Tour des Alpes-Maritimes et du Var 2020

Après vous avoir présenté les coureurs cyclistes qui feront cette saison 2020 (et m’être déjà bien trompé ceci dit au passage), j’ai décidé de me rendre en cette fin de mois de février sur les routes du Tour du Var et des Alpes-Maritimes, nouvelle appellation contrôlée du défunt Tour du Haut-Var, afin d’y voir passer pour la première fois de l’année les champions du mois de juillet.

1. Pourquoi le Tour des Alpes-Maritimes et du Var et non plus celui du Haut-Var ?

C’est la grande question que l’on se pose avec stupéfaction en découvrant cette nouvelle course au calendrier. Il n’en est finalement rien puisque celle-ci succède directement au Tour du Haut-Var existant lui depuis l’année 1977.  Pour mémoire, il faut rappeler que cette épreuve de début de saison a été créée en 1969 sous le nom de Nice-Seillans, avant de devenir Draguignan-Seillans en 1975, Seillans-Draguignan en 1976, et donc Tour du Haut-Var de 1977 à 2019, ce qui en fait déjà sa 52ème édition en ce mois de février 2020.

Pendant 40 ans, la course s’est disputée sur une seule journée et en quasi-intégralité dans l’arrière-pays varois. Il était donc assez logique qu’elle se prénomme alors Tour du Haut-Var. Mais en 2009, l’événement monte en catégorie et se dispute désormais sur deux jours, puis enfin sur trois à partir de 2019 suite à la disparition du Tour Méditerranéen à la même période.

En passant progressivement sur le format d’un long week-end, l’organisateur décide de déplacer une partie de l’épreuve dans le département des Alpes-Maritimes. La course empruntant les mêmes routes que le final de Paris-Nice trois semaines plus tard, elle attire dorénavant davantage de prétendants à la victoire finale sur la Course au soleil. Moi qui croyais que ce changement d’appellation avait un rapport avec la cession de la partie orientale du département du Var à celui des Alpes-Maritimes en 1860, suite au rattachement du comté de Nice à la France, en prends sérieusement pour mon grade.

2. Les principaux engagés

Le plateau est vraiment relevé pour une course de catégorie 2.1 puisqu’on y retrouve le vainqueur sortant Thibaut Pinot, le grand philosophe Romain Bardet, le sherpa des Andes Nairo Quintana ou encore le vieil Australien Richie Porte. Nicolas Edet, Simon Clarke, Edvald Boasson Hagen, Nicolas Roche, Fausto Masnada ou encore Lilian Calmejane sont également présents en tant qu’outsiders. Au total, ce sont huit équipes World Tour qui prennent le départ de ce Tour du 06 et du 83 (oui désolé mais ça me fait un peu chier d’écrire à chaque fois Tour des Alpes-Maritimes et du Var tellement c’est long).

Bienvenue à Grasse dans une ville où rien ne se passe.

3. 21/02/2020 (1ère étape) : Le Cannet – Grasse, 186 kilomètres

Étant toujours en convalescence sur la Côte d’Azur pour réparer mon fémur en binôme avec Chris Froome, je suis naturellement bien placé pour me rendre physiquement sur cette course. Malheureusement, mon réveil ne sonne pas vendredi matin. Ou alors, avouons-le clairement, j’ai décidé de ne pas le faire sonner. Je me lève donc vers midi comme un bon semi-retraité du canton de Thurgovie s’apprêtant à flâner le long du lac de Constance.

A peine le temps de m’enfiler un chocolat au lait que j’enfourche pourtant ma bicyclette. J’emprunte la corniche de l’Estérel où Thibaut Pinot a posté la veille une story Instagram éphémère en compagnie d’Antoine Duchesne, son porte-flingue canadien. Vers 15 heures, j’arrive à Grasse sous un ciel voilé. Il fait plutôt frais. Moi qui pensais débarquer dans une belle petite ville méridionale, suite à la lecture captivante du livre Le Parfum de Patrick Süskind se déroulant dans ces mêmes lieux, tombe de haut.

Grasse n’a rien d’une cité exotique. Construite en escalier, le train s’arrête en bas de la ville. Le funiculaire quant à lui n’a toujours pas été reconstruit pour se rendre dans le centre malgré de multiples promesses électorales. L’arrivée de cette première étape est évidemment jugée sur les hauteurs menant au col du Pilon, sur la fameuse route Napoléon, près de la piscine, à l’altitude 500. Les habitants n’ont pas vu de neige ici depuis près d’un siècle mais ils se croient malins de nommer leurs différents quartiers par altitude, comme s’ils vivaient dans une station de ski étagée du Haut-Valais.

Le matin dans la presse, Thomas Voeckler, le sélectionneur de l’équipe de France de cyclisme sur route, a déclaré qu’il faisait de Romain Bardet l’un de ses trois leaders cette année pour les Jeux olympiques et le Mondial en compagnie de Julian Alaphilippe et Thibaut Pinot. Il justifie ce choix par le fait que le leader d’AG2R sait gagner des courses au sprint comme ses deux compères. Cette sortie m’a fait tellement rire que je me suis positionné à 100 mètres de la ligne d’arrivée pour interroger l’intellectuel de Brioude sur les déclarations osées de son boss. Mais depuis que je l’ai taillé dans un article au vitriol le printemps dernier, Romain refuse tout simplement de me parler.

Impuissant face à cette situation, je lui envoie le soir-même un SMS pour lui demander son avis philosophique sur le passage de témoin récent de Marion Rousse entre Tony Gallopin et Julian Alaphilippe. Doit-on considérer ce geste comme le sacrifice logique d’un équipier envers son leader en équipe de France, à l’instar d’un passage de bidon ou d’un dernier relais héroïque au pied d’un col avant de s’écarter ? En tant que leader d’AG2R La Mondiale, était-il vraiment cohérent que Gallopin ait offert ce service particulier à Alaphilippe avec qui il court une fois par an plutôt qu’à lui avec qui il pédale toute l’année ? N’ayant visiblement pas compris le sens profond de ma question (ni de ma pensée), Bardet décide de me bloquer irrémédiablement sur WhatsApp. Tristesse infinie.

Une chèvre à Thibaut Pinot observant son maître quelques lacets en contrebas.

4. 22/02/2020 (2ème étape) : Pégomas – Col d’Eze, 175 kilomètres

Avec tout ça, j’ai oublié de vous préciser le résultat de la veille sur les hauteurs de Grasse. Anthony Perez a gagné au sprint devant Anthony Turgis après une longue échappée brillamment menée. Les favoris ont fini à leurs trousses quasiment dans le même temps. Cette deuxième étape dans l’arrière-pays niçois est l’étape reine. Empruntant des routes bien connues de Paris-Nice avec notamment la côte de Levens, le col Saint-Roch ou la côte de Peille chère à Alberto Contador, elle s’annonce décisive.

Dans Peille justement, l’équipe Arkéa-Samsic de Nairo Quintana décide de mettre en route. Ce dernier sort d’une démonstration de force hallucinante la semaine dernière en Provence, où il a explosé le record d’ascension du Mont Ventoux jusqu’au Chalet Reynard. Marco Pantani rayé des tablettes, le petit Colombien confirme qu’il est bien redevenu Nairoman depuis qu’il a quitté l’équipe Movistar, ou plutôt la maison Valverde cet hiver. Dans la montée finale du col d’Eze, il l’emporte par KO en repoussant tous ses adversaires à 40 secondes en seulement 3 kilomètres. Le Tour du 06 et du 83 est joué.

Fâché, Romain Bardet me tourne une nouvelle fois le dos en haut du Mont Faron.

5. 23/02/2020 (3ème étape) : La Londe-les-Maures – Mont Faron, 136 kilomètres

Cette dernière étape s’élance de la Londe-les-Maures où Richard Virenque, l’homme qui semble avoir tout fait dans sa vie à l’insu de son plein gré, a grandi. Depuis qu’il s’est fait virer de la chaîne Eurosport fin 2018, nous ne l’apercevons plus dans le milieu vélocipédique. A notre grand regret tellement nous appréciions ses envolées lyriques, sa pertinente capacité d’analyse comme son respect absolu de la langue française.

La dernière journée de l’ex-Tour du Haut-Var sourit comme vendredi à une échappée. Julien Bernard, le fils de Jeff, remporte son premier succès professionnel au Mont Faron en réglant au sprint son dernier compagnon de fugue Nans Peters. Derrière, Quintana accélère et emmène dans son sillage Bardet et Porte. Thibaut Pinot, lâché à deux kilomètres du sommet, ne finit que sixième de la course, ce qui a le don de l’agacer en vue des prochaines échéances.

Quant à Romain Bardet, deuxième intercalé entre Quintana et Porte, il est naturellement ravi de sa semaine après avoir devancé une fois n’est pas coutume Thibaut Pinot au classement général final. Dans l’aire d’arrivée, un supporter du Franc-Comtois rappelle à l’intellectuel de Brioude que sa publicité pour Levi’s en Sierra Nevada est ridicule comme le fait qu’il n’a bientôt plus gagné la moindre course depuis deux ans. Stoïque, notre philosophe auvergnat lui répond froidement qu’il va écraser le Tour d’Italie 2020 comme le coronavirus.

Nairo Quintana remporte lui sur les hauteurs de Toulon sa deuxième course par étapes en une semaine. Fasciné par sa performance, son manager général Emmanuel Hubert le naturalise breton le soir-même. Hubert euphorique annonce également qu’il le voit gagner Paris-Nice dans deux semaines sur une jambe. En apprenant cela, Julian Alaphilippe déclare depuis le Salon de l’agriculture à Paris, avec Marion Rousse sous le bras, que c’est bien lui le grand favori pour la Course au soleil et non ce tout jeune Nero Kintanec. Face à la cacophonie ambiante, Tony Gallopin tombe une nouvelle fois à la renverse sur son scaphoïde fracturé. Le mois de mars sera chaud.

A propos Thierry Bientz 47 Articles
Après avoir parcouru 250 000 kilomètres à vélo en 20 ans, j'ai décidé de prendre un peu la plume pour raconter le cyclisme...

Commentaires Facebook

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.