ROUMANIE : Cette équipe, elle roumainera pas grand-chose de son Euro

Absente de l’Euro 2012, la Roumanie fera cette année son grand retour sur la scène européenne. Miné par des affaires de corruption et des scandales à répétition, le football roumain a choisi de repartir de zéro en nommant il y a deux ans la vieille gloire Iordanescu à la tête des Tricolorii. Et pour l’instant, ça marche : le sélectionneur a conduit son équipe d’illustres inconnus jusqu’à Paris, accrochant au passage des nations comme l’Italie et l’Espagne. La Roumanie perdra peut-être tous ses matches, mais elle n’aura rien à perdre !

1. Pourquoi j’ai choisi de présenter cette équipe.

La Roumanie, ça reste pour tout supporter suisse un match gagné haut la main au Mondial 94. Après avoir vécu les exploits des Hagi, Petrescu, Moldovan, Contra et autre Mutu, il me tardait de découvrir les arguments que la génération d’Alexandru Maxim, fier milieu de terrain remplaçant fraichement relégué avec le VFB Stuttgart, avait à opposer à notre inénarrable Nati, qu’elle affrontera le 15 juin à Paris.

2. Comment se sont-ils qualifiés ?

La Roumanie a terminé avec brio à la deuxième place du Groupe F, certes derrière l’Irlande du Nord mais loin devant l’ancien vainqueur de l’Euro qu’est la Grèce (bon, en l’occurrence les Iles Féroé ont aussi terminé devant la Grèce…). On sent d’ailleurs que les Hellènes ont en quelque sorte passé le témoin à la sélection des Carpates, qui a carburé à un rythme de 1.1 buts marqués et 0.2 but encaissé lors des dix matches de la phase éliminatoire. Autant dire que pour le football champagne de la grande volée de 1994, on repassera. Par contre, l’équipe peut compter sur une solide assise défensive avec le gardien titulaire de la Fiorentina, Ciprian Tatarusanu (je t’épargne les cédilles et les accents), ainsi que deux valeurs sûres en défense : le capitaine Razvan Rat et Vlad Chiriches, même s’ils sont plus souvent remplaçants qu’à leur tour au Rayo Vallecano, respectivement à Naples.

3. Quelles sont les chances de les voir soulever le trophée ?

Sur la base des informations qui t’ont été données jusqu’à présent, je te propose un petit test de logique élémentaire, du genre de ceux qui te sont proposés lors de certains examens d’entrée ou après avoir raté ton permis pour la troisième fois. Après le Danemark en 1992 et la Grèce en 2004, trouve le nom de la prochaine sélection improbable au jeu soporifique ne faisant bander que ses ressortissants qui va monter sur la première marche du podium d’un Euro. Trouve aussi l’année de l’Euro en question.

4. Présente-nous la star de l’équipe.

La star de l’équipe est sans aucun doute le sélectionneur Anghel Iordanescu, celui-là même qui avait permis à la Roumanie d’écrire la plus belle page de son histoire en atteignant les quarts de finale de la Coupe du Monde 1994 aux Etats-Unis après avoir notamment sorti l’Argentine de Gabriel Batistuta. Egalement double finaliste de feu la Coupe des clubs champions en 1986 (entraîneur-assistant) et en 1989 (entraîneur principal), Iordanescu a été rappelé au chevet de l’équipe nationale à la suite d’une campagne décevante pour la Coupe du Monde 2014. Mission accomplie donc, puisque la Roumanie retrouvera cet été l’élite européenne pour la première fois depuis 2008, où elle avait échoué au premier tour.

5. Quel est le joueur qui va nous émerveiller ?

Dans cette rubrique, on m’a demandé de vous présenter « un joueur qui va être la révélation du tournoi que pas forcément grand monde connaît ». Heureusement que la consigne n’était pas de vous présenter un joueur connu, parce qu’à part Claudiu Keseru qui n’a plus rien à prouver en Ligue 2 française, force est de constater que les noms ronflants ne sont pas légion dans la liste provisoire de 28 joueurs annoncée la semaine passée. Les docteurs es football du matin.ch ont pris peur devant Nicolas Stanciu, auteur d’un joli but cet hiver en match de préparation pour sa première sélection. Le jeune milieu offensif de 22 ans sort en tout cas d’une saison pleine avec son club du Steaua Bucarest, pour qui il a marqué 12 fois et délivré 10 passes décisives en 27 matches de championnat. Au bénéfice d’une bonne conduite de balle et d’une aisance technique certaine comme vous pouvez le constater ici, Stanciu sera aussi une menace pour la Suisse sur balles arrêtées pour autant que Iordanescu lui donne l’occasion de s’illustrer sur le terrain.

6. Quel est le joueur qui va nous faire rire ou pleurer, peut-être même pleurer de rire ?

Traditionnellement, les joueurs roumains ont toujours constitué de sérieux candidats à la Une des tabloïdes les plus britanniques qui soient. Dans les années 1990, c’était les exploits footballistiques qui trustaient tous les honneurs, à l’image du magistral goal de Gheorghe Hagi contre la Colombie au Mondial étasunien. Changement de décor au 21e siècle avec l’avènement d’Adrian Mutu, dont la carrière médiatique commence par une exclusion de la sélection nationale pour une sortie en boite peu avant une fameuse défaite contre la Serbie (5-0) en éliminatoire de la Coupe du monde 2010. Quelques mois après, le même Mutu en compagnie de son coéquipier Gabriel Tamas étaient radiés à vie de leur sélection pour une cuite deux jours avant un match contre Saint-Marin. Trois ans plus tard, l’inénarrable Mutu était à nouveau radié (allez comprendre… Tamas est par ailleurs revenu en sélection depuis) après avoir publié un photomontage de son sélectionneur avec la tête de Mr. Bean sur Facebook. Avec un tel pedigree, il sera dès lors difficile de trouver un joueur prêt à reprendre le flambeau dans la sélection actuelle.

7. C’est quoi leur philosophie de jeu ?

Avec une bande de bras cassés pareille, la seule philosophie de jeu possible de Iordanescu est de se barricader en défense et d’aller marquer un but en contre. Un dispositif parfait pour venir à bout d’adversaires sans buteur ni défense centrale, par exemple.

8. On parle du foot roumain, mais il ressemble à quoi le championnat roumain ?

Comme dans tout pays de l’ex-bloc de l’Est qui se respecte, la Roumanie dispose d’une belle brochette d’équipes de la capitale Bucarest : le Steaua, le Dinamo, le FC, le Rapid… Néanmoins, on constate ces dernières années l’émergence de quelques formations alternatives en « Liga 1 Orange » comme le CFR Cluj (qui avait notamment éliminé Bâle en barrages de la Ligue des champions en 2012) et l’Astra Giurgiu, qui vient de remporter le titre. Le championnat comprend 14 équipes et est actuellement classé 15e à l’indice UEFA, soit quelques rangs derrière la Super League.

9. Mais au fait, c’est qui la personnalité de Roumanie la plus célèbre dans le monde ?

Le monde a connu les très belles Alexandra Stan et Inna, il a malheureusement raté Ovidiu Anton. Le candidat roumain pour l’Eurovision de la chanson s’est vu interdire l’accès à la finale de Stockholm après que la télévision publique s’est endettée de plusieurs millions d’euros auprès des organisateurs de l’incontournable événement, l’Union européenne de radio-télévision (UER). Si la plastique d’Ovidiu ne manquera qu’aux plus intrépides d’entre nous, cette créance en souffrance suspend automatiquement les droits de la télévision publique roumaine vis-à-vis d’autres événements liés à l’UER, comme la rediffusion des matches de l’Euro 2016 par exemple…

10. Fais-nous rêver avec la Roumanie, mais dans un autre sport…

Malheureusement, la Roumanie ne fait tellement plus rêver personne que même ses jeunes écoliers s’enfuient. A un point tel que, à l’occasion d’un récent match amical contre l’Espagne, les joueurs de l’équipe nationale de foot ont arboré des maillots d’entraînement où les numéros étaient remplacés par… des formules mathématiques censées réconcilier la jeunesse locale aux joies scolaires ! Devinez vous aussi le numéro du Claudiu Keseru en résolvant l’équation suivante : (6 x 5 – 4) / 2.

11. Au fait ça mange et ça boit quoi des Roumains ?

Traditionnellement, le Roumain se nourrit de sang et évite l’ail. Il a néanmoins dû revoir ses habitudes alimentaires et, comme tout pays de l’ex-bloc de l’Est qui se respecte, mange désormais du chou, des patates et de la soupe à base d’os de cochon. Seule la goulache manque à l’appel.

12. T’as quelque chose à rajouter ?

Le football en Roumanie, c’est probité et transparence. En 2008, plusieurs acteurs du milieu dont le patron du Steaua Bucarest, Gigi Becali, sont interpellés pour une affaire d’arrangement de matches impliquant trois équipes. Une valise d’un million d’euros destinée à payer des joueurs est saisie par la police, et Becali fera un long séjour sous les verrous. Quelques années plus tard, en 2012, ce sont huit individus – parmi eux l’ancien capitaine du Barça Gheorghe Popescu et le nouveau directeur du… Steaua Bucarest –, qui sont condamnés à des peines de prison pour escroquerie, évasion fiscale et blanchiment d’argent dans le cadre d’une série de transferts suspects. L’arbitrage n’est pas en reste, puisque en 2009 le président de la Commission d’arbitrage est arrêté pour corruption. Rebelote en 2011, où le nouveau président de la même commission a été derechef mis en garde à vue pour des motifs similaires ! En 2013, la saga continue : le sélectionneur national Victor Piturca est condamné à un an de prison avec sursis pour complicité dans une affaire de corruption avec un certain… Gigi Becali. Non, l’affaire est différente de celle de 2008. Il faut dire que toutes ces magouilles se sont déroulées sous le règne du même président de la Fédération roumaine de football, en place depuis la chute de Ceausescu. Et pourtant, malgré tous ces efforts, la Roumanie n’obtient qu’un faible indice de 4.5 au classement objectif de la FIST, ce qui ne lui laisse que peu d’espoir pour la victoire finale. Nul doute que le nouvel homme fort de la Fédération, en place depuis 2014, aurait avantage à internationaliser les pratiques interlopes pour gagner à l’échelle mondiale. Les petites magouilles locales ne font décidemment plus recette.

Commentaires Facebook

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.