L’instant qui trique : La Méthode Williams

Quel est le dernier bon film avec Will Smith? Je penche personnellement pour “Ali”, le biopic sorti il y a vingt ans du légendaire boxeur Mohamed Ali. Lorsque l’acteur a lu un script basé sur la vie des sœurs les plus célèbres du tennis intitulé “La méthode Williams”, il a dû se dire que signer pour un nouveau film sportif était la recette idéale pour retrouver la voie du succès. 53 ans étant un peu âgé pour jouer une adolescente prodige du tennis, c’est donc sur le rôle de Richard Williams, père de Venus et Serena, que le Men in Black a jeté son dévolu. L’instant qui trique décortique pour vous ce biopic problématique.

Le film commence vers la fin des années 80 et on nous présente la famille Williams installée dans la ville la plus dangereuse des États-Unis: Compton, Californie. Venus et Serena partagent leur vie avec trois autres sœurs issues du premier mariage de leur mère. Le premier rôle du film est tenu par le seul homme de la tribu: Richard Williams, interprété donc par Will Smith. C’est aussi la personne la plus toxique et irrationnelle de la famille. Un peu de paternalisme en 2021 ça ne peut pas faire de mal, n’est-ce pas ? Tout le film va essayer de le faire passer pour un génie, alors que c’est plus un boulet qui a failli faire foirer la carrière de ses filles.

Wicki-wicki wild wild West

On peut lui accorder le fait d’avoir mis une raquette de tennis dans les mains de ses deux prodiges, mais cela tient plus d’un hasard illuminé que d’une observation réelle de leur potentiel talent. Le mec prenait quelques cours de tennis et en regardant un match de Virginia Ruzici (future coach de Simona Halep) en 1980 à la télévision, il décida que sa fille à naître Venus et les suivantes seraient championnes de tennis. Il écrivit alors un plan de 78 (ou 85 selon les versions) pages où il détailla tout leur programme d’entraînement sur plusieurs années. Je ne suis pas psychologue, mais écrire la vie de ses filles avant leur naissance, ça ne doit pas être le meilleur procédé éducatif du monde. Will Smith joue le rôle de manière très investie, à savoir en prenant un étrange accent et un air ahuri. L’Oscar est en vue !

Bottin à zéro Williams, service à suivre.

On observe donc Venus et Serena, interprétées respectivement par Saniyya Sidney et Demi Singleton, distribuer des annuaires téléphoniques. Habituellement dans les films américains les gamins balancent des journaux sur la pelouse des voisins, non ici c’est des bottins de cinq kilos. Et si c’était le secret de leur future puissance ? Le père Richard donne tout pour ses filles, il les entraîne la journée sur le terrain pourri du quartier et il travaille la nuit comme vigile. Parfois des gangstas tournent autour d’une de ses filles adoptives et il se fait tabasser régulièrement en tentant d’apprendre aux goujats que le harcèlement de rue c’est pas tip-top. Après la dérouillée de trop, Richard en a sa claque et prend son flingue, bien décidé à occire la terreur du quartier. Zut, le gredin se fait descendre par un gang rival juste avant que le père Williams s’en occupe. On se croirait dans GTA San Andreas!

Quand il ne se fait pas bully, papa Williams cherche un entraîneur qui travaillerait à l’œil pour ses filles, mais il se fait évidemment rembarrer partout. On a bien sûr droit à une scène de bénédicité, so American, lors d’un repas au McDo ! Chaque soir en souhaitant bonne nuit à ses filles, le papa leur rappelle qu’elles n’ont pas le droit d’échouer à être un jour championnes. Un coup de pression avant de dormir, rien de tel pour le sommeil de l’enfant.

Straight Outta Compton

Soudainement le père et ses deux filles débarquent, on ne sait trop comment, à un entraînement privé entre John McEnroe et Pete Sampras. Le père insiste lourdement auprès de Paul Cohen, le coach de Pistol Pete, pour qu’elles fassent une démonstration. McEnroe ne regarde même pas, mais évidemment l’entraîneur est subjugué par le talent des prodiges et il accepte de prendre uniquement Venus sous son aile gratuitement.

Un Pete Sampras sauvage s’est incrusté dans cette image.

Elle passe donc chez les Juniors où il n’y a que des blanches BCBG évidemment tricheuses et Venus les écrase toutes. On nous montre les parents des perdantes qui engueulent leur gamine comme des merdes, c’est osé vu la pression que met le père Williams sur ses filles depuis le début du film. C’est vrai qu’il ne peut pas trop gueuler, Venus gagne tout. Mais attention, lorsqu’elle frime un peu trop, alors là papa Williams se fâche. Punition suprême: une projection VHS de Cendrillon pour apprendre l’humilité. La violence de la leçon !

La réputation de Richard dans le quartier s’améliore, les racailles commencent à le respecter. Durant tout le film, Richard dit sans cesse à ses filles qu’elles vont gagner un jour Wimbledon par-ci, Wimbledon par-là, jamais un autre tournoi du grand Chelem n’est mentionné. C’est si nul que ça l’US Open dans l’esprit d’une famille américaine ?

Et Serena dans tout ça? Vu son jeune âge elle est évidemment plus discrète, mais on nous la montre qui s’inscrit en scred à un tournoi qu’elle remporte évidemment. C’est ensuite qu’arrive la meilleure scène du film: alors que les deux sœurs commencent à se faire un nom dans le milieu tennistique, un gros ponte propose de les financer, mais juste en fournissant du matériel sportif. Le roi Richard est vexé et il l’envoie littéralement péter. Oui vous avez bien lu, Will Smith lâche un gros pet sur grand écran ! L’Oscar se rapproche un peu plus.

Welcome to Miami

C’est à partir de là que le père commence à faire n’importe quoi. Il retire Venus à 11 ans du circuit junior, alors qu’elle en était à 63 victoires pour 0 défaite et il exige qu’elle ne fasse plus aucun match, mais seulement des entraînements. Tout ça pour éviter qu’elle aie trop de pression alors qu’il ne la lâche pas depuis sa naissance, c’est assez comique. Du coup son entraîneur jette logiquement l’éponge. Conscient qu’elles doivent continuer à s’entraîner sérieusement, Richard fait déménager toute la famille en Floride, à l’académie Macci. Moins connu chez nous que son concurrent de l’époque Nick Bollettieri, Rick Macci est interprété dans le film par Jon Bernthal. Malgré l’insistance du nouvel entraîneur pour que Venus reprenne les matches, Richard campe sur ses positions et les sœurs Williams passent trois ans à ne faire que de l’entraînement. Les pauvres !

C’est l’heure du point Suisse lorsque Macci essaye de convaincre le père de laisser Venus jouer enfin un petit tournoi à Stanford et mentionne que la petite Martina Hingis vient de passer pro à 14 ans. Venus se réveille enfin et elle insiste pour jouer des matches, Richard n’est pas chaud vu les frasques de Jennifer Capriati se déroulant au même moment, mais il se fait enfin rembarrer par sa femme et cède. Ouf, on va enfin voir du vrai tennis à l’écran ! Le climax du film sera donc… le deuxième tour d’un tournoi WTA 500. Alors que Venus gagne facilement son premier match, elle doit ensuite affronter la numéro un mondiale: Arantxa Sanchez Vicario (dans le film, car en réalité elle ne sera numéro un que trois mois plus tard).

T’as le look cocotte.

Je vous épargne toute une scène de négociation de sponsoring pour savoir quelle marque de chaussures offrira le plus de millions à la petite prodige de 14 ans pour directement passer au match. L’actrice qui incarne Arantxa Sanchez est assez ressemblante d’antipathie avec la vraie. C’est ce jour-là que Venus se révèle au public américain avec ses fameuses tresses à perles so 90’s. La surprise est totale quand la gamine mène 6-2, 3-1 contre l’espagnole. Que fait une mauvaise perdante au pied du mur dans ces cas-là ? Elle fait un coup de Tsitsipas-passe avec une pause toilette de dix minutes, laissant à une Venus toute penaude le temps de gamberger sur un terrain trop grand pour elle. Évidemment au retour des chiottes, Sanchez roule sur la pauvre Américaine et conclut le match sur un sec 6-0. Mais le public a adopté sa nouvelle future championne. Fin du film, le père à réussi son pari, ses filles seront des stars et le tennis va s’ouvrir aux joueuses afro-américaines (enfin théoriquement, car fin 2021 il y en a trois dans le top 100, Serena incluse).

Lors du défilement des petits textes à la fin du film, il n’est étrangement pas indiqué qu’après ce premier tournoi pro, Venus va enchaîner deux années de défaites avant d’enfin vraiment exploser en 1997. Par contre, la première chose mentionnée, c’est qu’elle a signé dès 14 ans un contrat de 12 millions de $ avec Reebok. C’est aussi ça la méthode Williams.

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2 Commentaires

  1. Je pense que le soi-disant journaliste qui a rédigé l’article devrait faire preuve de respect au lieu de faire preuve de condescendance dans chacun de ces mots la règle numéro 1 d’un journaliste c’est de faire preuve de neutralité on sent bien le parti pris contre Will Smith

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