Klubbing : Mountfield Hradec Králové

À vos souhaits !

Voilà, respirez un bon coup. Si vous êtes parvenus à lire ce titre sans vous mordre la langue ni postillonner sur votre écran, vous êtes déjà bien partis. Vous ne rêvez pas, cet été on relance une série culte de Carton-Rouge, le Clubbing. Et cette fois, on va s’intéresser à la compétition reine du hockey sur glace mondial, j’ai nommé la Champions Hockey League. Le traditionnel tirage au sort qu’il faut regarder avec des lunettes 3D pour espérer le comprendre étant achevé, embarquons pour un tour d’Europe des futurs adversaires du Lausanne Hockey Club sur la plus haute scène hockeyistique de ce bras de la Voie Lactée, et commençons, tout à fait arbitrairement, par un autre Lion, celui des Tchèques de Hradec ([ɦradɛt͡s], littéralement « Atchoum ! ») Králové ([kraːlovɛː], littéralement « Mange ta crotte », expression couramment utilisée pour « À tes souhaits ! » en République tchèque, selon nos sources).

L’histoire complétement bidon du club

On parle d’une des plus anciennes villes de Bohême, d’une ville royale, s’il vous plaît du peu. Hradec Králové n’est en effet ni une insulte tchèque, ni une race de dragon locale, mais bien « le château de la reine », en tchèque dans le texte. L’histoire raconte que lors d’un hiver particulièrement rude du XVIIe siècle, on tenta de déterminer l’appartenance de la ville entre les Autrichiens, les Prussiens et les Bohémiens sur un match de trihockey sur glace (« trihokejový », d’après la feuille de match qui en atteste et qui se trouve aussi être le tout premier document historique à mentionner l’existence du hockey sur glace). La situation géographique de la ville aidant, à la confluence de l’Elbe et l’Orlice alors gelés, trois équipes (une sur la partie amont de l’Elbe, une sur l’Orlice, et une sur l’aval de l’Elbe) devaient se disputer deux pucks. Les cross tchèques ayant été interdits et les Tchèques n’existant même pas à cette époque, ce sont les Bohémiens qui sont passés proche de l’emporter sur le score de 4 à 3 à 1, lorsque les Suédois débarquèrent et mirent à sac la ville laissée sans défense. Et en plus, ces filous de Scandinaves volèrent l’idée et inventèrent le hockey dans la foulée, mais celui qu’on connaît, à deux équipes, pour des questions évidentes de confort, de clarté et de sécurité des spectateurs. Ce fut là un moment décisif de l’histoire de notre sport, qui nous prive aujourd’hui de triderbies enflammés, d’une trinale des playoffs ou encore d’un tribarrage promotion-relégation sur des tripatinoires (et non pas des tripotinoires, notez la différence). Vous suivez ? On passe à la suite.

Une équipe à gauche, une équipe à droite, une équipe en bas, et hop, le trihokejový était né à Hradec Králové. Une belle invention oubliée par le temps (et ce ne sont pas les forces de l’ordre lausannoises, genevoises et fribourgeoises qui s’en plaindront).

Couleurs, symboles et mascotte à la con

Mais alors, ça vient d’où, « Mountfield » ? Sûrement pas des piètres 235 mètres d’altitude, qui n’autorisent pas à user du terme « mount » même à l’échelle anglaise. Pour trouver notre réponse, il faut plutôt en appeler à notre imagination et se figurer un monde où le partenaire principal du LHC ne serait pas la Vaudoise, mais plutôt Hornbach. Maintenant qu’on y est, osons pousser le bouchon plus loin et imaginer un monde où Hornbach ne se serait pas contenté d’une magnifique Hornbach aréna résonnant d’un « yapa ya ya youpi youpi yeah » à chaque but local, mais serait allé jusqu’à acheter le nom du LHC. On arguera que Mountfield Hradec Králové sonne mieux que Hornbach Lausanne (et encore), mais en substance, on en est là.

Quant aux couleurs, on a simplement repris celles de la ville pour un alliage des plus originaux et harmonieux : le jaune, le blanc, et le rouge. Mais non, on rigole. Bien sûr qu’ils ont tout envoyé bouler pour jouer en noir (et parfois en orange).

 

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Bon, d’accord, le rouge s’y retrouve, mais quand même, il y avait mieux à faire, non ?

Venons-en au logo, puisque le match opposant le LHC au Mountfield HK sera tout de même le seul derby de lions de cette phase de groupe ligue de la CHL 25-26. Bon, un derby est un derby, mais on admettra que le Lion tchèque a quand même un peu plus l’air de sortir de chez Burger King avec sa couronne ringarde, en plus d’évoquer vaguement un logo de marque de chips ou de bière un peu vintage et de jouer au hokejový plutôt qu’au hockey (mais oui, vous savez, comme dans la fameuse chanson des Gipsy Kings*). Et en plus, nos amis tchèques ont poussé le réalisme jusqu’à la mascotte du club, Mounty, gueule ouverte et toutes dents dehors. Sauf que…

… sauf qu’il a quand même vachement l’air d’être en train de bailler, du coup, non ? Ou à la limite, d’avoir trainé un peu trop longtemps à la Riponne après 20 h. Mais en tout cas pas un air menaçant.

Bon, malheureusement pour nous, ils ont tout récemment changé le look de Mounty pour lui donner un air non pas plus menaçant, mais plus… disons, normal. Pour une mascotte, s’entend.

Par contre il en a perdu sa couronne. Le signe d’un nouveau changement de nom à venir pour le club ?

Eh ! Oui, car si on a rien dégoté d’intéressant du côté des surnoms, signalons quand même que depuis sa fondation en 1926, le club a changé 16 fois de nom, soit plus qu’il n’y a eu de dirigeants russes différents depuis la Première Guerre mondiale. Sans doute que de pouvoir vendre le nom de ton club à des grosses entreprises pleines aux as aide un peu. Alors, vous avez pas hâte d’assister dans quelques années à des Novartis EV Zug – Feldschlösschen SC Bern ou à des Chicco d’Oro HC Lugano – Le Gruyère Switzerland AOP Fribourg-Gottéron ? Parce que nous, complètement.

En République tchèque, quand ça va pas, ils ne se contentent pas de mettre un coup de pied au Králové d’un actionnaire, ils changent le nom du club, juste au cas où.

Ville, stade et supporters

On aura beau chercher le gentilé de la ville de Hradec Králové, ce sera en vain. Étonnamment, il semble que l’on soit les premiers à se poser la question, ou alors que l’on n’utilise pas de gentilé dans un pays qui compte des villes allant de České Budějovice à Frýdek-Místek, en passant par les bien connues Havlíčkův Brod et Uherské Hradiště. Arrêtons donc de hradoter et laissons le lecteur se faire son propre avis sur la question.

Rien de bien original par contre du côté de l’aréna locale, qui nous fait tout de même l’honneur de porter un nom à peu près prononçable : la ČPP Arena.

File:ČPP aréna.jpg - Wikimedia Commons

Ne cherchez pas très loin, c’est simplement la Vaudoise du coin.

Ne vous fiez pas à son apparence futuriste, la ČPP aréna est une bonne vieille patinoire à l’ancienne comptant près de 7’000 places dont la moitié ou presque de places debout. Elle a le mérite d’être située non loin du lieu du tout premier match de trihokejový susmentionné, c’est-à-dire au bord de l’Orlice, mais elle est aussi assez proche du centre-ville et de la fameuse Tour Blanche, principal monument de la ville et portant accessoirement aussi bien son nom que la Tour Bel-Air.

File:Velké náměstí (Hradec Králové) 02(js).jpg - Wikimedia Commons

À droite, un bâtiment blanc, et au milieu, la Tour Blanche. M’enfin !? 

Et pour ce qui est des supporters, ben oui, le Mountfiel HK en a sûrement. Environ 2 de plus en moyenne que le HC Ajoie sur la saison 2024-2025. Ce qui les places devant 4 des autres équipes que le LHC affrontera en Champions Hockey League dès la fin août (ça promet, niveau ambiance), mais derrière des équipes de deuxième division suédoise, finlandaise, allemande, et même derrière les Spartiates de Marseille. Oui, oui. Vraiment. On enchaîne.

Le joueur qui pourrait avoir sa statue à l’entrée du stade

Là, on entre dans un sujet difficile. Il faut dire que, quand une équipe affiche fièrement sur son site web un panel de (deux) joueurs ayant une carrière (plus ou moins) accomplie et qui sont venus jouer chez elle (mais pour une autre équipe), on est en droit de se dire que le parvis de la ČPP aréna n’est pas près d’accueillir une statue, ou en tout cas pas celle d’un joueur du club.

Croyez-le ou non, ce poème-là, il veut dire que le point commun entre Lucas Raymond et Tim Stützle est d’avoir joué à Hradec Králové, mais pas POUR Hradec Králové. Vous saisissez la nuance ?

Rajoutons un nom à cette liste non-exhaustive : celui d’Ivan Lendl, qui a fait un bref passage à la ČPP aréna lors de la… Coupe Davis 1984. Lui aussi a donc joué à Hradec Králové, mais pas pour Hradec Králové. Tant qu’à faire, on aurait pu le mentionner, non ?

Trêve de plaisanteries, à cause d’un héritage compliqué dont on reparle juste après, le Mountfield HK n’a certes pas une liste Elite Prospects de « joueurs cultes et stars » aussi longue que Frölunda, auquel on s’attaquera prochainement, mais l’on fera quand même honneur à Jaroslav Roubík, meilleur compteur de l’histoire du club avec à peu près le double de points que n’en a le 2e meilleur compteur du club, qui lui-même en a à peu près autant que Claude Verret pour le LHC, mais en ayant joué le double de matchs. Vous suivez toujours ?

Bref, plus l’on creuse, plus l’on se dit que le Mountfield HK a plus des airs de club de retraite que de club formateur. Josef Marha, tête connue de notre championnat pour avoir inscrit la bagatelle de 380 points du côté de Davos entre 2001 et 2013, en est un bon exemple, lui qui n’aura fait qu’une saison à Hradec Králové pour y prendre sa retraite à presque 40 ans.

File:Josef Marha (31645972635).jpg - Wikimedia Commons

J’en connais un qui se marra bien à Davos.

Mentionnons pour conclure qu’un joueur de l’effectif lausannois actuel, à savoir Ahti Oksanen, a passé une saison (2021-2022) à Hradec Králové, au cours de laquelle il a marqué 48 points.

Le joueur à placer sur une case mot compte triple

Pas de chance de ce côté : les Dmowski, Stastny et Sajdl s’en vont cet été et nous laissent nous rabattre sur un « facile » pour ouvrir notre guerre des consonnes : l’ailier Aleš Jergl (oui, comme le bruit que tu fais quand tu te rends compte de la pire des manières que le « dernier verre » que tu viens d’accepter avant de quitter la soirée était en fait celui de trop). Il y a bien aussi un membre du conseil d’administration nommé Drbohlav, mais on a décidé de lui laisser le bénéfice du doute : après tout, il est peut-être juste docteur, on n’est pas allé vérifier.

Aleš Jergl pris sur le fait en train de Jergler.

Si le club était une bière

File:Budweiser Budvar bottle.jpg - Wikimedia Commons

Difficile de ne pas parler de la Budweiser Budvar, bière tchèque qui, derrière des atours classiques (blonde, peu amère, fortement maltée), cache un houblon de très bonne réputation et une longue histoire de conflits juridiques avec un grand groupe américain qui vend de la Budweiser brassée à… Saint-Louis, et d’une réputation par ailleurs fade et sans grand intérêt au regard de la Budweiser tchèque. Problème de nom, histoire compliquée mais belles perspectives d’avenir, et les liens avec le Mountfield HK ne s’arrêtent pas là, car la Budweiser Budvar, croyez-le ou non, fait partie intégrante de l’histoire du club de Hradec Králové. Parlons sérieusement une minute, parce que cette histoire pas du tout bidon du club vaut le détour.

Nous sommes en 2013, de l’autre côté de la République tchèque, plus précisément à České Budějovice, où est brassée la Budweiser Budvar. Le club de hockey sur glace local, fondé en 1928 et appelé depuis 2006 le Mountfield České Budějovice (tiens donc), milite en première division tchèque, l’Extraliga, et joue dans la Budvar aréna (« Budvar » comme dans « Budweiser Budvar », justement).

Fichier:HC České Budějovice - logo Mountfield .gifFile:ČBu, Budvar aréna 02.jpg - Wikimedia Commons

À quelques années près, le LHC aurait joué au hockey et pas au hokejový, contre ce Mountfield-là et dans cette aréna-là, si tant est que ce qui se cache derrière ces dehors de station-service du Midwest soit une aréna.

Les ennuis commencent lorsque l’Extraliga décide de nouer un partenariat exclusif avec une autre marque de bière, Radegast, impliquant que les arénas de tous les clubs d’Extraliga soient obligées de vendre de la bière Radegast (la brune). Le problème, c’est que la Budvar aréna de České Budějovice (mais non le club lui-même, nuance importante) était déjà liée par contrat à la marque Budvar, contrat l’empêchant de vendre une autre marque de bière. Le conflit d’intérêt s’est épaissi, et la seule solution pour le club de Mountfield České Budějovice a finalement été de… déménager. Pourquoi aller aussi loin que Hradec Králové ?** Probablement parce que c’était une des seules grandes villes de République tchèque dotée d’une aréna suffisamment grande et qui ne comptait alors pas de club d’Extraliga. Il y avait bien le HC VCES Hradec Králové, celui-là même qui avait été fondé en 1926, mais celui-ci ne s’était jamais établi durablement en première division de hockey tchèque et jouait alors en deuxième division. Résultat des courses : le Mountfield České Budějovice s’est installé à Hradec Králové, absorbant le HC VCES Hradec Králové pour créer le Mountfield Hradec Králové.

À ce stade, une petite mise en perspective s’impose. Imaginez un instant que le LHC ne joue pas à la Vaudoise aréna, mais à la Dr. Gab’s aréna, forcée par contrat de vendre exclusivement de la Dr. Gab’s (pour le plus grand bonheur des fans locaux qui commencent à en avoir MARRE de la Cardinal). Bon, d’accord, sauf que d’un coup, la National League débarque et signe un contrat exclusif avec Cardinal, forçant les arénas de tous les clubs de National League à vendre de la Cardinal. Ce contrat concerne alors la Dr. Gab’s aréna tant que le LHC, club de National League, y joue. Comprenons que ce contrat ne prive pas le LHC de jouer en National League en soi, mais le LHC ne peut plus jouer à la Dr. Gabs aréna tant qu’il y a conflit d’intérêt entre le partenariat exclusif de la Dr. Gab’s aréna et celui, tout aussi exclusif, de la National League avec Cardinal. Tout ce beau monde étant, comme le sont en général les humains, incapable de trouver un accord, Le LHC préfère alors déménager plutôt que d’abandonner sa place en National League. Clair comme de la Cardinal, non ? Et tout aussi horrible pour les fans locaux.

Conclusion : le Mountfield Hradec Králové revendique la tradition du HC VCES Hradec Králové, fondé en 1926, mais n’a concrètement qu’une dizaine d’années d’existence en tant que tel. Et du côté de České Budějovice, un groupe local d’anciens joueurs de hokejový et de personnalités influentes de la ville ont rapidement fondé un nouveau club qui a pu redémarrer dans les échelons inférieurs du championnat tchèque, ce qui ne posait pas de problème pour jouer à la Budvar aréna, puisque seule l’Extraliga, la première division tchèque, avait un partenariat exclusif avec Radegast. Le temps que les choses se tassent entre Radegast et Budvar, le Motor České Budějovice, héritier de l’ancien club de České Budějovice, est déjà parvenu à remonter en première division tchèque (en 2020), et franchement, après une telle histoire, c’est tout ce qu’on pouvait leur souhaiter.

Ok, et actuellement ?

Dire que le Mountfield HK est dans la forme de sa vie serait un peu hradexagéré, mais ils ne sont sûrement pas en hrade non plus. Depuis son apparition en première division tchèque en 2014 suite à cette sombre histoire de guerre des bières, le club n’a jamais manqué les hradequarts de finale des playoffs nationaux. Cela dit, dans un championnat où les play-in commencent à la 5e place du hradeclassement et vont jusqu’à la 12e, le mérite est peut-être légèrement moindre (mais chut, écrivons-le pas trop fort, des fois que des espions de la fédé suisse nous lisent).

Invités deux fois à la hradecoupe Spengler en 2016 et 2017, les Tchèques y ont plus brillé par leur belle cohorte de supporters que sur la glace, n’atteignant qu’une fois les hrademi-finales pour hradecraquer contre le Team Canada. Quant à la CHL, ils en ont tout de même atteint la finale une fois en 2020, la perdant contre… Frölunda. Suffisant, comme transition vers notre prochaine hradestination ? Restez à l’écoute, Klubbing will return.

Crédits photographiques :

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:%C4%8CPP_ar%C3%A9na.jpg

https://x.com/petrpencak/status/1303410846358536194

https://www.mountfieldhk.cz/

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Velk%C3%A9_n%C3%A1m%C4%9Bst%C3%AD_%28Hradec_Kr%C3%A1lov%C3%A9%29_02%28js%29.jpg

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Josef_Marha_%2831645972635%29.jpg

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Budweiser_Budvar_bottle.jpg

https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:HC_%C4%8Cesk%C3%A9_Bud%C4%9Bjovice_-_logo_Mountfield_.gif

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:%C4%8CBu,_Budvar_ar%C3%A9na_02.jpghttps://www.outdooractive.com/en/poi/ceske-budejovice/budvar-arena-ice-hockey-stadium/37686934/

*Hokejový, hokejová, quoi, faut suivre, un peu.

** Précisons ici que notre réponse n’est qu’une hypothèse. Il faut dire que nos sources sur le sujet, assez peu médiatisé hors République tchèque, consistent essentiellement en des sites tchèques traduits par google. Nous n’excluons donc pas que certaines subtilités de cette langue, comment dire, truculente, se soient perdues en route.

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