Romain Bardet, l’intello qui ne gagnait jamais

Avec sa tête de premier de la classe, ses déclarations philosophiques et son auto-satisfaction perpétuelle, Romain Bardet nous endort depuis cinq ans. A constamment tout miser sur le Tour de France, l’Auvergnat ne gagne quasiment rien. Et sa carrière défile.

En ce dimanche 31 mars, il fait beau sur Barcelone. Le dénouement tant attendu du Tour de Catalogne 2019 va se jouer dans la fameuse côte de Montjuïc, à escalader huit fois, comme le veut la tradition chaque année. Romain Bardet s’est élancé ce matin de la capitale catalane en huitième position au classement général, loin de ses prétendues ambitions affichées du début de semaine. Mercredi, il a calé dans les gros pourcentages de Vallter 2000. Jeudi, il n’a pas davantage pesé en direction de La Molina. Les deux grosses étapes de montagne pyrénéennes étant passées, son sort semble inéluctablement jeté. Il va encore finir loin des meilleurs sur une course par étapes d’une semaine.

Quinze jours auparavant, il nous avait enfumé de la même façon sur Paris-Nice. Après avoir résisté miraculeusement dans la plaine balayée par le vent avec l’aide de ses coéquipiers flandriens Oliver Naesen et Stijn Vandenbergh, l’intellectuel d’AG2R La Mondiale nous avait promis la grande bagarre dans l’arrière-pays niçois. Sur le difficile col de Turini censé être son terrain de jeu de prédilection, il avait suivi péniblement dans les roues… avant d’exploser à deux bornes du sommet sans n’avoir jamais rien tenté. Dans la foulée, il avait été transparent sur un Milan-Sanremo remporté de haute volée par Julian Alaphilippe. Gardait-il ses forces pour cette nouvelle Volta a Catalunya ?

Les hivers se suivent et se ressemblent donc pour Romain Bardet. Il n’y réussit jamais rien de fantastique depuis le début de sa carrière, mais manque rarement l’occasion d’ouvrir sa gueule d’intellectuel insupportable. Comme sur Paris-Nice 2017 où, après une chute stupide lors de la première étape dans les Yvelines, il ne trouve rien de mieux que de se faire remorquer à 70 km/h par la voiture de son directeur sportif Julien Jurdie, comme Vicenzo Nibali un an et demi plus tôt sur le Tour d’Espagne 2015. Le jury des commissaires l’ayant pris en flagrant délit, l’organisateur A.S.O n’a d’autre choix que de le renvoyer prématurément à la maison, lui et son érudit de manager. Le soir-même, Bardet nous sort alors ses meilleures tirades, aussi pompeuses qu’insupportables, sur les réseaux sociaux qu’il affectionne tant.

Quand Romain le philosophe du soir succède à Bardet le tricheur du jour…

Cette année, Bardet a fini Paris-Nice à la cinquième place sans s’accrocher à quoi que ce soit, mais sans également jamais peser sur la course. Il allait ensuite terminer huitième de ce Tour de Catalogne lorsqu’il tomba violemment à 40 kilomètres de l’arrivée dans la descente à tombeau ouvert de Montjuïc. Groggy comme un boxeur à même le ring, il ne se relèvera pas, préférant abandonner que sauvegarder une nouvelle place anecdotique au classement général. Souffrant de diverses plaies et contusions thoraciques, son début d’année 2019 laborieux s’arrête donc brusquement dans la ville des prodiges dont il ne fait clairement pas partie, n’en déplaise à Edouardo Mendoza !

Né à Brioude, en Haute-Loire, à l’automne 1990, d’un père instituteur et d’une mère infirmière, Romain Bardet grandit dans le calme profond du Massif Central. Il se révèle en finissant quinzième et premier Français du Tour de France 2013, suite à l’abandon sur chute de son leader Jean-Christophe Péraud. Il dispute alors sa première Grande Boucle à seulement 22 ans et demi. Avec sa gueule d’ange et son air de premier de la classe, la France tombe immédiatement sous le charme de cet Auvergnat au premier abord sympathique. Bardet est jeune, beau, s’exprime bien face aux caméras et place toujours le collectif avant l’individu. Il vient d’emménager dans un appartement spacieux à Royat, agglomération chic de Clermont-Ferrand, dans la montée du puy de Dôme, avec sa femme Amandine, experte en micro-nutrition qui s’évertue à ne pas le faire manger pour le rendre plus performant (1m85 pour 65 kilos, qui dit mieux pour un grimpeur ?). En marge de sa vie de coureur cycliste, il décroche un Master à l’école de Management de Grenoble, ce qui le place directement en opposition avec le soi-disant terrien demeuré Thibaut Pinot, né comme lui courant 1990.

Pour effectuer des wheeling comme Sagan, Romain ne s’accroche pas à la voiture de son boss !

La France, en mal de champions cyclistes comme de rêves depuis quinze ans, crée d’emblée une rivalité entre Bardet et Pinot afin de réveiller la nostalgie du duel Anquetil – Poulidor des années 1960. Mais si l’Auvergnat régale dans ses envolées lyriques, il ne gagne quasiment aucune course, à l’inverse de son adversaire Franc-Comtois qui préfère l’action à la belle phrase. Chaque année depuis 2014, Bardet s’entête à axer toute sa saison sur le Tour de France en négligeant le reste. Même s’il finit deux fois sur le podium de la Grande Boucle (deuxième en 2016 suite à un coup de Trafalgar dans la descente détrempée de Domancy, troisième en 2017 à la pédale in extremis après un contre-la-montre final catastrophique dans les rues de Marseille), il doit se contenter la majorité du temps de simples accessits quand Thibaut Pinot puis Julian Alaphilippe lèvent régulièrement les bras de janvier à octobre.

L’an passé sur le Tour, l’Auvergnat passe complètement à côté en finissant sixième sur les Champs-Élysées. Impuissant face au train Sky comme aux rouleurs-grimpeurs Dumoulin et Roglic, il refuse malgré tout de se réinventer. Après une réflexion de façade cet hiver avec sa direction managériale auto-satisfaite par nature, il évoque un tant soit peu le Tour d’Italie comme alternative à la grande messe de juillet, puis se rétracte à l’annonce officielle des parcours. En effet, le Giro 2019 comportera près de 60 kilomètres de contre-la-montre. Même sur des reliefs accidentés, cela est beaucoup trop pour le rachitique Bardet. Incapable de rouler fort seul face au chronomètre, comme de sprinter en petit comité pour la gagne, il semble condamné à ne pouvoir remporter aucune course mythique du calendrier (ses seuls faits d’armes l’an passé sont une deuxième place aux Strade Bianche battu par Benoot, une troisième place à Liège-Bastogne-Liège réglé au sprint par Woods, et une médaille d’argent au Mondial d’Innsbruck encore dominé au sprint par Valverde).

Seul à l’entraînement, Bardet arrive parfois premier en haut de la montagne.

A l’inverse, A.S.O, qui rêve d’un successeur à Bernard Hinault depuis 1985, lui dessine chaque année un Tour de France toujours plus à sa convenance : c’est-à-dire une Grande Boucle avec très peu de contre-la-montre et de la haute montagne à outrance. Mais même porté sur un coussin d’air demain, ou tracté par la Ferrari d’un Bjarne Riis hier, l’homme aux sept minuscules victoires chez les pros (dont un seul classement général, le redoutable Tour de l’Ain 2013 à ses débuts) ne gagnera pas. Calamiteux rouleur et piètre sprinteur à bientôt 29 ans, l’intellectuel Bardet n’a maintenant plus que sa rhétorique et sa mèche rebelle pour faire rêver les foules…

A propos Thierry Bientz 47 Articles
Après avoir parcouru 250 000 kilomètres à vélo en 20 ans, j'ai décidé de prendre un peu la plume pour raconter le cyclisme...

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2 Commentaires

  1. Encore un cyclix à qui on a laissé la plume pour faire un essai comme pigiste. Le même probablement qui va nous expliquer que le « terrien Pinot » va gagner le tour.

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