Les Lions épeluchent les Tigres

On la fait peut-être aux supporters lausannois lambdas en pleine confiance. On la fait peut-être aux joueurs, qui, franchement, n’en sont plus à ça près. Qu’on la fasse à Stéphane Rochette, bon public (photo à l’appui ci-dessous), passe encore. Mais il y en a un à qui on ne la fait pas : Bruno Curchod.

Lui, du haut de sa tribune de presse, a bien remarqué que depuis au moins cinq ans, l’équipe Marketing & Communication du Lausanne Hockey Club a bon goût de planifier le traditionnel lancer de peluches du club en faveur d’associations caritatives systématiquement contre Ajoie ou Langnau. Et ça n’a pas manqué à l’occasion de cette cuvée 2024, qui a vu le SC Langnau se montrer bon joueur et le LHC s’imposer facilement à domicile. Et puisque l’arrêt de jeu ayant suivi l’ouverture du score lausannoise a déjà été bien trop long aux yeux du rabat-joie qui tenait lieu de commentateur pour cette rencontre et qui, de toute évidence, n’a jamais entendu répéter deux fois à la suite le mot « doux » durant sa tendre enfance, passons au match sans perdre plus de temps.

Le match en deux mots

Slew-footing. Honnêtement, on n’est même pas sûr que ça fasse deux mots, et quand la pénalité de match contre l’attaquant emmentalois Jiri Felcman est tombée à la 17e minute pour un accrochage sur Jason Fuchs, on a haussé le même sourcil que tout fan de hockey persuadé qu’il connaissait le règlement de son sport bien mieux que les arbitres et qui vient d’apprendre l’existence d’une nouvelle pénalité mineure. Qu’on appelle littéralement « pied tournant », qui plus est.

Et maintenant on comprend enfin pourquoi on nous affiche les pénalités en anglais à la télé, et pourquoi nos arbitres de National League n’ont toujours pas de micro. Parce que « rotierender Fuss », ça ressemble quand même pas mal plus à un plat douteux servi dans un restaurant turc qu’à un terme technique de hockey sur glace, n’en déplaise aux esthètes. Sur ce coup, on ne pourra pas contredire Denis Vaucher, et, croyez-le ou non, le temps qu’on y réfléchisse, Bruno Curchod en a profité pour donner l’explication de ce que pouvait bien être ce slew-footing, et on n’a rien entendu à l’affaire. À moins qu’il ait omis de le faire ? À moins qu’il n’en sache pas plus que nous ?

L’action Mario Lemieux du match

Tout fan de hockey de plus de cinquante ans (et tout journaliste spécialisé) vous l’aura déjà dit au moins une fois : le fameux « comme quoi, le hockey, c’est facile ! » qui suit une analyse séquentielle de dix minutes avec focus sur l’orientation des patins par rapport au corps et l’angle d’inclinaison de la crosse sur la glace. Pour son quatrième but de l’après-midi, le LHC s’est chargé de donner raison aux susmentionnés.

But encaissé. Engagement gagné dans le rond central. Puck lancé à l’abordage par David Sklenicka. Puck chipé dans les patins d’un défenseur par Jordann Bougro. Dribble. Tir du poignet dans la lucarne.

C’est le premier but de Jordann Bougro pour le LHC. Il s’est passé 8 secondes. Les 8 seules secondes de bonheur auxquelles ont eu droit les fans de Langnau venus à Lausanne ce dimanche.

L’action Mario Lepire du match

24e minute. De l’avis d’un bon nombre de supporters présents à la Vaudoise aréna cet après-midi, Ken Jäger, seul au second poteau, a manqué l’un de ces fameux buts que, merde, franchement, sérieux, même ma grand-mère, elle l’aurait mis, çui-ci. À tel point que, bien malgré lui, le centre lausannois a provoqué le lancement des premières peluches sur la glace, destinées à l’ouverture du score lausannoise, mais probablement jetées en toute confiance des mains de tous ceux qui, à sa place, merde, franchement, ils l’auraient mis au fond, eux, çui-ci.

La minute MySports

« Comme quoi, on peut s’appeler Riikola, et être quand même malade. »

Entre nous, avouons-le : tout suiveur des Langnau Tigers, ou peut-être du hockey suisse, l’a déjà faite au moins une fois, au hasard, tout seul, avachi sur son canapé, la bière à la main, provoquant autant l’hilarité incontrôlée de l’araignée vivant derrière sa télévision qu’une sensation de solitude digne de celle d’Ajoie au fond du classement du Teletext depuis 3 ans. Alors venant de Bruno Curchod devant l’audience du match du dimanche, (pardon, du Match of the Week), on ne pouvait pas la laisser passer. Pas plus qu’on ne peut s’empêcher de se réjouir qu’un Finlandais du nom d’Ovomaltinen ou un Américano-Slovaque portant le doux patronyme de Dureks n’ait encore posé ses valises en Suisse.

L’esthète du match

On a parlé du but de Jordann Bougro, qui, paraît-il, aurait passé un casting pour interpréter Luigi dans le remake en live action du film d’animation adapté du célèbre jeu vidéo Super Mario Bros. Mais le vrai esthète du match de cet après-midi était à chercher en tribunes, et non sur la glace. Le vrai esthète du match (qui aurait aussi pu être le blessé du match, soit dit en passant), n’était pas Nathan Vouardoux, dont le mulet, tel la lune, est en phase ascendante après une coupe bien méritée, et qui profite de sa blessure pour renouer avec les plus anciennes traditions de son canton natal. Le vrai esthète de ce match était bien Théo Rochette, qui a profité de son absence sur blessure pour s’offrir un look à mi-chemin entre un étudiant en histoire de l’art parisien et un trader des années 1920 persuadé que, « Si, si, t’inquiète, ça va le faire ».

Et Rochette père, dans tout ça, qu’est-ce qu’il en dit ?

Ah, d’accord. L’image parle d’elle-même. Les rageux diront « Oui, mais bon, on a fini tard, hier soir, avec les highlights, tout ça. » C’est ça. On la connaît tous, celle-là.

Le blessé du match

En voyant la formation emmentaloise se présenter avec seulement trois mercenaires sur la glace de la Vaudoise aréna, on aurait pu croire que la liste de cette rubrique serait longue cette après-midi. Mais non : la faute à une suspension, une naissance, une maladie et, quand même, une ou deux blessures, pour faire bien. On remerciera en tout cas le SC Langnau, malgré sa situation de victime multirécidiviste toutes compétitions confondues du lancer de peluche du LHC, d’avoir tout mis en œuvre pour qu’une fois de plus, les peluches pleuvent à Lausanne, en allant jusqu’à confier sa cage à Luca Boltshauser, bien connu du public local et fort de ses 87 % d’arrêts en moyenne, plutôt qu’à un certain Stéphane Charlin, meilleur gardien de la ligue avec ses 95 % d’arrêts. Coaching gagnant, puisque Boltshauser a honoré la région dont il porte les couleurs en offrant une performance, disons, à trous.

Et puisqu’il faut bien parler d’un blessé, l’on peut toujours évoquer Raphael Prassl, dont la guérison annoncée pour le mois d’octobre est aussi ponctuelle qu’un train en Suisse romande le jour des premières neiges de la saison. Mais, comme pour le train en question, il y a de la lumière au bout du tunnel, puisque Prassl passera vraisemblablement un test dans les prochaines semaines visant à évaluer la possibilité d’un retour au jeu. Espérons pour lui qu’à la sortie du tunnel ne se trouve pas aussi l’un ou l’autre trou vicieux ouvert au milieu des rails, vieillard accroché malgré lui à une porte de wagon ou encore panne de courant totale.

La minute Cedric Borga

Bon, c’est bien beau, tout ça, mais c’est quoi, un slew-footing, au final ?

Puisque le règlement du hockey suisse émis par l’IIHF ne sert de toute évidence pas aux arbitres de la National League, autant qu’il serve aux passionnés de la rondelle. Le slew-footing, selon le règlement, est donc, nous citons, « le fait pour un joueur d’utiliser sa jambe ou son pied pour frapper ou donner un coup de pied dans les pieds d’un adversaire ou de pousser le haut du corps d’un adversaire vers l’arrière avec un bras ou un coude, et en même temps, avec un mouvement vers l’avant de sa jambe, de frapper ou donner un coup de pied dans les pieds de son adversaire pour le faire tomber violemment sur la glace ».

On dirait que l’auteur de « Tête, épaules, genoux et pieds » a bien grandi. Alors disons pour résumer que l’accrochage de Felcman sur Fuchs relevait au mieux d’un mauvais tango, au pire d’un Teddy Riner sélectionné tiré au sort pour un match décisif de la finale du judo par équipes au JO de Paris. En attendant, si, comme nous, vous n’avez pas le courage de lire en entier la dissertation de l’IIHF sur le sujet, rassurez-vous : MySports, comme toujours, vole à notre secours avec une définition résumée en une ligne : « frapper dangereusement le pied ou le patin d’un adversaire par derrière, ou tirer un adversaire en arrière tout en lui donnant un coup de pied. »

Alors, vous y réfléchirez à deux fois, maintenant, avant d’accuser les arbitres de passer des heures à la vidéo sans avoir lu le règlement ? Parce que nous, pas le moins du monde.

L’image du match

Avec ces trois points offerts durement gagnés contre les Tigres à dents de sabre emmentalois, le LHC est l’équipe la plus prolifique à domicile cette saison (29 points gagnés sur 36 possibles). Alors on peut dire que gagner à Lausanne, cette saison, c’est un peu Minion Impossible, hein ?

En attendant, vous avez déjà vu Tom Cruise faire ça ? 

A propos Laurent Bouvier 12 Articles
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