La Turquie boit le Calligaris jusqu’à la lie

Une défaite qui va laisser des Thraces

Vous êtes biennois, genevois ou neuchâtelois et la saison de hockey sur glace est terminée depuis belle lurette ? Vous êtes jurassien ou valaisan et on va pas se mentir, ladite saison n’a jamais vraiment commencé ? Bref, qui que vous soyez, il n’y avait vraiment aucune excuse pour manquer ce choc de Women’s Nations League entre notre Nati, 22ème au classement FIFA, et la redoutable Turquie, 62ème mondiale. Ce d’autant qu’il avait pour théâtre le mirifique Letzigrund, égérie de tout architecte contemporain qui se respecte. Aucune excuse on vous dit. Oui, même pour vous, chers Vaudois et Fribourgeois, puisque ce vendredi était un soir d’abstinence en cette période sainte des playoffs.

Pour ceux qui débarquent…

Aucune excuse non plus. On vous a déjà tout expliqué sur cette Ligue des Nations 2024 ici, ici et .

On vous rappelle quand même rapidement que cette mouture de la compétition n’a absolument aucun intérêt immédiat pour notre équipe nationale puisqu’elle sert avant tout de qualifications pour l’Euro 2025 pour lequel la Nati est qualifiée d’office en tant qu’organisatrice.

Sur le moyen terme, retrouver un tantinet de confiance en mettant des taules à des formations faiblissimes sur le papier, donner leur chance à celles qui sont censées marquer la prochaine décennie de leur empreinte (Alayah Pilgrim, Smilla Vallotto (1 assist vendredi), Aurélie Csillag) et remonter immédiatement en Ligue A (mettre des taules c’est bien, mais en prendre ça forme aussi la jeunesse) se doivent d’être des évidences plus que des objectifs.

Et tout ça devait commencer vendredi soir face à une nation qui Bosphore, mais qui reste une néo-promue venue de Ligue C qui n’a apparemment pas les moyens de floquer le nom de ses joueuses sur leur maillot. Perdre face à la Turquie à ce stade, c’est un peu comme si Stan Wawrinka gagnait deux matches de suite sur le circuit ATP en 2024: impensable.

Le match en trois mots

Le pire ottoman.

La femme du match

Viola Calligaris. La joueuse du PSG prêtée à la Juve y est allée d’un doublé (31ème et 78ème minutes) au milieu duquel s’est intercalé le 2-0 de Luana Bühler (52ème). Sur deux Viola (plus ou moins) célèbres dans ce pays, il y en a au moins une qui soutien l’Euro 2025, on prend. On a aussi beaucoup aimé l’apport de la tour de contrôle Julia Stierli (1 assist) et son mètre 82 sur le côté gauche de la défense, à l’allumage de quelques phases intéressantes et à l’extinction des rares velléités offensives adverses. Mention honorable pour Alayah Pilgrim, bien esseulée en pointe au milieu des 10 défenseuses turques et autrice du plus bel enchaînement n’incluant pas de coup de tête de la soirée qui aurait mérité meilleur sort (58ème).

Le tiercé gagnant dans l’ordre.

La buse du match

Appeldeballe… superbement ignoré par la soliste de Malters. Mais qui était-ce là-bas ?

Ramona Bachmann. Honnêtement, stop. Il est temps que le grand public s’identifie à d’autres joueuses que la numéro 10 lucernoise et sa coéquipière bernoise qui porte le même numéro que Shaqiri et qui a actuellement à peu près le même apport hors réseaux sociaux. Un dribble inutile par-ci, un passement de jambe peu pertinent par-là, une talonnade foireuse dans l’enchaînement, une frappe dévissée seule à bout portant en conclusion… au bout d’un moment il faut aller de l’avant et la mettre au fond. Sur le sujet, on vous conseille d’ailleurs l’excellent documentaire ci-dessous consacré au Chelsea des années 2019-2021 dont celle qu’Emma Hayes surnomme « Rami » (et ne titularise jamais) est l’une des protagonistes. Les problèmes soulevés dans son jeu en ce vendredi soir zurichois sont strictement identiques à ceux déplorés par le staff londonien il y a quatre ans, au point que ça en devient troublant.

Le tournant du match

Le moment où les ouailles de Pia Sundhage ont réalisé qu’elles n’arriveraient à rien en attaquant de front et par l’axe un bloc bas et statique qui n’avait d’autre projet que défendre. Trois centres venant des ailes et autant de têtes gagnantes plus tard, l’affaire était dans le sac. Dommage qu’une autre tête (de turc) soit venue empêcher Elvira Herzog, (presque) sollicitée pour de vrai à une seule reprise jusqu’alors (67ème, déviation miraculeuse de Bühler en corner), de fêter un blanchissage. Malgré tout, on ne pourra pas dire que cette Nati n’a pas fait preuve d’Ankaractère, même s’il y a encore du boulot au niveau du fonds de jeu. Si on n’avait pas déjà dépassé notre quota de calembours foireux, on vous dirait même que le niveau de ce duel est allé croissant.

L’instant baklaVAR du match

La réduction du score turque sur la deuxième occasion du match pour les visiteuses dans l’enchaînement du 3-0 suisse (Ece Türkoğlu, 81ème). Tellement dans l’enchaînement qu’on l’a loupée. Sans accès à la VAR ni même à un ralenti sur les écrans du stade, voilà qui laisse un arrière-goût amer à une rencontre qui aurait dû se terminer tout en douceur. Promis, après toutes ces gâteries on commence une Kurde amaigrissement. 

Le chiffre à la con

0. Comme la somme en francs suisses que votre serviteur mettra dans le nouveau maillot (le même pour les hommes et les femmes) de l’équipe de Suisse qui était officiellement inauguré vendredi soir. Espérons que 1) la Nati féminine aura droit à un nouveau chandail en vue de l’Euro 2025, que 2) il sera nettement moins hideux, que 3) la cellule identité graphique de l’ASF finira par comprendre que le mariage rouge-grenat serait moins voué à l’échec si Ross Geller remplaçait l’une des deux couleurs et que 4) grenat, même surtout en solitaire, c’est non. Si Servette et le FC Metz, ou encore Torino et Heart of Midlothian, si vous voulez monter un peu en gamme, ont voulu commettre cette erreur, ça les regarde.

Au pire Robin Carrel et ses lecteurs ont des idées.

Notre compte en banque est bien plus en danger avec ces deux-là.

L’anecdote

Si comme nous vous n’aviez pas encore quitté le radeau de la méduse du foot masculin dans les années 2000-2010, vous vous souvenez certainement d’au moins deux occurrences de duels épiques entre la Nati mâle et la phalange de Fatih Terim (et étonnamment on ne parle pas ici de son poing). Comme on n’allait pas déranger Stéphane Grichting une 712ème fois pour lui parler de son canal urinaire, on préfère vous rappeler l’existence d’une autre rencontre dont la thématique principale est également plutôt liquide et qui mériterait qu’on lui accorde une rétrospective plus souvent. Notamment pour sa première mi-temps qui a vraisemblablement eu lieu en mer de Galilée.

Et sinon dans les tribunes ?

L’effervescence est PALPABLE à une heure du coup d’envoi.

Si vous songez à tourner le dos au hockey masculin pour rejoindre les rangs de son pendant féminin depuis le match sans fin de mercredi dernier à la Vaudoise aréna, on vous donne également quelques arguments en faveur du foot féminin au passage: le temps d’attente pour décrocher un strapontin en face d’un urinoir est facilement divisé par 5, il y a nettement moins de scènes dignes de l’inauguration de la piscine olympique de Saint-Denis (coucou Mauro Dufner) que dans ce sport si viril qu’est le hockey et aucun débordement de « supporters » (sic). On vous l’accorde, les nombreux fans turcs présents sur les bords de la Limmat n’ont eu aucune peine à éviter l’écueil de l’arrêt intempestif au milieu d’un giratoire pour attendre le déferlement des hordes d’ultras rouges à croix blanche dans leur direction approximative.

Image rare d’un rassemblement de pauvres ultras opprimés dans le sport masculin (la rédac’ de CR n’est pas responsable de l’accord du verbe en surimpression).

Multiples blagues à part, le nombre de spectateurs exact au Letzigrund (et sa *!?%& »#+ de piste d’athlétisme) s’élevait à 5490, dont au moins 300 maillots de Fenerbahçe et une demi-douzaine de francophones, ce qui reste environ 2000 de plus que l’affluence moyenne du FC Lugano, troisième de Super League masculine.

La minute Johan Djourou

L’homme à la syntaxe la plus scabreuse d’Europe occidentale s’est illustré pour autre chose que ses sorties lunaires mais toujours très enthousiastes au micro de la RTS ces derniers temps. En effet, contrairement à la Confédération, le natif d’Abidjan a apporté son soutien à l’Euro 2025. Si celui qui fait encore vibrer tout le Nordsjælland depuis la saison 2020/2021 s’est fait entendre en Romandie, imaginez l’impact si une voix que le Conseil fédéral serait forcé d’écouter (ndlr: celle d’un joueur suisse allemand) s’élevait dans la foulée. On ne cracherait pas sur une intervention d’un capitaine rocheux invaincu en club cette saison par exemple.

Le coin mercato

Vous le savez peut-être, la National Women’s Soccer League (NWSL) a repris ses droits depuis quelques semaines puisque la saison commence en mars. L’occasion pour Ramona Bachmann de signer à Houston Dash après quatre ans au PSG. A part la couleur du maillot (collection Protection Civile printemps-été), aucune comparaison possible avec le transfert de Philippe Senderos dans le club parent de Major Soccer League (MLS) de Houston Dynamo en 2017. En effet, le Serbo-Hispano-Genevois avait quitté le Texas et une ligue de seconde zone après seulement 10 apparitions pour rejoindre… Chiasso, 153ème (sur 162) au classement 2022 des villes suisses les plus attractives. Ramona, elle, rejoint une des meilleures ligues au monde et gageons qu’elle ne reviendra finir sa carrière en Suisse que si le Lucerne de ses débuts la rappelle. On voit déjà la banderole du kop: « Bachmann Returns ».

P.S. Oui, un transfert au Gotham FC aurait été extraordinaire.

Comme Senderos est leur seule référence helvétique, les Texans pensent que le français est notre langue de base. Vu son lieu de naissance, espérons qu’il n’ait jamais mentionné de lac.

La rétrospective du prochain match

Azerbaïdjan-Suisse ce mardi 9 avril. On ne voit honnêtement pas ce qui pourrait mal tourner face au matricule 76 du classement FIFA.

Ah le Bakougate de 1996 dans Match Mag. Saines lectures des mercredis de notre enfance.

Au fait, si vous trouvez que Murat Yakin n’est pas extraordinairement compétent et communique de manière un chouïa médiocre, petit retour 28 ans en arrière, toujours dans les colonnes du regretté hebdomadaire (pas satirique pour un sou malgré les apparences) du foot romand:

Légendaire. Le vainqueur du championnat 1993 avec le FC Aarau (!) et ancien mentor de Joachim Löw à Stuttgart (oui, oui) a dû se dire qu’aucun de ses joueurs ne savait lire, c’est pas possible autrement. On raconte d’ailleurs qu’écrire « ARTUR JORGE N’AVAIT PAS FORCÉMENT EMPRUNTÉ LE MAUVAIS CHEMIN » a contribué à la faillite de Match Mag.

Pour la petite histoire, la semaine précédant cette interview à bâtons rompus, en Champions League, le GC de Zuberbühler, Gren, Yakin (!), Vogel, Moldovan et Türkyilmaz giflait les Glasgow Rangers de Gascoigne et Brian Laudrup 3-0 au Hardturm devant plus de 20’000 personnes. La semaine suivante, les Sauterelles s’en iraient gagner 1-0 à l’ArenA face à l’Ajax de Van der Sar, des frères de Boer, Litmanen, Overmars et Kluivert. Ce brave Yakin avait d’ailleurs marqué lors des deux matches. On rappelle également que le FC Sion allait terminer la saison sur un doublé Coupe-championnat. Un autre monde…

Elon Musk, 25 ans à l’époque, n’avait qu’à bien se tenir ! Et Carton-Rouge débutait à peine en format papier.

Le « Sundhage » d’après-match

Ramona Bachmann doit-elle conserver son statut de titulaire indéboulonnable ?
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A propos Raphaël Iberg 174 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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