Evelyne Viens, Emilie Haavi et Camelia « Jules » Ceasar étaient de passage au bout de notre beau lac du Pays de Vaud et vous pensiez que Carton-Rouge allait laisser passer l’occasion d’enclencher la machine à calembours si effroyables qu’ils feraient frissonner un habitant de Phœnix dépourvu d’air conditionné après 113 jours consécutifs au-dessus des 100 degrés Fahrenheit ? Vous vous fourrez le doigt dans l’œil jusqu’à l’embouchure de l’Arve, cher(s) lecteur(s) ! Oui, on espère en attirer plus d’un pour une fois 🤞🏻 En route donc pour le match retour du barrage (anti-crue ?) qualificatif pour les poules de Women’s Champions League entre le Servette FC Chênois Féminin et l’AS Roma au Stade de Genève.
Le match en deux mots
Rivière atmosphérique.
C’est en tout cas ce qui était annoncé par MétéoSuisse. On avait donc pris nos précautions avant le match en s’adressant à des sources (🥁) bien informées:
Bon, de toute façon on était certain que des Servette seraient distribuées en cas de précipitations trop abondantes. En revanche, l’arrière-garde locale n’avait rien prévu pour pallier l’éventualité d’une pluie de buts.
La femme du match
Giulia Dragoni.
Vous faisiez quoi le 7 novembre 2006, vous ? En ce qui nous concerne, on venait d’atteindre notre majorité et on se préparait à défendre notre travail de maturité dans le cadre de notre dernière année de gymnase. Giulia, elle, est née ce jour-là. Un peu moins de 18 ans plus tard, celle qui a donc la moitié de l’âge du soussigné et qui évolue à l’AS Roma dans le cadre d’un prêt du FC Barcelone a éclaboussé la Praille de sa classe. On avoue que c’est assez peu surprenant de la part d’une joueuse qui évoluait chez les M19 de l’Inter à 14 ans avant de débuter chez les pros à 16 et de fouler la pelouse du Camp Nou de l’Estadi Johan Cruyff sous les couleurs de la première équipe du Barça à 17 ans et 19 jours (plus jeune que Lionel Messi, mais infiniment plus âgée que Lamine Yamal).
Dragoni (n°15) – qu’on dit supportrice fribourgeoise à ses heures – entourée de Rimantė Jonušaitė (à gauche), Saki Kumagai, Giada Greggi et Therese Simonsson.
Bref, deux réussites (le 0-2 de la 14e minute et le 1-5 de la 55e) plus tard et le Tout-Genève avait pu rattraper son retard en cas de non lecture de la page Wikipédia de la prodige milanaise en amont de ce match de barrage retour.
Mention honorable : le coup franc majestueux de Joana Marchão (59e, 2-5).
La buse du match
Le voleur de parapluies. Figurez-vous qu’il fallait laisser son parapluie à la consigne en avant-match s’il avait un bout pointu. Enfin, « à la consigne », c’est un grand mot. Il fallait le laisser pendre contre une grille à l’entrée de la tribune principale sous la surveillance aiguisée d’une agente de sécurité. On aurait vraiment dû parier le prix d’un maillot servettien avec notre acolyte que son pépin n’allait pas tenir 90 minutes dans cette position. À l’heure qu’il est, il doit être dans le coffre d’une voiture en route vers Rome (le parapluie, pas notre acolyte).
Vous avez perdu votre parapluie à 15.- ? Qu’à cela ne tienne ! Le SFCCF inaugurait son nouveau shop dédié jeudi soir (le flocage n’est pas compris dans le prix).
Le tournant du match
La titularisation de Mickaëla Bottega dans la cage genevoise. Celle qui a peu goûté aux joies du terrain depuis son arrivée du FC Sion en 2023, d’abord barrée par Inês Pereira puis par Tinja Riikka Korpela, n’a pas marqué beaucoup de points jeudi soir. Au-delà des 7 buts encaissés, on se souviendra surtout du premier (Haavi, 13e minute, 0-1, titre de cet article validé) et de sa faute de main assez indescriptible, même si sa défense ne l’avait pas aidée au début de l’action en perdant le ballon aux 20 mètres sur Viens. Oui, Viens. Quand le mot « viens » est littéralement écrit dans ton dos, la thèse de l’effet de surprise devient quand même difficilement tenable.
La troisième réussite romaine (Manuela Giugliano, 42e, 1-3) n’aurait jamais dû rentrer non plus, alors que la perte de balle digne d’une scène écrite par le M. Night Shyamalan des meilleures années suivie d’un gri-gri aussi magnifique qu’humiliant de… Viens, le tout conclu par Saki Kumagai (45e, 1-4) tuait d’ores et déjà ce qui restait de la double confrontation avant la mi-temps.
Le chiffre à la con
2’500. Comme le nombre d’écoliers qui avaient été invités au stade pour presque littéralement doubler l’affluence (6’107 en tout) et chatouiller les chiffres stra-to-sphé-ri-ques du SFC masculin (7’810 spectateurs de moyenne la saison dernière, un solide 3,83% de la population genevoise quand même). Si on avait pensé à contacter les crèches et les EMS un poil plus tôt, on aurait probablement atteint un total de 8’000 sans problème.
En sport féminin, le tout est de choisir des sponsors en adéquation avec le public cible.
L’anecdote
Il va sans dire que la RTS avait mis les petits plats dans les grands pour ce qui était clairement la priorité numéro 1 de Massimo Lorenzi en termes de droits télévisuels 2024/2025, juste derrière le championnat de Suisse de hockey sur glace. Euh… ah non. Bref, regardez plutôt ce triptyque que nous avait concocté notre service public jeudi soir:
« Alors qu’on interrompt ce direct car c’est l’heure des résultats du PMU… Vous pouvez suivre la suite des arrêts de jeu sur le Télétexte ! »
Si le match était une denrée alimentaire
Un sandwich triangle de chez Pret A Manger. C’est ce qui servait de casse-croûte au prêtre à l’accent suisse-allemand qui s’est assis à côté de nous dans le train du retour, vêtu de sa soutane. On vous rassure, il n’a pas oublié ses deux signes de croix avant de mordre dans son souper. Improbable, un peu comme le scénario de notre match.
Et sinon dans les tribunes ?
Beaucoup d’excitation.
Ambiance pic.twitter.com/KjxFyrSWZG
— Raphaël Iberg (@McRaph88) September 27, 2024
La minute Cédric Moret
Le brave commentateur de la RTS, qui nous narrait le match aller (3-1 pour les giallorosse) depuis les studios de Genève pour cause de surenchère ahurissante sur les vols Genève-Rome, ne tarissait pas d’éloges sur « les doubles championnes d’Italie en titre » (ah on le saura, même s’il aurait pu ajouter la mention « détentrices de la Coupe » à leur CV). Il s’est bien gardé de préciser qu’en dehors de la Roma et de la Juventus, la Botte n’est pas faite d’un cuir très épais en ce qui concerne le football féminin.
C’est ce qui s’appelle se prendre un aller-retour en pleine face (oui, ça fait « Popp ! »).
La rétrospective du prochain match
Pas le temps de récupérer puisque les Servettiennes accueillent leur principal adversaire en championnat, le FC Zurich, dans un décor un chouïa moins glamour au Stade des Trois-Chêne(s) (les sources ne sont pas concordantes quant à l’orthographe exacte de ce lieu) à peine trois jours plus tard. Une enceinte plus habituée à la deuxième ligue interrégionale masculine qu’aux nuits magiques chères à feu Totò Schillaci.
Et le prochain match au Stade de Genève ? Un alléchant amical Suisse-France le 29 octobre prochain ! Le community manager du SFCCF en a perdu le contrôle de ses filtres Instagram de joie :
Les hologrammes de Marie-Antoinette Katoto et Sandrine Mauron s’affronteront en duel à cette occasion.
Le tirage des groupes de la Women’s Champions League histoire de retourner le couteau dans la plaie
Roh, ne soyez pas si amers, six Suissesses participeront tout de même à la fête: Alayah Pilgrim, Eseosa Aigbogun (AS Roma), Alisha Lehmann, Viola Calligaris (Juventus), Lia Wälti (Arsenal) et Smilla Vallotto (Hammarby).
Puisqu’on me pose la question, le 7 novembre 2006, père depuis peu, je travaillais déjà trop, je dormais donc peu et ne me souciais guère des porteurs ou des arboreuses de protège-tibias. En effet, Erich Burgener avait 54 ans et ne jouait plus avec Servette depuis 26 ans, autant dire que je n’étais plus un enfant. Le foot ne m’intéressait plus et les jeunes allemands avaient encore honte de chanter leur hymne nationale à la coupe d’Europe des nations. Un mal pour un bien sans doute. En résumé, les parapluies à bout pointus se portaient sans crainte et Rome s’en souciait bien moins que son Saint-Père qui tenait secrètement mais chrétiennement pour la Pologne, et ceci malgré sa 21e place à la coupe du monde. l’Autriche venait quant à elle de se séparer de sa marine militaire et les autruches d’Afrique avaient encore quelques soucis avec les percnopteres. L’inclinaison de la terre frôlait les 23 degrés, mais peu de gens s’en souciaient, tant que la trajectoire des ballons de foot ne connaissait pas systématiquement de déviation du même ordre de grandeur. Le stade des trois chênes était déjà à 15 minutes à pied de la frontière française et attendait avec impatience Emilie Aaavi, qui elle rêvait encore de Kjetil André Aamodt et de sa sa victoire à Turin qui allait inspirer son début de carrière de footballeuse à Røa IL. Bref, vous l’aurez compris, ce n’est pas exactement ce que je faisais le 7 novembre 2006.