Les deux visages du Milan AC

Alors que les champions d’Europe en titre se traînent en milieu de classement en Série A (aucune victoire à domicile), que la presse et les observateurs crient à qui veut l’entendre que l’équipe est vieillissante et en fin de cycle (c’est la quatrième année consécutive que la critique se reproduit), voilà que ces «bons vieux» rouge et noir sont en passe de se qualifier, une fois encore, pour la deuxième phase de la Ligue des Champions.

Paradoxe ?

Les acteurs eux-mêmes ont des explications. En tout début de saison, face aux inquiétants matches nuls à domicile, l’entraîneur Ancelotti évoquait la stratégie des équipes adverses : «Elles viennent à Milan et défendent à onze». Pas faux. Difficile alors, selon lui, pour son équipe de développer son jeu rapide. Raison lui a été donné lors des rares victoires de son équipe cette saison. Et Ancelotti de rajouter : «Quand nous menons 1-0, les espaces se créent dans les défenses adverses». Oui, bon, évidemment. A l’entendre, Milan serait une équipe qui ne peut jouer que lorsqu’elle mène déjà au score. Ce serait bien pratique de commencer les matches avec un but d’avance, effectivement… Seulement, c’était oublier que, cette saison, l’équipe a été rejointe trois fois à la marque alors qu’elle menait, justement, 1-0. Vite une autre explication s’il vous plaît.
Les penalties non sifflés pour son équipe. Un scandale ! Et Galliani, vice-président du club, de faire des déclarations fracassantes à la presse. «On nous a volé 5 points en championnat». La faute aux arbitres ? Difficile à défendre. Et ce d’autant plus que Milan a déjà obtenu une jolie quantité de penalty cette saison : 3 (+ 1 en Champions), dont deux qui permirent d’obtenir le match nul. Vite une autre explication s’il vous plaît.

Les chats noirs qui vivent dans les travées de leur stade San Siro. Là voilà la raison de l’incapacité des rouge et noir à gagner à domicile. Sauf que l’Inter joue dans le même stade, et qu’elle n’est nullement dérangée par ces squatteurs. 
Si chacune de ces explications contient en elle une once de bien fondé – c’est vrai que les équipes sont plus offensive en Champions et que certains penalties auraient pu être sifflés en faveur de Milan en championnat -, la raison principale semble être tout autre : la politique du club.
A force de dire que la seule chose importante dans la saison est de gagner (les millions) la Champions League, à force de penser que le championnat ne vaut la peine d’être joué que pour atteindre les fameuses quatre places qualificatives pour la compétition européenne (merci Michel Platini de résoudre ce problème rapidement), forcément, naturellement, la motivation devient un problème.
Et c’est là que la politique du club est à remettre en question, notamment en terme de recrutement. Voici plus de trois saisons que le Milan AC ne participe pas, ou très peu, au marché des transferts. D’aucuns diront que c’est justement la force de l’équipe, qu’elle n’a presque pas bougé depuis longtemps, que les joueurs se connaissent. Dernières recrues : Gourcuff (jeune Français en devenir – très peu utilisé), Oddo (latéral droite), Emerson (en provenance du Real – qui ne joue pas pour l’instant), Ronaldo (qui devrait faire son retour prochainement, jusqu’à la prochaine blessure…) et Pato (prodige brésilien d’à peine 18 ans, qui débutera en janvier). Pour le reste, rien. S’il faut saluer l’esprit de famille prôné par Galliani, accompagné d’un respect des anciens, le recrutement paraît clairement insuffisant, surtout lorsque l’on connaît la moyenne d’âge de l’équipe. «Il n’y a plus, comme l’a souligné Arrigo Sacchi, de banc de touche capable de renverser un match à Milan». Au contraire, les supporters tremblent lorsqu’un remplaçant entre. De fait, il y a dans cette équipe 12 ou 13 joueurs de haute qualité, et derrière, le vide. Et ces 12 ou 13 joueurs ne peuvent pas être au top sur la cinquantaine de matches à jouer dans la saison. Dès lors, devant ce manque de «mains-d’oeuvre qualifiées», des priorités sont à définir : à Milan, c’est l’Europe. Point final. Parce que dans le Milan de Berlusconi, seule l’Europe importe, question de prestige. Ce qui ne manque pas d’agacer les supporters, qui paient chaque semaine pour voir une équipe milanaise fatiguée et sans idée, qui donne l’impression de jouer un match d’entraînement. D’autant que Berlusconi ne manque pas lui-même de donner sa version des faits : «Nous avons de grands joueurs qui ont tout gagné, peut-être que l’envie de victoire leur manque un peu». Accablant !

En attendant, et comme pour cacher la merde au chat (noir de San Siro ?), les dirigeants milanais vanteront une fois encore les mérites de cette «équipe qui ne meurt jamais», de son héroïque capitaine Maldini qui joue toujours (au rythme d’un match, deux mois de blessure, un autre match, et à nouveau deux mois de blessure…), de son génial Pirlo, architecte inégalable (si peu constant cette saison, alternant l’excellent et le très mauvais), de son gendre idéal nommé Ricardo Kaka (dont on attend avec impatience qu’il décroche le Ballon d’Or, ça mettra un peu de paillettes sur le chantier) ou de son Pipo Inzaghi, qui vient de rejoindre Gerd Muller au classement du meilleur buteur européen, grâce à son doublé, hier soir, contre le Shaktar.
Des lumières, du prestige, la glorification de sa propre histoire, la mythification de l’ère Berlusconi, mais très peu de visions à moyen ou long terme. Malgré la qualification s’approchant à grands pas en Europe, malgré la qualité évidente de ses joueurs, la saison risque d’être difficile pour Milan. Et ce d’autant plus que l’équipe participera à la Coupe du Monde des Clubs en décembre (surcharge dans un calendrier) et que, malgré la volonté affichée de recruter au mercato d’hiver, les joueurs convoités (Drogba, Ronaldinho, Ballack) risquent bien de ne pas bouger avant l’été prochain.
Milan s’est lancé, cette année encore, dans un pari risqué. Et s’il a raflé la mise l’an dernier, le «miracle» semble difficilement reproductible cette saison. Mais, comme le disait un ancien joueur du Milan, Boban, «malgré toutes les critiques que l’on peut faire à cette équipe, on est obligé de rester méfiant : ils peuvent être les meilleurs s’ils en ont envie».

Écrit par Ruben Kaczmarek

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2 Commentaires

  1. Excellent papier. Le Milan AC est peut-être victime de sa fin de saison et de ce trop plein démotion. Le Milan va retrouver son rythme de croisière et réussir à finir dans les 4 premiers de Serie A, comme dhab. Quant à la Champions, il faudra être très très fort pour les arrêter. Je vois le Milan en demi-finale, au strict minimum.

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