On est sur un bateau mais on ne sait pas si on l’a fini

Donc aujourd’hui c’est l’Euro. Et l’équipe de Suisse va commencer son test contre l’Albanie. Un test qui va nous faire très vite comprendre si l’équipe vaut quelque chose ou non.

Qu’est-ce que la Suisse peut bien espérer de cet Euro ? Dans un scepticisme général qui ne tend pas franchement à pousser les fans vers l’enthousiasme, on attend de voir plus que l’on espère. Depuis dix ans, on n’a jamais été aussi peu réjouis par rapport à cette équipe. Alors que paradoxalement elle aurait, sur le papier, de quoi nourrir quelques espoirs. Un petit résumé historique s’impose…

Euro 2004

Après huit ans de campagnes humiliantes et de sélectionneurs improbables, la Nati se qualifie dans la joie et l’allégresse pour l’Euro portugais. On revient de loin donc on est même contents de jouer avec des gentils faiseurs de foot comme Zwyssig et Berner. La préparation se solde par une absence de buts, Frei rassure dans la presse en disant que « les buts on les garde pour l’Euro » (on a appris depuis que ce genre de phrase ne rassurait pas du tout en fait), on croit être supérieur à la Croatie (on ne sait toujours pas pourquoi diable on a pu penser cela à l’époque), on s’estime historiquement à l’aise contre les formations britanniques (parce qu’il y a huit ans on a arraché un vieux nul contre l’Angleterre mais qu’on oublie qu’on s’est fait manger par les Ecossais quelques jours après) et on pense que Stéphane Chapuisat peut encore mener une attaque… Au final, la Suisse livre un match consternant contre la Croatie avec un 0-0 arraché à dix contre onze, se fait exploser par l’Angleterre de Gerrard et n’est qu’une formalité pour la France. Elle découvre aussi à quel point les médias suisses-allemands sont des adorateurs de donner une image d’eux-mêmes responsable et rigoureuse puisqu’ils dénoncent le crachat de Frei. A cette époque, on pouvait deviner que le RBI, ça n’allait pas passer.

« les buts on les garde pour l’Euro » Frei 2004

Bilan : La Suisse tenait le rôle de gros naïf content d’être là.


Coupe du Monde 2006

swisss-team2006Après avoir fait de brillants 0-0 contre la France et l’Irlande et s’être extirpée d’une Turquie vieillissante en barrage malgré une défaite 4-2, la Suisse pense soudain être une des meilleures équipes d’Europe. Durant la préparation, la Suisse réalise un moyen match nul contre une belle équipe ivoirienne (époque Drogba / Touré à leur apogée) et un beau 1-1 contre l’Italie (et la célébration de but la plus grotesque par Daniel – « moi j’aime boire des binches et fumer des clopes » – Gygax). On a l’impression qu’on va arriver en demi, que tout le monde craint les rouges et blancs, que ça va être la fête du slip, que Xavier Margairaz sera Ballon d’Or. Au final, il faut être honnête, on a toujours été exagérément dithyrambique par rapport à un parcours marqué par un nul arraché chanceusement à la France (avec les performances de handball de Patrick Müller) dans lequel Frei réussit l’exploit d’empêcher de la main un goal de Djourou (ça aurait pu lancer sa carrière tiens…), une victoire contre le Togo que beaucoup d’observateurs neutres ont pu voir comme volée, et une belle victoire contre la Corée du Sud (une équipe qui avant d’être organisatrice en 2002 se contentait de deux joueurs par vignette Panini). Et on ne reviendra pas sur le vomitif huitième contre l’Ukraine.

Bilan : Un enthousiasme immodéré pour une équipe moyenne qui n’a créé aucun exploit mais qui était persuadée de pouvoir gagner un Euro chez elle deux ans plus tard. 


Euro 2008

La Suisse l’organise et, galvanisée par les « extraordinaires » performances de la dernière World Cup, est prête à montrer qu’elle est une des meilleures équipes du monde (même que c’est elle qu’on prendrait pour affronter les méchants aliens dans Space Jam  version foot). Ce ne sont pas deux ans de matchs amicaux désastreux, une crise interne suite à l’éviction de Vogel, ou sélectionner deux joueurs blessés qui vont miner le moral quand même. Malheureusement, la fête sera à l’image de la cérémonie d’ouverture bâloise : gênante. Une défaite d’entrée contre les Tchèques, une humiliation contre les Turcs sur un terrain-piscine qui fait honte à voir et une victoire pour la forme contre un Portugal peu concerné. Alors certes, il y eut beaucoup de poisse, un Frei cassé en deux et des occasions « à ça tetieu » mais à un moment, la chance ça se provoque et cela ne cache pas une préparation davantage dans le discours que dans les actes.

Malheureusement, la fête sera à l’image de la cérémonie d’ouverture bâloise : gênante.

Bilan : La Suisse redescend de son nuage et réalise qu’elle a encore beaucoup de travail même avec une progression évidente (l’effectif sur le papier était sans doute l’un des meilleurs de l’histoire).


Coupe du Monde 2010

Equipe - Suisse - 20.11.2007 - Foot Football - Amical - Euro 2008 - largeur attitude pose Im3280925 Debout de gauche a droite Diego Benaglio - Philipp Degen - Blaise N Kufo - Johan Djourou - Mario Eggimann - Ludovic Magnin Accroupis de gauche a droite Gokhan Inler - Tranquillo Barnetta - Hakan Yakin - Gelson Fernandes - Daniel Gygax -

Arrivée de Hitzfeld à qui on passe tout de l’autre côté de la Sarine, qualification sur le fil avec des victoires in extremis contre la faible Lettonie et une Grèce en déclin avancé (on passera sur l’épisode luxembourgeois qui n’était finalement qu’un accident), des match de préparation toujours aussi inquiétants malgré un match nul contre l’Italie largement pas aussi héroïque que 4 ans auparavant (et d’ailleurs on sait ce qu’a fait l’Italie par la suite…), une équipe paradoxalement plus mauvaise qu’avant si l’on regarde les clubs dont les joueurs sont issus et le fait qu’il faille prendre dans la valise des mecs comme Padalino, Bunjaku ou le vieux Nkufo. La victoire lors du premier match contre l’Espagne, lors d’un match tendu et marqué par des coups de chance quand même assez incroyables mais avec un Inler et surtout un Derdiyok extraordinaires (dommage de voir ce qu’ils sont tout deux devenus…), n’a pas empêché un naufrage par la suite contre le Chili et le Honduras.

Bilan : On n’attendait franchement pas grand chose de cette équipe et elle ne nous a pas déçus à ce niveau là. La redescente sur terre est bien confirmée mais le titre des moins de 17 ans en Coupe du Monde, un an avant, rallume des lanternes d’espoir.


Euro 2012

La loose. La pire campagne de cette époque débutée quand même par un magnifique match nul à Malte. Frei et Streller se cassent en claquant la porte. Gareth Bale montre à la Suisse ce qu’est l’humilité. Sans parler du Monténégro. Par contre l’ASF trouve toujours que Hitzfeld est un magicien.

Par contre l’ASF trouve toujours que Hitzfeld est un magicien.

Bilan : On se dit que cette équipe est « prometteuse ». Mais ça fait juste dix ans qu’on dit la même chose.


Coupe du Monde 2014

Le retour de la grandiloquence. On ne sait toujours pas pourquoi. La « meilleure équipe de Suisse de l’histoire » se qualifie avec brio contre la tête de série norvégienne, les surprenants Islandais et la terrifiante Slovénie. Elle enchaîne avec de magnifiques victoires en préparation contre la Jamaïque B et le Pérou. On dira qu’au moins c’étaient des victoires mais de là à envisager d’écraser la France de Pogba et Griezmann, on se demande encore comment on a pu mettre le champagne au frais. Un bon 5-2 dans les dents et une héroïque défaite (ah ce qu’on aime les « héroïques défaites » par chez nous) contre l’Argentine contribuent à souligner le fait qu’aller en huitième de finale signifie « réussir une belle Coupe du Monde ». Ca montre à quel point on est ambitieux dans ce partage entre « mais enfin on n’est que la Suisse, on ne sera jamais le Brésil » et « maintenant on est la Suisse qui gagne ».

Bilan : Une campagne de qualif moyenne, une compétition plus que moyenne dont on arrive encore à tresser les louanges. Mais à l’époque, au moins, on arrivait à s’enthousiasmer.


Et l’Euro 2016 ?

e4ad1db47f8cde3de2d6e1385d522Une campagne de qualification très similaire à celle de 2014 avec des équipes relativement faibles contre lesquelles la Suisse a peiné. Sauf que cette fois, il y avait l’Angleterre en pleine renaissance. Le boulot a été fait tristement, dans un engouement populaire digne d’une veillée funèbre. On en est arrivés à l’étape charnière où l’on attend trop mais où l’on ne s’enthousiasme pas des réussites. Il y a une semaine, les hommes de Petkovic récoltaient une petite victoire contre la Moldavie. Petite au niveau du score, mais correcte. Après la défaite contre la Belgique, on peut y voir une marge de progression. En comparant les campagnes passées, on peut quand même s’étonner du négativisme de cette année par rapport aux espoirs que l’équipe a pu susciter par le passé. Non, l’équipe de Suisse n’est certainement pas moins bonne qu’il y a deux ans. On avait juste davantage tort à l’époque. Quelques joueurs semblent avoir baissé de niveau mais c’est sans doute parce qu’on les voyait comme de trop grands espoirs auparavant. Shaqiri était au Bayern ? Oui il avait gagné un beau titre sur le banc. Seferovic était prometteur au Real Sociedad ? Peut-être mais il ne faisait que promettre. Il manque certainement un système de jeu actuellement et on peut critiquer Petkovic mais franchement, penser qu’il est une moins-value par rapport à un imposteur comme Hitzfeld c’est un peu exagéré. D’ailleurs le Bosno-suisse a le mérite, contrairement à la star allemande, de ne pas utiliser des joueurs à contre emploi. Il a osé mettre Dzemaili en milieu offensif, a reculé Xhaka, a laissé les avants-centres être des avants-centres. Il est surtout mal aimé à cause de la mentalité débile de Blickards qui trouvent que, dans un pays multiculturel et multilingue, il est scandaleux qu’il ne parle pas allemand. Oh mon dieu. Un vrai foutage de gueule.

De même, les espèces de polémiques remettant en cause la représentativité suisse par des joueurs d’origine kosovare est assez amusante dans le cadre d’une équipe qui a toujours connu des séparations entre Romands, germanophone et Tessinois. Franchement, je crois me sentir plus proche d’un mec né à Lausanne de parents Kosovars que d’un Argovien qui regarde la schlagerparad. On a l’impression d’être revenu à l’époque où on appelait les Italiens les Pioums. Tout ça pour ne pas oublier quand même que l’Eurofoot, c’est avant tout du folklore footballistique. Et que ce samedi, on aura quand même envie d’espérer que Lichtsteiner et les autres vont nous offrir quelque chose.

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