 23e place initiale. Et comme au fôte, des fois les dirigeants sont des chèvres… La Draft peut permettre à une franchise médiocre de récupérer un excellent joueur pour améliorer son effectif ou à une sélection déjà bien construite de remonter dans le tableau pour aller chercher la perle rare qui pourrait l’aider à gagner un titre.

On ne va pas se mentir, la Draft c’est malgré tout une loterie. Des fois le 1er choix devient une star, d’autres fois la majorité du top 15 font des bonnes carrières, mais il ne faut pas oublier que celui qui est vu comme le meilleur joueur de l’histoire, Tom Brady, a été pris au 6e tour avec le 199e choix lors de la Draft de l’an 2000.

Le coin ciné

Le cinéma autour de la Draft est très limité, certainement avec raison, mais il y a malgré tout un film qui peut donner un peu une idée de l’atmosphère qui plane autour de cet évènement. Pour essayer de comprendre, essayer de penser à votre club de fôte préféré qui présente sa nouvelle star. 40’000 personnes dans le stade pour le regarder faire 3 jongles. Maintenant vous le mettez à la sauce show américain, vous mettez en scène 250’000 fans et 32 équipes pendant 3 jours et hop, ça fait des chocapics ! Enfin non, ça fait la Draft…

Donc, au départ, on parlait de cinéma.

Draft Day ! Un bon nanar, ou alors au moins quelques moments gênants, pour les passionnés de foot US. Un élément intéressant afin de comprendre un peu le système pour quelqu’un qui ne serait pas initié. Bon, quoi qu’il en soit, il y a Jennifer Garner qui y a un rôle important donc c’est toujours ça de pris ! Et puis, Kevin Costner en acteur principal, on a vu largement pire. Il n’y a aucun doute que le film a une certaine valeur, mais les échanges effectués (exemple de la réalité plus haut) sont capillotractés à l’extrême.

Il permet en tous cas de comprendre la fonction d’un General Manager, qui doit construire l’effectif et se prend parfois la tête avec le coach de la franchise qui aurait d’autres préférences au niveau des choix de joueurs pour construire l’effectif.

Le fashion show

Vu que le but de connaître le système de recrutement américain était de s’endormir moins con, on va contrebalancer le truc en parlant de mode. Les accoutrements des joueurs draftés sont une source quasiment inépuisable de rire et de ridicule. Le soir du premier tour, les futures stars débarquent soi-disant sur leur 31 sur tapis rouge et défilent devant les médias. Au fil des années, on a pu observer quelques belles horreurs. Entre chaussures à diamants, crop tops, chaînes en or par-dessus le costard, tout y passe. Et il y a toujours une bande de bolosses qui se tripotent le sifflet sur les différents accoutrements plus horribles les uns que les autres. Et quand il y en a un qui est présentable et un peu sobre, pas l’ombre d’un article à l’horizon. Alors on va continuer sur la tendance histoire que ce soit encore plus con. Voyez plutôt…

Ezekiel Elliott et son magnifique costard crop top… (YouTube)

 

Jordan Addison et son… truc (YouTube)

Au final, le système de recrutements américain a ses forces, mais aussi ses défauts. Il faut bien avouer que le but principal de rééquilibrer la ligue à chaque intersaison est assez réussi. On peut assister chaque année à bien quelques surprises où une équipe du bas de tableau parvient à battre un favori. À l’inverse, le concept de relégation étant absent dans une ligue fermée, il faut reconnaître que certaines équipes finissent parfois la saison en roue libre afin de s’assurer le 1er choix de la Draft (puisque la pire équipe le récupère) afin de renforcer leur effectif pour la saison suivante.

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1 Commentaire

  1. Le sport pro, c’est du sport business. Les ligues fermées devraient être la norme partout, à ce stade. En Europe aussi, donc.

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