L’AMA, le grand chapiteau du dopage mondial

Toi oui, toi non...

« Quand on met un clown dans un palais, il ne devient pas roi. Par contre, le palais devient un cirque ». Accros au scrolling que nous sommes, nous avons tous lu au moins une fois ce soi-disant proverbe turc, quelque part sur internet. À l’AMA, l’Agence Mondiale Antidopage, j’ai l’impression qu’à chaque publication, le beau chapiteau s’agrandit et un nouveau roi est sacré. Et même si on préfère toujours être accusé de zèle que de laxisme, il y a des cas où il vaudrait mieux être invisible. Déroulé.

Depuis ce fameux samedi 15 février et l’annonce de l’accord entre le No1 mondial et l’AMA, Sinner est suspendu 3 mois. Dans une période sans Grand Chelem (un peu comme poser son permis de conduire lorsqu’on part en vacances), et parce qu’il a pu négocier son accord de suspension (ceci est réglementaire depuis 2021, histoire d’économiser du temps et des frais de procédure) avec l’AMA (qui peut donc retirer son appel au TAS et pas risquer un désaveu sur sa gestion pathétique du cas par le tribunal sis à Lausanne). Elle est pas belle, la vie, sous le signe de la pureté sportive?

L’AMA est nullissime et devrait être démantelée. Pour faire plaisir à Wawrinka, qui ne croit plus en un sport clean, à Bartoli qui commence à penser qu’on nous prend pour des cons, à Nick Kyrgios parce que… parce que c’est Nick Kyrgios et à moi, parce que je pense depuis belle lurette que nous faire croire que l’on peut faire le Tour de France à l’eau claire, c’est au mieux criminel au pire naïf.

Pour le plaisir, afin d’illustrer cette gestion calamiteuse de l’organisme censé protéger les athlètes contre eux-mêmes et contre les pratiques frauduleuses de leurs adversaires, prenons deux exemples récents, dans le même sport: Iga Swiatek et donc, Jannick Sinner.

Dans le cas de la Polonaise, l’AMA a décidé de ne pas faire appel, la joueuse est blanchie, le monde est tout rose. Dans le cas de l’Italien, l’AMA a fait appel et le cas devait être jugé en avril 2025, le monde est tout pas rose. L’Agence a communiqué que, pour Swiatek, les raisons sont estimées plausibles, à savoir une contamination médicamenteuse involontaire. Pour Sinner, l’AMA considère la contamination involontaire plausible mais le pense coupable de négligence et souhaite le voir sanctionné. Parce que pour la Polonaise, la négligence n’existerait donc pas, mais pour l’Italien oui. Et sinon, la règle de la « responsabilité objective » n’existe pas pour Swiatek mais uniquement pour Sinner? Intéressant.

Plus en détail, Swiatek a pris de la mélatonine, pour dormir, mélatonine contenant de la trimétazidine (produit interdit) introduite (malencontreusement?) dans le sachet « à la production » (donc à l’insu de son plein gré) et Sinner a été contaminé au clostébol (produit interdit) par contact physique avec son masseur, blessé au doigt, qui s’était passé cette pommade cicatrisante avant de prodiguer un soin au joueur (donc également, finalement, à l’insu de son plein gré). Marrant comme « à la production », on peut par inadvertance insérer un produit améliorant les performances sportives, mais jamais, par exemple, du cyanure…

C’est là que je ris à gorge déployée. Je vous avais déjà parlé de « la responsabilité objective », cette règle qui stipule que chaque sportif est objectivement responsable des substances décelées dans son échantillon et qu’une violation des règles antidopages survient quand une substance interdite est trouvée dans son prélèvement corporel et doit conduire à une suspension de longue durée.

En résumé: une fois, on fait appel même si on considère que c’est involontaire et une fois, on ne fait pas appel, parce qu’on considère que c’est involontaire. Où est la cohérence?

Et cette « responsabilité objective » qu’on a rédigé, publié, fait signer aux sportifs pour application, on s’assied dessus?

Je ris également car le cas Sinner devait être jugé en avril 2025. Entre l’annonce de son contrôle positif et le jugement, il aura pu jouer deux Grands Chelems – pour deux victoires – prenant ainsi des points et du pèze en masse, laissant les miettes à ses adversaires. Et voilà que les deux parties ont « trouvé un accord ». Il est donc coupable de dopage, suspendu 3 mois (période sans Grand Chelem) sans annulation de ses résultats durant la période entre le contrôle et le début de sa suspension. Et non, l’AMA n’a pas demandé l’annulation des résultats. L’AMA le considère donc dopé, sous influence d’une substance améliorant ses capacités et par conséquence ses résultats, mais ne demande pas la restitution des gains acquis sous substance. L’AMA est encore moins crédible qu’avant. Il ne devra donc pas rendre ses titres, ses points et surtout l’argent à ses adversaires. Et le joueur classé plus loin que la 100ème place ATP, non qualifié de justesse, qui aurait pu jouer si la lutte anti-dopage avait été crédible dès le début, qui ne peut prendre sa place en tournoi, qui ne signe pas de contrat(s) de sponsoring, qui ne touche pas les quelques dollars lui permettant de payer son loyer (et son assurance maladie), on y pense?

Et en imaginant, en fin d’année dernière, les gens de l’AMA autour de la table qui se disaient, en se croyant intelligent: « nous voulons que Sinner paye parce que son masseur a fait quelque chose de stupide, mais nous allons attendre le mois d’avril », je ris encore plus.

Ainsi, et ça ne faisait pas un pli, Sinner devait être mis en vacances (Swiatek le devrait aussi). Pour deux ans. Pas parce qu’il le mérite (un milliardième de gramme retrouvé dans ses échantillons) mais pour la cohérence avec les règles incohérentes en place. Parce que là, maintenant, les membres de l’AMA, du TAS et toutes les autres instances qui veulent jouer aux chevaliers blancs ne voient malheureusement plus leur visage, en se regardant dans la glace, derrière leur gros nez rouge.

A propos Olivier Bender 48 Articles
Si j'étais de bonne foi, croyez-vous vraiment que j'écrirais ici?

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