Vous souvenez-vous de… Patty Schnyder ?

Il existe une catégorie particulière de sportifs de haut niveau qui font le bonheur des journaux à scandales. Ce sont ceux qui gagnent des fortunes durant leur carrière avant de partir en vrille, de tout perdre et de finir sur la paille. Visites un peu trop fréquentes au casino, investissements au rendement soi-disant exceptionnel dans le désert mongol, délégation de la gestion de sa fortune à un oncle. Toutes les causes sont bonnes pour gaspiller sa thune. Chaque sport brassant un minimum de pognon a son lot d’enfants prodigues et le tennis n’est pas épargné. Bjorn Borg fait figure de précurseur avec une double faillite personnelle et Boris Becker est un champion hors catégorie, cumulant tous les mauvais choix, allant même jusqu’à devenir entraîneur de Novak Djokovic. Il est pourtant de notoriété publique que les jeunes athlètes doivent se méfier des mauvaises fréquentations orbitant dans leur milieu. Alors quand un type se présente à toi pour devenir ton entraîneur, qu’il est allemand et qu’il se prénomme Rainer, n’importe quelle personne sensée serait partie en courant. Pourtant la tenniswoman suisse Patty Schnyder, elle, est tombée dans le piège. DEUX FOIS !

Amour, gloire et jus d’orange

Imaginez : vous avez 20 ans et vous êtes une jeune joueuse de tennis talentueuse classée au huitième rang mondial (soit, à peu de chose près, le lectorat moyen de Carton-rouge). Vous avez grandi à Bâle en bénéficiant d’une éducation bienveillante. Dans la cour d’école vous avez mouché le petit Roger Federer, de trois ans votre cadet, parce qu’il s’était cogné contre un poteau, distrait par vos beaux cheveux bouclés (affirmation à vérifier). Votre prénom est Patty, votre nom Schnyder, votre carrière est sur de bons rails et votre avenir semble radieux en ce début d’année 1999. Une victoire en Grand Chelem est même envisageable après cinq titres WTA et deux quarts de finale atteints à Roland et à l’US Open l’année précédente. Seulement voilà, comme déclamerait la voix off d’une émission à sensation, une insolente gamine saint-gallo-slovaque appelée Martina Hingisová vous fait un peu (beaucoup) d’ombre sur le plan national et quelque chose doit être fait pour passer un cap au niveau mental. À sa place, quelle serait votre stratégie ?

  1. Prendre un psychologue du sport pour travailler vos blocages mentaux.
  2. Changer de méthode d’entraînement pour améliorer vos coups plus faibles.
  3. Engager comme entraîneur un type nommé Rainer Harnecker, scientologue allemand à la réputation sulfureuse vous promettant un physique de top model en suivant un régime à base de jus d’orange.

La troisième proposition vous semble évidente ? Pour Miss Patty aussi et ce n’est pourtant pas la pire décision de sa carrière.

Rainer l’arnacoeur

Il faut dire que c’est un peu la faute de son entraîneur de l’époque, le hollandais Eric Van Harpen. Souhaitant améliorer le régime nutritionnel de sa protégée, il lui présente un certain Rainer Harnecker, gourou allemand au passé sulfureux lié à la scientologie. “Quel idiot !” se serait exclamé Patty en le voyant pour la première fois frimant dans une piscine. Trois jours de baratin plus tard, elle était dans son lit. Un scientologue acteur et beau gosse dont le patronyme signifie “croisière” (Tom Cruise pour ceux qui ne suivent pas) je peux comprendre qu’il fasse rêver, mais là quand le type a le charisme d’une huître et qu’il s’appelle littéralement “arnaqueur”, les voyants sont à l’orange foncé. Ce brave Rainer analyse le “problème” de Patty avec aisance et sa conclusion est limpide : pour être au top physiquement et pour bénéficier d’un corps de rêve, elle doit suivre un régime végétarien accompagné de trois litres de jus d’orange par jour. Avouez qu’il y a de quoi rire (et pisser) jaune ! Au passage, il lui faut aussi virer son entraîneur actuel et l’engager à sa place. Il n’y connaît rien au tennis et n’a aucune expérience de coach ? Aucun problème, elle est folle amoureuse et accepte tout. Ses parents sentent que leur fille commence à vriller et comme le bon sens est une vertu innée chez les Schnyder, ils décident d’engager un détective privé pour enquêter sur le petit ami envahissant. Tout se déroule parfaitement, Rainer 1er est débarqué par Patty, qui est tombée sous le charme du (pas si discret) détective, un certain Rainer (encore !) Hofmann. Et ce n’est pourtant même pas la… en fait si, cette fois c’est bien la pire décision de sa carrière.

Prince Rainer II

Rainer Hoffman c’est un peu le Rocancourt allemand avec moustache, cheveux décolorés et bide à bière. Il réussit à convaincre Patty de couper les ponts avec sa famille pour assurer son emprise sur sa dulcinée. Tout au long de leur longue relation, transformée en mariage dès 2003, la carrière de la tenniswoman décline inexorablement, tout comme le solde de son compte bancaire pourtant fourni de quelque huit millions de francs glanés sur le circuit. En 2012, Patty sera même brièvement portée disparue et ses biens seront vendus aux enchères. On en vient à être heureux pour elle de ne pas avoir gagné de titre de Grand Chelem. Quel crève-cœur ce serait de retrouver son trophée de l’US Open ou de Wimbledon en vente sur Ebay à côté de ceux de Boris Becker. Le butin de la vente ne comprenait que quelques breloques glanées sur le circuit et… un panier à chat. Patty et son prince peu charmant sont ruinés, leur relation est au plus bas et la séparation est inévitable.

La princesse et le prince Rainer II

Oh Patty, Patty come back

Et le tennis dans tout ça ? C’est l’éternelle histoire du verre (de jus d’orange) à moitié vide ou à moitié plein. Avec toutes ces mésaventures extra-sportives, il est absolument miraculeux d’être parvenu à se maintenir dans le top 20 durant cinq années consécutives et d’arriver en seconde semaine de Grand Chelem 21 fois sur 59 participations. Elle a aussi battu toutes les meilleures joueuses du monde de Steffi Graf à Serena Williams. De l’autre côté, elle pouvait être aussi nonchalante sur un court de tennis que dans le choix de ses compagnons et si elle avait filé droit, on se met à imaginer un parcours à la Stan Wawrinka avec deux ou trois trophées du GC posés sur la cheminée. Il est aussi évident que, malgré une finale de Fed Cup perdue en commun, Patty a pâti de la comparaison avec Hingis et d’être constamment mise en parallèle avec une compatriote plus douée que soi, ça peut vous flinguer les neurones. Comme une carrière de tenniswoman est incomplète sans tentative ratée de come-back, elle fait son retour à la compétition en 2015 sur le circuit secondaire à l’âge de 36 ans. Elle remporte tout de même les prestigieux tournois ITF de Bastad, Périgueux et Horb. Des petits prizes money, naviguant entre 10’000 et 25’000 dollars, soit tout juste de quoi racheter quelques paniers à chat. Elle arrive tout de même à se qualifier une dernière fois pour le tableau principal de l’US Open 2018 pour y perdre au premier tour. Sa retraite sportive définitive sera annoncée peu après. Elle est malheureusement patty sur une défaite.

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