La guerre de succession est déclarée

Or doncques, le rideau est tombé sur la phase classique du championnat de D 1. Genk, le Club de Bruges, le Standard, Anderlecht, Gand et l’Antwerp vont se disputer les lauriers. On s’est donc, à quelques occasions près (il y a quand même eu des rencontres de fort bon niveau, faut pas déconner),  aimablement pelé le jonc depuis juillet pour aboutir à la constitution d’un groupe d’équipes au sein duquel seul l’Antwerp fait figure d’invité surprise. Dans la deuxième partie du tableau, celle qui jouera pour du beurre des matches de liquidation exclusivement destinés à justifier le paiement des salaires, Mouscron – initialement promis à la relégation, mais invaincu et franchement impressionnant depuis janvier et le changement d’entraîneur – pourrait surprendre tout son monde. Tout en bas du classement, Lokeren n’avait simplement pas assez de talent pour assurer son maintien. Seule une conclusion rapide du dossier du Footbelgate pourrait venir modifier ce dernier verdict, mais ne nous berçons pas d’illusions.

Difficile d’imaginer plateau plus alléchant : les cinq clubs les plus puissants du pays et le plus vieux d’entre tous qui renaît de ses cendres après de longues années de disette. Petit coup d’œil sur les forces en présence dans l’ordre du classement.

Le Racing Genk, qui aligne la deuxième meilleure attaque, la meilleure défense, le deuxième meilleur passeur et le meilleur buteur du championnat partira logiquement avec l’étiquette de favori, mais fait face à une inconnue, qui ne réside pas tant dans le départ chahuté de son capitaine et maître à jouer, l’Espagnol Pozuelo, parti à Toronto quintupler en net le salaire brut qu’il percevait en Belgique. En tant que telle, l’absence du joueur est gérable. L’effectif est là. Reste à voir si ce départ ne va pas laisser de traces dans le vestiaire et, plus généralement, au sein du club dans son ensemble. On sent que l’atmosphère est moins respirable depuis quelques semaines.

Champion en titre, le Club de Bruges est sur les talons des Limbourgeois. Mais dans la Venise du nord également, l’ambiance est morose. Le coach Ivan Leko est profondément déstabilisé par le scandale du Footbelgate en raison de sa trop grande connivence avec son agent, qui est aussi le principal inculpé dans ce dossier pourri. Inculpé lui aussi, il a passé quelques nuits au gnouf. Il est très vraisemblable qu’il ne sera pas reconduit dans ses fonctions. Au milieu de cet imbroglio, l’équipe a perdu de sa superbe et abandonné 8 points à domicile depuis janvier. Le stade Jan Breydel n’est plus un bastion inexpugnable.

Le Standard est capable du meilleur et du pire selon qu’il évolue à domicile ou en déplacement. Il l’a encore prouvé le weekend dernier. Complètement à la rue et menés 0-3 après 48 minutes face à Waasland-Beveren (je vous  laisse imaginer la bronca !), glorieux avant-dernier du classement, les Liégeois se sont offert une spectaculaire remontada, inscrivant trois buts en six minutes et un quatrième un peu plus tard pour valider leur troisième place au classement final. Portés par un public fanatique, les Rouches sont quasiment intraitables dans leur stade et cafouillent dès qu’ils s’en éloignent. Si on ajoute qu’ils n’affichent qu’un maigre bilan de 11 sur 30 face aux autres équipes du top 6, on comprendra que les Liégeois ne partent pas avec la faveur des pronostics. Mais comme ils sont capables de tout et qu’ils disposent, sur papier, de l’effectif le plus talentueux du pays, la pire erreur que l’on pourrait commettre serait de les sous-estimer. On dit parfois que quand deux chiens se disputent un os, c’est le troisième qui vient rafler la mise. On verra.

Copyright Pad’r. Dessin paru dans « La Dernière Heure » du 18 mars 2019 et reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Partout ailleurs qu’à Bruxelles, on a rêvé un moment, on a espéré, on en a parlé du bout des lèvres, on s’est presque frotté les mains, on était prêt à sabrer le champagne, mais pas de bol. La mauvaise nouvelle est là : Anderlecht a fini par se qualifier pour les playoffs 1. Sans briller. En pratiquant un football poussif, mais en prenant les points au moment crucial quand les adversaires directs en perdaient. Seules éclaircies dans le ciel mauve : le transfert de Bolasie (ex-Aston Villa, entre autres) qui répond à l’attente, et la révélation du jeune Verschaeren qui, à 17 ans à peine, est promis à un avenir somptueux. Que le Sporting joue bien ou mal, lui il joue toujours bien. Ce gamin pue le foot. Un régal. Bon j’arrête de dire du bien d’un joueur d’Anderlecht, sinon mon psychiatre va sérieusement s’inquiéter.

Du côté de Gand, tous les esprits sont probablement déjà tournés vers la finale de la Coupe, qui se déroulera une fois de plus – quelle aberration ! – avant la fin de la compétition. Espérons que les Gantois joueront franchement le jeu et ne considéreront pas l’avant-finale comme une préparation et l’après-finale comme un excédent de bagages dont il faut se débarrasser.

Une équipe qui va jouer le jeu à fond, on peut en être certain, c’est l’Antwerp. Les mecs vont y aller un couteau entre les dents et un autre entre les crampons. Le foot pratiqué par les anversois est un subtil mélange entre un sain engagement britannique (la marque de fabrique du club) et la finesse d’une rixe dans un bistrot albanais un samedi à 3 heures du mat’ quand tout le monde est bien bourré. Recordmen absolus du nombre de cartons jaunes durant la phase classique du championnat (près de 100 !), les Anversois peuvent faire plaisir à voir autant qu’ils peuvent exaspérer. Une chose est sûre : ils ne laisseront pas leur part aux chiens si l’occasion se présente de réaliser un truc. Pas pour le titre, mais pour emmerder le monde.

Copyright Pad’R. Dessin paru dans l’émission « La Tribune » (RTBF) du 4 mars 2019 et reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Entrons maintenant dans le monde envoûtant de la spéculation. En principe, Lokeren effectue la culbute pour être remplacé par Malines. C’est un peu triste. Lokeren, c’est le club qui a servi de tremplin à de grands joueurs comme Lato, Lubanski ou encore, un peu plus tard, Preben Elkjær ou Jan Köller. Le club d’une sympathique petite commune à la tête duquel régnait le dernier vrai président-mécène, le mec qui transférait avec les bénéfices de la saison quand tout s’était bien passé et qui mettait la main au portefeuille après une saison de vaches maigres. Un club au sein duquel subsistait un peu du parfum du football de (grand-)papa, celui où le pognon n’était pas à peu près tout. Théoriquement, donc, Malines remonte de D2 un an après avoir été relégué. Sportivement, ce serait logique et mérité. Oui, mais. Les Malinois sont dans l’œil du cyclone du Footbelgate et le club risque rien moins que la radiation des tablettes du football belge. Le hic, alors qu’on sait que les dirigeants ont triché et tenté d’influencer le cours de la compétition à coups de biftons, l’Union belge (fédération de foot) ne peut pas agir tant que la justice ne s’est pas prononcée, de crainte de voir les recours se multiplier. Or, on sait aussi que la justice suit un cours beaucoup plus lent que la justice sportive. Malines disputera, par ailleurs, la prochaine finale de la Coupe et est donc un prétendant déclaré à la Ligue Europa. Tu mesures l’imbroglio potentiel, camarade ? Suspense, donc.

Mais, en attendant le début des festivités, place maintenant à la première salve de matches de poules qualificatives pour le prochain Euro. Les Diables accueilleront la Russie avant de se rendre à Chypre. Espérons qu’ils ne se referont pas prendre en flagrant délit de je-m’en-foutisme/nonchalance/arrogance/suffisance comme ce fut le cas il y a quatre mois lors de ce déplacement en Suisse de sinistre mémoire. Martinez ne pourra désormais plus compter sur un Marouane Fellaini désormais actif en Chine et qui, à 31 ans (87 sélections, 18 buts) a annoncé sa retraite internationale. L’absence de ce joueur au profil atypique, unique, buteur providentiel monté du banc contre l’Algérie en 2014 et contre le Japon en 2018, injustement considéré comme brutal (pourtant, 17 cartons en 87 matches, c’est pas énorme), le mec qui semblait avoir du velcro sur la poitrine tant le ballon y adhère, pèsera lourd car la relève, aussi prometteuse soit-elle, n’est pas encore tout à fait prête. Malgré de nombreuses défections (De Bruyne, Kompany, Dembélé et Meunier sont blessés, Lukaku est incertain) Martinez a choisi de ne pas sélectionner les jeunes pousses qui frappent à la porte de l’équipe A, préférant les laisser s’aguerrir encore un peu l’été prochain à l’occasion de l’Euro -21 en Italie. Nul doute cependant que les Van Heusden, Saelemakers, Verschaeren et autre Lukebakio sont promis à un bel avenir international.

Copyright Pad’r. Dessin paru dans l’émission « La Tribune » (RTBF) du 11 mars 2019 et reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Pour en revenir une dernière fois à la compétition nationale, voici la synthèse de la situation:

Playoffs 1

  1. Genk 32*
  2. FC Bruges 28
  3. Standard 27*
  4. Anderlecht 26*
  5. La Gantoise 25
  6. Antwerp 25*

L’équipe dont le nom est suivi d’une * possède un demi-point de moins que le total, arrondi à l’unité supérieure, affiché. En cas d’égalité à la fin du championnat entre deux équipes, celle qui possède une * sera classée sous celle qui n’en possède pas (exemple concret: en cas d’égalité de points, Bruges serait champion devant Genk).

Le calendrier

Les enjeux européens

– Le champion sera qualifié pour la Ligue des Champions

– Le 2è sera qualifié pour le 3è tour préliminaire (sur 4) de la Ligue des Champions.

– Le 3è sera qualifié pour le 3è tour préliminaire (sur 4) de l’Europa League .

– Le 4è disputera un barrage (sur son terrain) contre le vainqueur des PO2 (qui sera désigné par une finale entre les vainqueurs de la série A et de la série B) pour la dernière place européenne, au 3è tour préliminaire (sur 4) de l’Europa League.

– Le vainqueur de la Coupe de Belgique (La Gantoise ou Malines, finale le 1er mai) est directement qualifié pour la phase de groupes de l’Europa League.

– Genk, qui a gagné la phase classique, a la garantie d’avoir le 4è ticket européen en ordre d’importance, s’il n’obtient pas une meilleure qualification après les playoffs 1.

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