Vuelta 2022 : résumé

Il avait abandonné son premier Grand Tour en Italie alors qu’il n’était pas remis de sa terrible chute survenue neuf mois plus tôt dans un ravin du Tour de Lombardie. Quinze mois plus tard, il remporte son premier Grand Tour sur les routes espagnoles. À 22 ans, Remco Evenepoel bouscule les codes et affole les temps de passage. Du départ des Pays-Bas à l’arrivée à Madrid, le jeune prodige belge aura dominé la Vuelta de la tête et des épaules.

La Vuelta en deux mots

Evenepoel and Remco.

L’homme de la Vuelta

Remco Evenepoel. Le jeune Belge est la figure montante du cyclisme mondial depuis 2017. Il ne pratique pourtant ce sport que depuis cinq ans car avant, dans sa jeunesse, il jouait au football sous les couleurs du PSV Eindhoven et du RSC Anderlecht. Le football ayant fini par le lasser, il s’est tourné vers le vélo à l’âge de 17 ans, à l’instar de son adversaire Primoz Roglic, venu lui du saut à ski au cyclisme sur le tard. Passé professionnel précocement à 19 ans, Evenepoel remporte la Clasica San Sebastián dès sa première saison en 2019. Il récidive il y a un mois s’annonçant déjà comme le grand bonhomme de cet été en Espagne. Entre-temps, il aura survécu à une chute effrayante au Tour de Lombardie 2020 qui aurait pu le laisser pour mort dans un ravin aussi profond que le palmarès d’Eddy Merckx. À 22 ans, l’histoire de Remco Evenepoel est déjà un roman à elle seule. Sur cette Vuelta, le leader de la Quick-Step prend le pouvoir dès la première arrivée en altitude, lors de la sixième étape se finissant au Pico Jano. Il ne lâchera plus le maillot rouge jusqu’à Madrid, accroissant même significativement son avance à mi-course sur le seul contre-la-montre individuel à Alicante. Un récital de bout en bout. On l’attend maintenant sur le Tour de France 2023 face à Pogacar et Vingegaard.

Le grimpeur de la Vuelta

Richard Carapaz. Après un Giro frustrant où il a fini par céder dans le money time face à Jai Hindley, l’Équatorien venait pour se racheter en Espagne. Lâché constamment en première semaine, il se tourne rapidement vers les victoires d’étapes pour sauver sa Vuelta. Il en décroche trois en montagne de façon magistrale à Peñas Blancas, sur la Pandera et au col de Navacerrada. Ses deux derniers succès sont décrochés sur le fil, le peloton des favoris venant mourir sur ses talons. Carapaz finit logiquement meilleur grimpeur de ce Tour d’Espagne, bien aidé en cela par l’abandon de Jay Vine à trois jours de l’arrivée alors que ce dernier était en tête du classement de la montagne suite à ses deux succès dans les monts Cantabriques. L’Équatorien, qui n’aura jamais pu imposer totalement son leadership au sein de l’équipe Ineos Grenadiers face à Egan Bernal, quitte l’armada britannique sur une bonne note.

Le sprinteur de la Vuelta

Mads Pedersen. Barré par Wout Van Aert sur le Tour de France malgré une victoire d’étape à Saint-Étienne, Pedersen se rattrape en Espagne. Le plateau de sprinteurs sur la Vuelta y est traditionnellement moins dense, ce qui facilite logiquement ses plans. Le Danois s’impose à trois reprises en deuxième partie de course à Montilla, Tomares et Talavera de la Reina. Comme au Tour de France, son début de Grand Tour est frustrant avec trois deuxièmes places décrochées derrière Sam Bennett aux Pays-Bas et Primoz Roglic au Pays basque. Comme Van Aert, Pedersen n’est pas un pur sprinteur. Le parcours vallonné de la Vuelta l’avantage comparé à celui du Tour de France. Finissant avec plus du double de points que son premier poursuivant, Mads Pedersen est le grand homme vert de ce Tour d’Espagne.

L’abandon de la Vuelta

Primoz Roglic. Le Slovène possède un mental hors normes qui lui permet de se relever constamment de lourdes désillusions. Après avoir dû abandonner une nouvelle fois le Tour de France sur chute, il aborde la Vuelta avec une préparation minimaliste. Sa stratégie est donc de perdre le moins de temps possible en première semaine avant de pouvoir tourner à plein régime dans la deuxième partie de course. Le plan fonctionne assez bien puisque Roglic se pare du maillot rouge de leader dès la quatrième étape après sa victoire au sprint sur une montée courte du Pays basque. Malheureusement, il doit céder deux fois dans la cordillère Cantabrique face aux démarrages au train de Remco Evenepoel. Le leader de la Jumbo-Visma est de nouveau dominé contre-la-montre par le Belge à Alicante, une première sur la Vuelta (il avait jusqu’alors remporté tous ses chronos en Espagne). Pointé à près de trois minutes d’Evenepoel à mi-course, il ne s’avoue pas vaincu pour autant et amorce la remontada en Andalousie sur la Pandera, puis la Sierra Nevada le lendemain. Revenu à une minute et trente secondes du leader de la Quick-Step, une quatrième victoire consécutive sur la Vuelta semble encore possible à une semaine de l’arrivée à Madrid. Malheureusement, le Slovène chute lourdement lors de l’arrivée au sprint de la seizième étape à Tomares. Meurtri dans sa chair, il ne repartira pas le lendemain, laissant le champ libre à un premier succès sur le Tour d’Espagne à Remco Evenepoel. Roglic conclut en Andalousie une saison 2022 décidément maudite sur les Grands Tours.

Les buses de la Vuelta

Julian Alaphilippe et Thibaut Pinot. Les deux Français sont en session de rattrapage en Espagne après une année jusqu’alors difficile. Alaphilippe a connu un printemps catastrophique après sa terrible chute à Liège qui lui a fait manquer le Tour de France. De retour à la compétition fin juillet, il a contracté le COVID-19, ce qui l’a de nouveau perturbé dans sa préparation pour la fin de saison. Il est sur la Vuelta pour décrocher des victoires d’étapes mais rapidement il se retrouve prisonnier de la défense du maillot rouge de son coéquipier et leader Remco Evenepoel. Devant travailler pour lui tous les jours, Julian ne peut pas prendre d’échappée et ne peut donc pas faire briller son maillot arc-en-ciel. Cette situation l’agaçant au plus haut point, il abandonne de façon opportuniste à mi-course sur une chute bégnine. Les médias crient à la saison noire mais l’Auvergnat s’éclipse en douceur dans la voiture de sa compagne Marion Rousse pour rejoindre au plus vite son domicile andorran. Deux jours plus tard, il roule déjà sur home trainer en prévision d’un triplé aux Championnats du monde ! Après être rentré bredouille du Tour de France, Thibaut Pinot court également la Vuelta pour décrocher des victoires d’étapes en marge du classement général. Le problème est qu’il n’arrive plus à prendre une échappée, même sur un parcours vallonné censé l’avantager. Devant seulement à trois reprises, et une seule fois pour la gagne au Colláu Fancuaya après huit jours de course, Pinot rentre de nouveau fanny d’un Grand Tour. Ne plus se battre pour le classement général de la Grande Boucle comme de la Vuelta en 2022 ne lui offre curieusement pas plus d’opportunités de remporter des étapes. Tout cela sent plus ou moins la fin de carrière sans panache dans un an…

L’esthète de la Vuelta

Juan Ayuso. Avec Carlos Rodriguez, Ayuso incarne la relève du cyclisme espagnol après plusieurs saisons de vaches maigres. Passé professionnel en juillet 2021, le jeune Catalan résiste à tout pour son premier Grand Tour à 19 ans. Il est positif au coronavirus à mi-course (comme probablement son équipier Tadej Pogacar sur le dernier Tour de France) mais décide de continuer la Vuelta. Dans la montée de la Pandera, il est victime d’une crevaison à trois kilomètres de l’arrivée qui le contraint à finir l’étape avec un vélo neutre de l’organisation pas à sa taille (photo ci-dessous de l’incident). Il ne perd pas énormément de temps pour autant. Bien soutenu par son équipe UAE et notamment João Almeida, il grimpe sur le podium après l’abandon de Roglic. Ayuso conserve sa troisième place jusqu’à Madrid pour devenir le plus jeune coureur ayant fini sur le podium d’un Grand Tour depuis 1904 et la victoire d’Henri Cornet sur le Tour de France ! Plus précoce encore que Pogacar, Evenepoel ou Bernal, Juan Ayuso sera l’homme à suivre ces prochaines années en Espagne.

La Vuelta des Suisses

Nouveau Grand Tour sans intérêt pour les Helvètes. Vingtième, Gino Mäder est le premier d’entre eux. Cinquième l’an dernier sur ces mêmes routes espagnoles, Gino n’avance plus cette année comme toute son équipe Bahrain Victorious suite aux différentes perquisitions policières menées à travers l’Europe ces derniers mois. 24ème, Sébastien Reichenbach est lui aussi sur la fin pour des raisons différentes. Dans une équipe FDJ vieillissante où Thibaut Pinot finit plus ou moins sa carrière en roue libre, le Valaisan semble lui emboiter le pas. Il n’a d’ailleurs toujours pas trouvé de contrat pour 2023. Son coéquipier, Fabian Lienhard, troisième Suisse engagé sur cette Vuelta, finit lui au-delà des cent premiers.

Et si la Vuelta s’était courue à l’eau claire ?

Comme déjà dit, Vuelta et eau claire n’ont traditionnellement jamais fait bon ménage. Pas plus cette année qu’une autre. Difficile par conséquent de répondre à cette question embarrassante.

A propos Thierry Bientz 47 Articles
Après avoir parcouru 250 000 kilomètres à vélo en 20 ans, j'ai décidé de prendre un peu la plume pour raconter le cyclisme...

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