Et si on vous disait…

Rien ne sert de le cacher. Chez Carton-Rouge, la fin de l’année 2024 fut aussi compliquée que la vôtre passée à (tenter d’)enchaîner douze repas de fête en sept jours avec, à chaque fois, son lot de verres de trop. Mais pas exactement pour les mêmes raisons. Entre l’attribution du Mondial de fôte 2034 (on ne dira pas à qui, car on tient à la vie), les parcours exemplaires d’YB en Ligue des Champions et de la Nati en Ligue des Nations (exemplaires pour les CFF et les maniaco-dépressifs, s’entend) et l’épidémie de trimétazidine chez les meilleur(e)s tennis(wo)men du moment, il semblait évident que cette année 2024 ne pouvait se terminer que par un premier titre en carton pour Fribourg-Gottéron, à la Coupe Spengler, pendant que vous étiez occupés à (tenter de) décuver. Quel espoir reste-t-il alors pour les amoureux du sport romand à l’aube du quart de ce bon vieux XXIe siècle ? Si, comme le champagne de mamy à Noël (millésime 1940, la crème de la crème, à ce qu’il paraît), vous avez aimé les « Si on m’avait dit… », notre manière à nous de tourner la page 2024, et si vous en voulez encore, rassurez-vous ! Les « Et si on vous disait… » sont là pour vous offrir un deuxième round ! Tour d’horizon de nos vœux sportifs les plus ardents pour cette nouvelle année.

Nati féminine. Et si on vous disait que le 27 juillet prochain, devant un Parc Saint-Jacques bouillant, la Nati va remporter haut la main la finale de son Euro, 3-0 contre les favorites anglaises en route pour le doublé, déjouant tous les pronostics et s’offrant au passage un magnifique pied-de-nez à leurs homologues masculins ? Avouez qu’il y aurait de quoi mettre mal à l’aise bon nombre de pères de familles glaronais qui seraient obligés, enfoncés dans leur fauteuil et leurs préjugés jusqu’au cou, de rappeler à toute leur portée, bière à la main, que « isch’gar neh bi’nisch selbr so’schwih och guet ja chli g’seh, oder ? » (ou en Français, pour les pères de familles sédunois, que « meuh non, chuis pas misogyne, mais bon, quand même, le niveau, c’est pas du tout le même, py bon, l’impact physique, et tout ça. Mais j’dis ça, j’dis rien, ou bien ? Bon. ») Et puis, l’air de rien, ça prouverait à un paquet de monde (près de 17 millions, si l’on en croit son nombre d’abonnés Instagram) qu’Alisha Lehmann peut faire des vues en tapant dans un ballon et pas seulement en remuant son … . C’est bon, vous l’avez ? On passe à autre chose.

Nati masculine. Intéressons-nous de suite à l’équivalent Temu de l’équipe susmentionnée. Et si on vous demandait un peu d’imagination et de projection ? Nous sommes le mardi 14 octobre 2025. La Nati rentre de Slovénie avec une solide gueule de bois. Du genre de celles qui suivent un début de campagne de qualification pour la Coupe du Monde aussi riche en points qu’un politicien moyen en honnêteté. Tout a commencé par deux nuls insipides à domicile : le premier, arraché au bout d’un derby bouillant contre le Kosovo, « avec les tripes », comme disent les experts, donne des motifs d’espoir. Pauvres de nous. Granit Xhaka suspendu pour quelque geste obscène de son invention, la Nati retombe de haut et se casse les dents, quelques jours plus tard, sur une défense Slovène aussi dense et compacte qu’un Interregio 90 un vendredi à 16h50. Une défaite sous la neige suédoise et un second 0-0 en Slovénie, le tout avec un petit but marqué en quatre parties, scellent le destin des supporters Suisses pour 2026 : se tourner à nouveau vers la patrie d’origine de leur arrière-grand-mère, pour peu que celle-ci fasse mieux que notre Nati. Mais là, alors que tout semble perdu, l’ASF se la joue Doctor Strange dans Endgame et publie un communiqué attendu par le peuple helvète depuis l’aube de la Confédération : Murat Yakin est mis à pied, avec un palmarès à peu près aussi fameux que tous les entraîneurs de Manchester United depuis le départ de Ferguson réunis. La nouvelle est saluée comme il se doit dans tout le pays, au point que même la police nationale autorise une plus longue célébration que lors de la victoire contre la France à l’Euro 2021. La Nati remporte ses deux derniers matchs de qualification haut la main et arrache in extremis une place en barrages. La suite appartient à l’Histoire : avec un duo lausannois Sanches-Ndoye en feu, Xhaka et consorts sortent deux performances comme eux seuls savent les inventer, et éliminent successivement la Norvège d’Erling Haaland et la Turquie, juste pour les nostalgiques. Alors, l’un dans l’autre, avouez que si on vous le disait, vous signeriez tout de suite, non ?

Football masculin. Et si on vous disait qu’après un procès d’une durée symbolique de 115 jours, l’obscur tribunal indépendant chargé du cas Manchester City prononcera enfin le verdict attendu par tous les amoureux du ballon rond : la rétrogradation administrative pure et simple, sans appel, directement dans les bas-fonds de la League Two. Outre un exode massif de joueurs et de fans indiens à l’intersaison, outre un rare mouvement d’union nationale, voire internationale, entre fans de football traditionnellement rivaux, voir Pep Guardiola, qui a récemment promis qu’il resterait à City en cas de relégation, affronter l’année prochaine une ribambelle de clubs où on a tous fini en prêt saisonnier dans nos carrières joueurs sur FIFA risque bien d’apporter à la League Two une audience dont rêverait la Saudi Pro League.

On rigole, on rigole, mais côté League Two, avec une saison pareille, Manchester City ne serait même pas dans la première moitié du tableau (faites un effort, faites comme si vous n’aviez pas vu la différence de matchs, c’est plus agréable comme ça).

Football suisse. Et si on vous disait qu’un club romand se qualifiera cette année pour la phase finale d’une grande compétition européenne ? Parce qu’on a tous encore en tête ce fameux Sion-Liverpool, et parce qu’on rêve déjà d’un affrontement entre le LS de Ludo Magnin et le Bayern Münich à La Tuilière ou d’un Servette-Real Madrid au Stade de Genève, chez Carton-Rouge, on vous l’annonce : cette année, ce sera celle des Romands ! D’ailleurs, en parlant d’eux…

Hockey suisse. Et si on vous disait que cette année, un titre national arrivera enfin en Romandie, après plus de 50 ans d’interminable attente ? Hein ? Ah ! Non, non, un titre national suisse, précision importante. On oublie la ligue Magnus, ça compte pas, et ne parlons même pas de la coupe Spengler, pseudo-trophée en bois dont la valeur est d’à peu près -2 sur l’échelle Audi Cup (pour les locaux, ayons l’obligeance de convertir à l’échelle Coupe des Bains et d’arrondir à 0, parce qu’on est gentils). Comme Biel-Bienne est toujours salué en allemand de notre côté de la Sarine, il ne nous reste donc que Lausanne. Et la chance de constater d’un coup d’œil au(x) classement(s) que le titre en question pourrait arriver tant au football qu’au hockey, une situation à peu près aussi rare qu’une éclipse de soleil et une éclipse de lune se produisant en même temps ! Enfin, pour peu qu’un certain Alvyn Sanches ne décide pas de mettre brusquement les voiles pour l’Arabie Saoudite l’un des cinq grands championnats européens. Nul doute que les fans du LS trembleront jusqu’au 31 janvier, tandis que du côté de la Vaudoise Aréna, on souhaitera seulement voir Michael Raffl dans la même forme schwarzeneggeresque que l’année dernière lorsque les play-offs commenceront. Alors, foot ou hockey, on prend les paris ?

Le LS et le LHC qui marchent bien au même moment, c’est un peu comme la lune et le soleil en même temps dans le ciel. C’est pas vraiment normal, mais c’est sympa quand ça arrive, et vaut mieux en profiter pendant que ça dure, parce qu’en général, l’un ou l’une des deux disparaît assez vite. 

Ski alpin. Oublions un peu Marco Odermatt, lui qui a déjà dans son armoire à trophées une belle reproduction miniature du système solaire, voire du superamas de la Vierge. Et si on vous disait que Loïc Meillard va rafler le gros globe de cristal au nez et à la barbe du Nidwaldien cette année, et lui souffler au passage son contrat de sponsoring avec Sunrise, et même la place dans la pub annuelle à côté de Roger Federer ? Si imaginer Loïc Meillard blaguant en Schwitzertütsch dans un ascenseur ou un aéroport avec le Mister ne vous donne pas envie de vous mettre au ski alpin, on ne sait pas ce qu’il vous faut. Pour les Romands, c’est d’ailleurs l’année ou jamais puisqu’au moment de rédiger cet article, la Valaisanne Camille Rast est elle aussi en deuxième position du classement général de la Coupe du Monde. Alors, et si vous vous mettiez à parler « faute sur l’intérieur », « traumatisme intracrânien » et « quadruple déchirure des ligaments croisés, antérieurs et postérieurs du genou droit avec luxation du ménisque » ? Oui, parce que le ski alpin, c’est quand même le seul sport où les commentateurs sont plus calés sur l’historique de blessures graves des coureurs que sur leur palmarès.

Divers. En parlant de ski alpin, et si on vous disait que les vieux retraités sportifs en manque d’adrénaline vont choisir 2025 pour arrêter d’annoncer des come-backs foireux suivis d’une blessure rédhibitoire après une journée de reprise de compétition au plus haut niveau ? Non, parce que sérieusement, c’est bien gentil, mais à ce rythme, on risquerait de finir par revoir Roger Federer, Lionel Messi et Lebron James sur un terrain.

Comment ça, deux des trois jouent encore ??

Divers. Dans la même veine, et si on vous disait que des préretraités depuis trop longtemps vont choisir 2025 pour enfin quitter leur sport sur, au choix, une blessure vicieuse, une rouste humiliante ou les deux en même temps, alors qu’ils auraient pu le faire au sommet de leur art ? Vous savez, tous ces sportifs qu’on voit un peu du même œil qu’un bon classique cinématographique de notre enfance : visuellement ça fait vieux, ça manque de rythme, ça veut pas laisser sa place, ça croit encore pouvoir chercher des records, mais nous, on ne peut pas s’empêcher de ressentir un petit pincement d’attendrissement ou de pitié en les regardant. Ben c’est pas pour tirer sur l’ambulance, mais on pourrait en nommer assez pour remplir tout un article (ou un hôpital) : outre les deux cités ci-dessus, on rangera dans la même case, en désordre, les Cristiano Ronaldo, Stan Wawrinka, Ricardo Rodriguez, Alexis Pinturault, Andres Ambühl ou encore Novak Djokovic. Alors, si des légendes de leur domaine comme Yann Sommer, Toni Kroos ou Joe Biden ont pu le faire, qu’est-ce qu’ils attendent pour les imiter ?

Tennis. Et si on vous disait que cette année, les instances juridiques vont mettre la tradition au placard et décider de se prendre au sérieux et de dégainer des suspensions qui feront passer l’envie aux petits malins comme Jannik Sinner de laisser leur physio/préparateur physique/cuisinier/chauffeur/coiffeur de leur concocter des potions à base de stéroïdes illégaux ? Ou alors, crédibilité sacrifiée pour crédibilité sacrifiée, et si on vous disait que l’enfant rebelle du tennis contemporain, le revenant Nick Kyrgios, va se charger lui-même de remettre les pendules à l’heure chez lui, à Melbourne, en faisant vivre « l’enfer » à Sinner (ça ne s’invente pas…), comme il l’a annoncé lui-même ? Croyez-nous, ça nous coûte plus que ce que vous pensez de le dire, même si, vous vous en doutez, on sera certainement devant notre télé à 2h du matin si un tel match devait être programmé à l’Open d’Australie. Avis aux organisateurs, vous savez ce qu’il vous reste à faire en vue du tirage au sort : retrouver à tout prix la roulette de la finale du judo par équipes des JO de Paris.

De toute façon, il ne risque pas grand-chose : même s’il perd, ça sera parce que l’autre est dopé et pas lui.

Athlétisme. Et si on vous disait qu’Armand Duplantis va, encore une fois, battre son record du monde de saut à la perche ? Vous en conviendrez, on ne se mouillerait pas beaucoup. Mais et si on vous disait mieux ? Et si on vous disait que « Mondo » va attendre les mondiaux de Tokyo pour, d’un coup, sans crier gare, passer cette barre des 6,50 mètres que tout le monde, même l’IA, le sait capable de passer ? On a bien dit d’un coup, hein, pas avec une étape à chaque nanomètre avec à chaque fois deux essais ratés juste pour le suspense. Ce serait une ode à la beauté du sport, un moment d’histoire humaine valant bien l’alunissage de 1969, ce serait une punition et une humiliation à sa juste valeur pour la prime du record du monde battu. Et bien évidemment, ça n’arrivera pas. Ou bien ça arrivera, mais dans environ 24 meetings d’athlétisme. Comment on le sait ? Oh ! Vous savez, l’intuition…

F1. Celle-là est facile. C’est le Retour du Roi, le Retour du Jedi, la fin heureuse des fins heureuses que tout passionné de Formule 1 rêve de voir avant de mourir. Et si on vous disait que Lewis Hamilton perdra le titre mondial lors du dernier GP de la saison pour un arrêt au stand fatal de quelques dixièmes trop long, dépassé à deux virages de l’arrivée par un Néerlandais bourré machant un chewing-gum, dont l’hymne apte à casser la tête à un Racaillou retentira alors dans tous les AirPods de la planète ? On rigole, hein. On sait bien qu’Hamilton sera champion du monde. Mais et s’il ne l’était pas ?

 

Voir cette publication sur Instagram

 

Une publication partagée par Lewis Hamilton (@lewishamilton)

Pas la peine de se demander quel était le classique d’animation préféré de Petit Lewis Hamilton… chez maman et papa Hamilton, c’était Cars, et rien d’autre !

Divers. Et si on vous disait qu’à partir de 2025, on va arrêter les attributions de compétitions internationales de sports d’équipe à des groupes de pays complètement disparates ? Et bien on vous mentirait. Car cette année, probablement parce que le quota de mines dans le sol et d’impact de balles sur les façades des habitations des pays hôtes n’était pas atteint, le championnat du monde de handball ne se jouera pas seulement en Norvège et au Danemark, mais aussi en Croatie. Et que dire de l’Eurobasket, qui, pour des raisons écologiques et d’inclusivité évidentes, se tiendra, tenez-vous bien, à la fois en Finlande, en Pologne, en Lettonie et à Chypre. C’est quoi, la suite ? Une Coupe du Monde de foot dans six pays sur trois continents ? … Quoi ? Ah bon ? Sérieux ? D’accord.

Divers. Gardons le meilleur pour la fin : et si on vous disait que ça y est, en 2025, la péninsule arabique va enfin décider de se préoccuper un peu moins de monopoliser l’organisation d’événements sportifs internationaux et accessoirement complètement aléatoires (de la Supercoupe d’Italie, sérieux, comme s’il n’y avait pas assez de stades de foot en Italie, aux championnats du monde de ping pong, oui oui, sérieux, comme s’il n’y avait pas assez de tables de ping pong en Chine), pour se préoccuper un peu plus de tout ce qui concerne le droit des femmes, des enfants, des personnes handicapées, des personnes âgées, des homosexuels, bref, en un mot, des humains ? Et bien, vous ne le croirez peut-être pas, mais on vous mentirait aussi, puisqu’à Trojena, dans un pays où les températures hivernales moyennes avoisinent les 20 degrés, la construction ex nihilo de stations et de pistes de ski bat son plein en vue de l’organisation des jeux asiatiques d’hiver 2029, à un rythme approximatif de 1’574 camions par jour. Alors à l’aube du quart de siècle, dans un monde où la seule chose qu’aucun être vivant n’a jamais vue reste bien la paix dans le monde (ou une équipe de hockey valaisanne militer en première division nationale), pour les fans de sport comme pour les autres, il est plus que jamais temps de faire vos vœux. Parce que l’espoir ne fera sans doute plus vivre bien longtemps. Surtout si, comme nous, vous êtes des inconditionnels de la Nati.

Crédit photographique:

Image mise en avant : https://www.goodfon.com/new-year/wallpaper-happy-new-year-2025-s-novym-2025-godom-novyi-god-prazdnik-be.html

A propos Laurent Bouvier 12 Articles
...

Commentaires Facebook

1 Commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.