Des coups, des coups, des coups !

Dessin de Sondron paru le 20 mai 2019 et reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur

La décision était tombée lors de l’avant-dernière journée des playoffs : Genk est champion et Bruges est son dauphin. La dernière journée ne devait plus livrer qu’un seul verdict et nous apprendre qui du Standard ou de l’Antwerp jouera le dernier tour préliminaire qualificatif pour l’Europa League. Les Liégeois avaient entamé l’épreuve de manière tonitruante (9/9), puis ont effectué une triste courbe rentrante (0/12) avant un sursaut face à Bruges qui leur rendait espoir. Plus constants durant ce mini-championnat, les Anversois leur auront filé des sueurs froides jusqu’à la dernière minute du dernier match, mais les Rouches terminent tout de même sur la troisième marche du podium, malgré une médiocre dernière copie rendue sur la pelouse des champions. Sixième, Anderlecht obtient son pire classement depuis 1973 et, pour la première fois depuis 1956, ne participera à aucune compétition européenne. Ça n’a pas empêché le club bruxellois de signer LE coup médiatique (pour le sportif, on verra à l’autopsie) de ces cinquante dernières années au moins.  Un ultime suspense demeure concernant le dernier qualifié européen.

Coup de chapeau, donc, au Racing Genk . En tête depuis la dixième journée du championnat régulier, les joueurs de Philippe Clément n’ont pas faibli et ont bien digéré le départ de leur maître à jouer, Pozuelo, qui fait désormais des étincelles en MLS. Les Limbourgeois feront leur entrée en phase de poules de la Champions League, mais l’effectif est appelé à connaître de profonds bouleversements. Plusieurs joueurs sont en effet très convoités et des garçons comme Samatta (Premier League ?), Berge (Bundesliga ?), Trossard (Serie A ? Premier League ?) ou encore Maehle (Premier League) ne devraient plus faire de vieux os au pied des terrils. La participation à la CL pourrait inciter d’autres joueurs moins en vue à rester malgré l’intérêt relatif qu’ils suscitent à l’étranger. L’autre grande inconnue concerne l’entraîneur : Clément avait demandé à ses dirigeants de conserver le noyau et d’y ajouter deux ou trois éléments confirmés pour encadrer les plus jeunes et tenter de faire bonne figure sur la scène européenne. Son vœu ne sera pas exaucé : le club n’en a pas les moyens. Le coach demeurera-t-il dès lors insensible aux appels du pied venus de Bruges (où il a commencé sa carrière d’entraîneur comme adjoint) et d’ailleurs ?

Peter Croonen, le président de Genk, effectue à bicyclette (ceci n’est pas une blague !) tous les déplacements de son club en championnat. Copyright Pad’R. Dessin paru dans l’émission « La Tribune » (RTBF) le 13 mai 2019 et reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Tiens, oui, Bruges ? Les Blauw en Zwart font rarement des vagues durant le marché des transferts, ne procédant généralement que par retouches et en faisant resigner la majorité des cadres moyennant rallonge salariale substantielle. C’est donc là aussi que le poste d’entraîneur sera au centre de l’attention, puisque Ivan Leko a perdu la confiance de ses employeurs avec le scandale du footbelgate dans lequel il est impliqué et qui a endommagé l’image du club. Ses compétences ne sont pas remises en cause, mais lien est rompu. Bravo cependant aux Brugeois qui, pas rancuniers parce que le Standard les avaient privés de leur dernière chance de  briguer les lauriers, ont eu le bon goût de jouer le coup jusqu’au bout et ont battu l’Antwerp.

Coup de bol pour le Standard. Remontés sur le podium à la faveur d’une prestation pleine d’intensité et d’engagement en milieu de semaine précédente face à Bruges (victoire 2-0 à 10 contre 11), les Liégeois devaient faire un résultat au moins identique à celui de l’Antwerp lors de la dernière journée pour valider leur participation au dernier tour qualificatif de l’Europa League. Auteurs d’une prestation aussi médiocre que frileuse, ponctuée par un chanceux 0-0 (merci Ochoa !) sur le terrain de Genkois pourtant fatigués par la célébration du titre, ils auront tremblé jusqu’à 8 minutes de la fin, moment auquel les Brugeois ont inscrit le but victorieux face à l’Antwerp, qui avait même mené 1-2 et qui poussait tant et plus pour arracher la victoire dans les ultimes instants. Le soulagement se lisait facilement sur le banc liégeois. Du côté de Sclessin aussi, les grandes manœuvres ont commencé : en plus d’être déjà entraîneur et vice-président du club, Michel Preud’homme coiffe désormais la casquette de directeur sportif et pousse Olivier Renard, son prédécesseur qui faisait pourtant du très bon travail, vers la sortie. Le vestiaire sera également chamboulé : Luyindama avait déjà vidé son casier en janvier pour filer au Galatasaray. Il sera imité par le très, très prometteur Marin (retenez bien ce nom !), qui s’en ira exercer ses talents à l’Ajax. Memo Ochoa, qui râlait déjà d’avoir dû renoncer à un juteux transfert vers Naples à l’issue de la dernière Coupe du monde, serait sur les tablettes de Getafe et de Leganes. Le gardien mexicain n’a jamais laissé transparaître sa frustration et a livré une saison remarquable, au point d’être élu joueur de l’année par les supporters. La direction lui a proposé un nouveau contrat revu à la hausse, mais il devrait refuser. Southampton aurait mis 20 millions d’euros sur la table pour le jeune Malien Djenepo. Les dossiers Carcela et Mpoku restent en suspens, mais après une saison en demi-teinte, il ne serait guère étonnant qu’ils s’envolent vers d’autres cieux (Émirats pour l’un, MLS pour l’autre, semble-t-il).

Copyright Pad’R. Dessin paru dans l’émission « La Tribune » (RTBF) et reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Côté entrant, le prêt de Oularé (Watford) s’est transformé en transfert définitif. Le club a également acté l’arrivée du jeune et prometteur Amallah (Mouscron) et est en pourparlers avec le gardien Butez (Mouscron également), auteur d’une très belle saison. D’autres noms devraient suivre. Le Standard se trouve en position avantageuse : il a du temps devant lui pour construire son groupe, puisqu’il ne fera son entrée en Europa League que fin août  – s’il dispute les barrages – voire à la mi-septembre (si Malines est interdit de compétition par l’UEFA pour son implication dans le footbelgate, je vous explique ça plus bas). Les dirigeants n’ont évidemment pas attendu ce matin pour nouer des contacts et préparer la prochaine saison, mais au moins ne doivent-ils pas agir dans la précipitation. Le porte-monnaie du club est également bien gonflé, puisque les seuls transferts de Luyindama et Marin lui ont déjà rapporté quelque 20 millions.

Mais le gros coup de comm’ vient assurément de Bruxelles, puisque Anderlecht a annoncé rien moins que le retour au bercail de Vincent Kompany en qualité de joueur-manager. Le timing est parfait : alors que le club aurait dû se préparer à affronter l’ire de son public à l’issue d’une mauvaise saison, il a sorti de son chapeau, dimanche, une nouvelle tenue secrète depuis trois semaines. Du coup, la presse ne souffle pas un mot des 10 mois écoulés et du bilan calamiteux de cette saison pourrie. Bien vu, rien à redire là-dessus. Kompany dirigera le vestiaire, le terrain et la politique des transferts.

Copyright Pad’R. Dessin paru dans « La Dernière Heure » du 20 mai 2019 et reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Sans douter un seul moment de la force de caractère du joueur belge le plus charismatique de ces 5 dernières années, ça fait beaucoup. Sans compter que son entrée en fonction risque de faire de l’ombre à Frank Arnesen (directeur sportif) et Pär Zetterberg (conseiller sportif, sorte de courroie de transmission entre les vestiaire et la direction), eux aussi anciens joueurs emblématiques du club, qui sont désormais dans le flou quant aux contours de leurs futures fonctions.

Rayon transferts, on s’attend à une grande lessive. Le noyau 2018-2019 manquait cruellement de qualité et on s’imagine mal Kompany accepter de côtoyer des ânes comme Lawrence ou Vranjes (abruti total dont le club ne parvient pas à se défaire, la faute à un gros contrat et à sa réputation sulfureuse). On compte sur Vince the Prince pour activer son carnet d’adresses et attirer de nouveaux joueurs sur sa seule réputation. Le pari est risqué, d’autant qu’en l’absence de coupe d’Europe, on peine à imaginer un mec en pleine force de l’âge, au nom ne fût-ce qu’à moitié ronflant, quitter un championnat lucratif pour jouer un vendredi soir de pluie dans un stade de Beveren à moitié désert. Le président Coucke a les reins solide, mais il devra tout de même sérieusement délier les cordons de la bourse pour reconstituer un effectif digne de ce nom, d’autant que la nouvelle politique du club, clairement inspirée de celle en place à l’Ajax depuis la nuit des temps, mettra sans doute un bon moment à porter ses fruits dans la durée, parce que ce n’est pas tous les 5 ou 10 ans qu’il faudra sortir des Saelemakers, Verschaeren ou autre Bornauw, c’est chaque année, pour compenser les départs inévitables des jeunes les plus en vue. Il faudra aussi un entraîneur qui donne les séances sur instruction sans avoir jamais ou presque avoir son mot à dire, puisque Kompany sera le seul patron. Le nom du Gallois Davies (Manchester City, U 23) circule, mais rien n’est encore officiel. Enfin, mais ce n’est pas un détail, le passage immédiat du terrain au banc comporte un risque énorme : Kompany doit savoir qu’avec la réputation qui le précède, on ne lui pardonnera pas grand chose, en tout cas pas longtemps. Il suffit de demander à Thierry Henry comment ça s’est passé à Monaco.

Mais, surtout, ne dites pas de mal de Kompany: ça pourrait le blesser !

Copyright Pad’R. Dessin paru le 13 mai 2019 dans l’émission »La Tribune » (RTBF) et reproduit avec l’aimable autorisation de l’auteur.

Donc voilà, rideau sur la saison 2018-2019 de Pro League. Place aux vacances (sauf pour ceux qui participeront à la CAN et au championnat d’Europe U21) et aux chantiers sportifs. La plupart des équipes reprendront le chemin des pelouses vers la mi-juin.

 

Restent les perspectives européennes:

Racing Genk : poules de la Champions League

Club Bruges: 3ème tour préliminaire (sur 4) de la Champions League

FC Malines (vainqueur de la Coupe de Belgique) : poules de l’Europa League

Standard de Liège : 3ème tour préliminaire (sur 4) de l’Europa League

Antwerp / Charleroi / Courtrai?

L’Antwerp disputera un barrage (le 26 mai) contre le vainqueur de la finale des playoffs 2, qui opposera Charleroi à Courtrai, pour la dernière place européenne (2ème tour préliminaire (sur 4) de l’Europa League).

Si Malines est condamné par l’Union belge de football et exclu par l’UEFA, et si l’Antwerp perd le barrage : rien ne change pour Genk et Bruges. Le Standard ira alors directement en phase de poules de l’Europa League, Courtrai ou Charleroi (vainqueur dudit barrage) s’alignera au 3ème tour préliminaire et l’Antwerp au 2ème tour préliminaire. Si l’Antwerp gagne le barrage, il prendra part au 3ème tour préliminaire et La Gantoise (5ème des playoffs 1) participera au 2ème tour préliminaire. Capito ?

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1 Commentaire

  1. Corrigendum: Lire « Sans douter un seul moment de la force de caractère du joueur belge le plus charismatique de ces 25 dernières années, ça fait beaucoup. » au lieu de « Sans douter un seul moment de la force de caractère du joueur belge le plus charismatique de ces 5 dernières années, ça fait beaucoup »

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