Smells Like Football Spirit

"On s'en bat les couilles, on a gagné !"

L’EURO féminin de l’UEFA 2025 – The Summit of Emotions, j’y étais. Et plutôt trois fois qu’une. Dont deux pour notre belle et lumineuse Nati, parmi lesquels le sensationnel Suisse-Finlande à Genève et l’inoubliable Suisse-Espagne en 1/4 de finale à Berne (parce que oui, j’ai mes entrées et non, c’est pas ma non-carte de journaliste à Carton-Rouge qui me les procure, inutile de demander à rejoindre la rédaction pour espérer profiter de cet avantage. Par contre pour des shots au Bamee, on peut s’arranger).

Belgique-Italie 0-1

Commençons par le commencement et ce match n° 3 du tournoi, joué dans le plus beau des petits stades de la compétition, envié par tous, jamais égalé, sous un soleil que les mauvais scribouillards qualifieraient volontiers de « de plomb ». Ce que je, sans vergogne. Tourbillon, même sous les atours officiels de la compétition, reste toujours Tourbillon : une vraie pépite que l’on regrettera lors de l’inauguration du Cervin Coliseum à l’horizon 2030. Ou 2035. Voire 2040. Mais quelques années avant la patinoire du Trèfle-Blanc, pour sûr (vous l’aurez lu ici en primeur, même si au fond de vous, vous le savez déjà #genferei).

Petite surprise en arrivant, le parking VIP de Super League est, en partie, transformé en kermesse ressemblant à s’y méprendre au marché folklorique estival de Morgins, accueillant samedi après samedi en été les hôtes de la station et les locaux de la vallée, dans un joyeux botellòn ponctué des mélopées lancinante du carillon de la paix, serinant ses ding-dong importuns heure après heure (une vache, au moins, ça se couche à l’occasion). Frites, raclette, Blonde 25 et grillades au menu. Supporters mélangés, bras dessus, bras dessous. Des hooligans version Roger Federer : tous amis, tous potes, tous bien lisses. Et ce ne sont pas les 35 Belges apathiques qui ont fait le « cortège » de la Place du Midi vers le stade qui contrediront cette constatation, eux que le désœuvré cameraman de la RTS exhortait ardemment à un peu de vie pour que ses images « donnent quand même quelque chose ».

Une bonne bière-lim’ à Fr. 10.- plus tard, bien installé à l’ombre dans notre tribune C (ma copine avait eu l’heur de m’écouter et de prendre des places haut dans le stade), avec vue sur les châteaux, nous avons dû nous résigner à avouer que si le football était une Ferrari, ce jour-là, il était conduit comme une Twingo. Et encore, une Twingo d’occasion, sans clim. The Very Bottom of the Deep Valley of Emotions. Rien d’autre.

La qualité dans ce match ? C’est un peu comme les Anglais et les dentistes, ils ne se voient pas souvent. On mettra ça sur le compte de la chaleur. Et comme dirait notre Marco bien-aimé, on respire tous un bon coup et on tourne la page. Tout le monde peut se tromper. 22 actrices qui pourraient devenir gardes du pape si elles étaient suisses, et grandes : 90 minutes à bouger au rythme d’un mec fourbu, flapi, harassé, lessivé qui, finalement, ne risque jamais rien du tout. Oui, tout le monde peut prendre un match amical de reprise de saison de Juniors C2 pour un match international.

1-0 pour les Azzurrettes. Personne ne sait si c’est mérité ou pas. Personne ne s’est même posé la question, en fait, occupés que nous étions tous à juste tuer le temps, un peu comme dans ces soirées où l’on reçoit des invités ennuyeux qui refusent de partir alors qu’on tombe de sommeil.

Mais je m’en fous royalement, j’ai rencontré Madeleine Boll à la fin du match et elle m’a même fait l’honneur d’une photo prise par sa sœur avec mon téléphone. Et ça, ça n’a pas de prix ! Rien que pour ça, j’y retournerai !

La grande Madeleine, en rouge et un scribouillard pacifique.

Suisse-Finlande 1-1

Stade de la Praille, Genève. Nous étions 26’388, dont quelques élégants Finlandais, accoutrés de leur somptueux maillot blanc et bleu, polis au point de participer joyeusement à la ola bi-directionnelle lancée depuis la tribune Est dès le début du match. Et oui, à Genève, on ne vexe personne : un peu à gauche, un peu à droite, et on verra bien ce qu’il se passe. Spoiler alert : la ola meurt lorsque la gauche percute la droite de plein fouet. Ah ! Ça ira ! Ça ira !

Oui, les Finlandais étaient en bleu et blanc, et moi en rouge, comme nombre de mes compatriotes dans la même tribune. Suite aux matchs contre la Norvège (rien à voir avec la parodie de football tourbillonesque précédente) et contre l’Islande (Iman Beney For Ever !), j’ai non seulement acheté des billets pour ce match au bout du Léman – où j’ai mangé les meilleures frites de ma vie, au stand Bifanas à l’extérieur, face tribune Est, à côté des 3 (oui, 3 !) cabines toilettes généreusement installées pour l’occasion – mais en plus acquis deux maillots de notre Nati féminine, maillot qui me va à ravir, pour la petite histoire. Je le porterai en Suède et en Slovénie à l’automne, pour les matchs de la Nati masculine, promis juré !

Le match ? Un feu d’artifice. Tu l’as loupé, t’as raté ta vie !

Imagine un ciel noir, tendu comme un drap prêt à exploser. Soudain, une première étincelle fend l’obscurité, les équipes entrent sur le terrain. La tension monte, vibre, puis éclate dans un fracas de lumière. Le coup d’envoi est donné. Géraldine « Ballon d’Or » Reuteler caresse la balle dans son état de grâce actuel, le distille comme la pro féminine qu’elle est. Ses coéquipières se mettent au diapason, le ton est donné. De la poésie. Ce football-là, on adore. On en redemande. Même les vieux « docteurs » le font, je vous dis.

Alors tout s’enchaîne : chaque détonation est un « Oh ! » de la foule éblouie, chaque envolée un dribble génial, chaque éclat une passe millimétrée. Le gazon de la Praille, enfin digne d’un grand match, devient une scène céleste, un théâtre où chaque geste déclenche des salves d’émotion. Sauf le retourné raté de Calligaris à 5 mètres. Ou les approximations de Schertenleib en attaque. Mais on s’en fout. Même à 9 et demie, nos Suissesses sont au-dessus du lot. Ce soir, rien ne pourra se mettre en travers de leur chemin. Le quart les attend au bout du suspense.

Un penalty indiscutable pour la Finlande. Les nôtres menées au score mais pas vaincues, Alisha Lehmann qui fait enfin son apparition dans le tournoi (une minute de jeu pour 83 articles dans la presse), le temps qui file, les arrêts de jeu entamés. Un but, il faut un but ou c’est la fin du parcours. Lehmann qui fait la passe qu’elle devait pour permettre l’assist de génie de Reuteler et la petite touche dans les 5 mètres de Xhemaili. Le ballon au fond. L’extase ! Le Nirvana.

Un feu d’artifice. Un match légendaire.

Personne ne veut quitter le stade. Pourtant, il le faut : les trains sont à l’heure chez nous et les horaires, c’est les horaires, même un soir d’Euro 2025 pas masculin. Tu cours à la gare ou tu dors sur le quai. Pas grave, t’as des étoiles dans les yeux. The Summit of Emotions. Tu viens de comprendre.

Espagne-Suisse 2-0

Le match contre la Finlande était légendaire. Une fresque qu’on racontera aux génération futures devant une raclette au feu de bois, la larme à l’œil. Celui contre l’Espagne ? L’un de ceux que l’on ne peut que qualifier de « hors du temps ». On a perdu. Mais en vrai, on a tout gagné : l’amour d’un pays, la fierté de porter le maillot, des larmes, des sourires, des palpitations, des cris de joie, d’espoir, de dépit… bref, tout ce qu’un (bon) film hollywoodien met trois heures à construire, la Nati l’a sorti en 90 minutes.

Et même si le parcours s’arrête là, ce n’est pas une défaite. C’est un tremplin pour nos joueuses, un ascenseur émotionnel pour nous, le public. Une rampe de lancement. Un « to be continued » gravé en Helvetica bold dans nos cœurs.

Peng, Beney, Riesen, Reuteler, Vallotto, Calligaris, Wälti, Pilgrim, Wandeler, Schertenleib… une liste qui ressemblait encore tout juste à une fusion entre un bottin téléphonique et un album Panini il y a 3 semaines devenue totalement incontournable aujourd’hui. Plus que des stars. Des héroïnes ! Xherdan Shaqiri, Roger Federer, DJ Bobo, Stephan Eicher, Snoop Dogg, Johann Schneider-Ammann, Justin Bieber, Shania Twain, le Dalaï-Lama prennent leur journée pour venir leur demander des autographes pendant que l’Espagne leur fait une haie d’honneur. Même Bertrand Piccard et sa main invisible.

Contre l’Espagne, championne du monde en titre et future gagnante de l’Euro façon rouleau compresseur, contre qui la Suisse n’avait jamais réussi à perdre avec moins de 4 buts d’écart, on pouvait avoir peur. Peur de se prendre une branlée, peur de se faire démonter, peur de prendre la déculottée de l’année, peur d’être ridicule. Une correction. Une paella power, un carnage. Et pourtant, c’est Montse Tomé, la coach espagnole, qui avait les épaules contractées, l’air de mâcher des cailloux, comme cherchant des Pokémons dans sa zone technique pendant 66 minutes, tant elle ne trouvait aucune solution au Mur Suisse. Deux rideaux défensifs cousus main, plus serrés qu’un jean taille XS sur Alisha L. (nom connu de toute rédaction ayant « couvert » cet Euro).

Petit bémol : Schertenleib a joué 90 minutes. Alors que, manifestement, elle avait laissé le mojo qui lui avait valu les faveurs de Sundhage dans les vestiaires du Barça, à 1000 km de là. Pilgrim dès la pause ? Oui. Xhemaili pour agiter les filets ? Carrément. Mais bon, on ne refait pas le match. Blick lui met la note 4, la même qu’à Crnogorčević, Calligaris, Maritz, Wälti, Beney et Pilgrim. J’ai aussi eu écrit des articles sans avoir vu le match, mais j’ai toujours essayé d’être un poil discret sur le sujet. Même topo pour l’UEFA qui désigne Bonmatí « femme du match ». Mais non ! C’était Livia Peng ! Vendredi, elle arrêtait des météorites ! Un 10/10 ? Non. 12/10. Avec option bouclier magique. Merci Sundhage pour la titularisation. Ça, c’est avoir le nez fin.

Ma conclusion personnelle qui n’engage que moi

Pendant des semaines, ça a PIAillé fort : « Le foot féminin ? Bof. Aussi palpitant qu’un tuto pour plier des draps-housses ». Certains étaient persuadés qu’on allait être saoulé ferme, comme à une réunion Tupperware un dimanche pluvieux. Pour eux, on allait autant s’ennuyer qu’à la messe de minuit – dite à 17h30 au foyer de l’EMS – où l’on va pour faire plaisir à mamie qui fête ses 88 ans et qu’on voudrait pas qu’elle nous oublie sur son testament Et pourtant… claque monumentale. En pleine face. Avec les crampons.

Comme quoi, s’accrocher à des clichés aussi vieux que la moustache de Pierre de Coubertin, ça mène droit dans le mur. Lui, rappelons-le, pensait que les femmes avaient autant leur place sur un terrain de foot que dans un hémicycle ou derrière un volant de voiture. C’est-à-dire aucune. Cuisine, enfants, et silence. Et visiblement, y’en a encore qui pensent comme lui en 2025. Certains préfèrent forger leurs certitudes avec les ustensiles de leurs préjugés plutôt que de regarder le terrain avec leurs deux yeux grand ouverts.

Mais surprise ! Ce qu’on a vu ? Du feu ! Du talent, du suspense, du frisson. Sauf à Sion, mais bon… Note pour l’UEFA : à 31 degrés, pour le frisson, tu repasseras.

Alors la prochaine fois, au lieu de juger avec la condescendance d’un vieil oncle bourru qui pense que « les filles, c’est pas fait pour ça », on observe. On écoute. On apprend.

La suite ? La Coupe du Monde au Brésil en juin-juillet 2027. Réserve tes vacances. Et vite. Il n’y aura pas de place pour tout le monde.

A propos Olivier Bender 43 Articles
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7 Commentaires

  1. En tout cas, en tant que (très) vieux fan de l’ancien Carton Rouge, je ne m’y retrouve plus du tout….
    Les critiques acerbes, le ton irrévérentieux, la ligne éditoriale qui faisait la part belle à la mauvaise foi et aux avis bien tranchés et polémiques, les Mouquin, Baudry et autre St-Aÿ, ont depuis longtemps cédé la place aux mièvreries lisses, bien-pensantes, politiquement correctes et inclusives… bref… Ennuyeux à désespérer

    • Ca tombe bien, mon Maxou, ce soir arrive un nouvel article avec, semblerait-il « un avis bien tranché et polémique » qui traite de « l’intelligence des sportifs » avec un tennisman helvétique adulé comme exemple. Tu me diras alors s’il te convient. Et si ce n’est pas le cas, je prends volontiers tes exemples du passé pour sortir de « l’ennuyeux à désespérer ».

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