Rennes, l’éternel apprenti de la ligue 1

La ligue des zéros a pour but de vous offrir un état des lieux régulier sur le football français. Ce mois-ci, je me propose de vous faire un éclairage particulier et de commenter l’actualité sportive du Stade rennais, club qui a accueilli bon nombre de nos compatriotes.

Tout est bon dans le breton ?

Rennes a souvent été terre d’accueil pour les joueurs helvétiques désireux de se frotter à un niveau plus exigeant et plus physique que le championnat suisse. Certains auront laissé une trace dans la mémoire collective du club comme Alexander Frei, auteur de 52 buts en 117 matchs et encore très apprécié parmi les supporters du club, ainsi que Gelson Fernandes après 101 matchs de bons et loyaux services. D’autres en revanche ont eu une expérience plus mitigée. Je n’aime pas tirer sur l’ambulance mais Julian Esteban, ex-grand espoir du football romand, dont le nom doit raviver de jolis souvenirs aux Genevois, a réussi à obtenir lors de son passage, le joli sobriquet de « Esteban de touche » non pas à cause de performances médiocres, mais en raison de ses nombreuses blessures. Au moins grâce à lui, l’équipe médicale du club était parfaitement aguerrie pour le retour de Yoann Gourcuff quelques années plus tard. Citons également un joueur bien connu des Lausannois, Alain Rochat qui aura tenté son unique expérience européenne dans ce club où il vécut une saison compliquée. Pour sa défense, il est délicat de prétendre à une place de titulaire quand nos coéquipiers en défense centrale s’appellent Bourillon et Ouaddou.

Ils ont des ballons ronds, vive la Bretagne ! Ils ont des pieds carrés, vive les Bretons !

Il y a quelques années, dans un éclair de rare lucidité, Patrice Evra, le footballeur-philosophe, avait avancé une théorie pertinente pour expliquer la large victoire de son équipe, Manchester United, contre Arsenal sur le score de 3-1. Selon lui, c’était « une rencontre de 11 hommes contre 11 enfants. […] En football, ce n’est pas le tout de bien jouer au ballon. Il faut gagner des titres. » Peut-on appliquer ce modèle théorique pour tenter de comprendre ce club qu’est le Stade rennais ? C’est un pas que j’ose allègrement franchir.

Le stade Rennais c’est quoi ? Les esprits chagrins vont avancer que les Rennais ont forgé leur légende en s’appuyant principalement sur un palmarès vierge. Certes, en 116 ans d’existence il est compliqué d’aller jouer à « qui a la plus grosse » avec seulement deux misérables coupes de France glanées en 65 et en 71. Evra a raison, à un moment donné, il faut gagner des titres. Et pour en gagner en L1, la recette est assez simple. Le PSG est un vrai maître-artisan dans le domaine : avoir des liquidités qui permettent d’acheter de bons joueurs confirmés. C’est là tout le problème des Bretons. C’est un bon club formateur qui tente de vendre ses étoiles montantes au meilleur prix. Les coupes Gambardella gagnées ces dernières années sont là pour le prouver. Le problème ? Ils utilisent leurs liquidités pour acheter des chèvres.

Des flops coûteux, le Stade rennais en a pour son compte, de Mario Turdo à Bangoura, en passant par Luis Fabiano. Jusqu’au plus gros échec de tous : le Brésilien Lucas Sévérino. Acheté en 2000, à une époque où le propriétaire François Pinault était plus souple sur les dépenses. Précédé d’une flatteuse réputation, l’attaquant auriverde a signé à 21 ans, pour une indemnité record de 21,3 millions d’euros. Il n’en a jamais assumé la pression. Il est décidément dur d’être une locomotive en ligue 1.

 

Avant de partir pour Bordeaux, Benoît Costil a tenu à poser avec tous les trophées remportés en six ans à Rennes.

À de nombreuses reprises, le club breton a eu l’occasion de frapper un grand coup au classement et de s’installer dans la lutte pour le podium mais, de manière incompréhensible, les joueurs se sont écroulés contre des adversaires directs. La sauce ne prend pas car les joueurs confirmés n’arrivent pas à sublimer les futures jeunes pousses du club. Frédéric Antonetti, ancien entraîneur des rouges et noirs a résumé maintes fois le mal-être du club par ces maux « C’est l’apprentissage du très haut niveau. Avec une équipe plus expérimentée, on aurait au moins fait match nul. […] Ce genre de confrontations doit nous faire franchir un cap. »

La saison 2006-2007 résume à elle seule le tragique destin de ce club : le jour où Rennes a été qualifié 20 minutes en LDC. Une histoire qui n’appartient qu’à la L1. Lors de cette saison, le suspens pour le titre était inexistant. Lyon domine outrageusement le championnat avec ses 88 points et termine avec 17 points d’avance sur son poursuivant Marseille. Les deux premières places sont verrouillées lors de la dernière journée. En revanche une lutte féroce fait rage entre Toulouse, Rennes, Lens et Bordeaux pour accrocher le troisième ticket de la LDC, compétition que Rennes n’a jamais eu l’honneur de goûter.  Lille reçoit Rennes, Bordeaux va à Toulouse. Et puis Lens va à Troyes. Si Rennes gagne et que Lens et Bordeaux perdent, Rennes terminera la saison sur le podium. À la 71e minute, Bordeaux et Lens sont balayés (3-0). À la 74e, Rennes ouvre le score. L’impensable se produit : Rennes va se qualifier pour les barrages de la Ligue des champions. Pourtant le club a une réputation à tenir, celle d’un club qui brille par ses rendez-vous manqués. La Bretagne n’est pas une région ensoleillée et, à vouloir trop s’approcher du soleil, on se brûle. Nicolas Fauvergue va leur rappeler cette triste réalité en les crucifiant à la 92e minute.

Une saison sous le signe de la renaissance ?

Revenu ces dernières années à une politique de transferts plus sage (le dernier gros achat du club fut Erding pour 6.6 mio), le comité directeur semble s’être profilé sur un modèle de gestion à la mode : promouvoir les jeunes et tenter d’attirer un nouveau public dans le stade. Il faut dire qu’ils y ont mis les moyens que ce soit par l’utilisation de médias modernes ou par des promotions innovantes et subtiles.

Le club rennais se mue en Don Juan pour séduire ces dames.

Les caps en Bretagne, ils connaissent bien. Cette année sera-t-elle la bonne pour le club ? Parviendront-ils enfin à passer ce fameux cap dont parle Antonetti et naviguer vers les sommets ? Le début de saison semble indiquer que non. Le bateau rennais semble plutôt naviguer en eaux troubles. Après 11 journées, Rennes stagne péniblement à une 13ème place, bien loin des objectifs initiaux du club, malgré deux victoires en championnat lors des 2 dernières journées sur les scores faméliques de 1-0. Si ce redressement peut sembler positif, il n’occulte en rien la tourmente dans laquelle était plongé le club au début du mois d’octobre.

Rennes au bout du Ruello

L’événement qui a frappé en octobre le Stade rennais a tous les ingrédients d’un épisode de « Top Model » : un flou artistique, des acteurs pas au niveau, sur fond de lutte de pouvoir en haut de l’organigramme. En effet après une énième défaite au Roudourou contre le rival Guingamp 2-0, le président Ruello a utilisé la tactique habituelle pour justifier le résultat d’une équipe à la dérive : critiquer l’arbitrage. Critiquer quand c’est constructif c’est bien, mais traiter l’arbitre d’imbécile était le pas de trop. Ces propos étant inacceptables, le propriétaire du club, le richissime François Pinault, décida de faire le ménage en débarquant, et le président Ruello, et l’entraineur Gourcuff dont les supporters réclamaient la tête. À force de jouer en L1 sans trop savoir pourquoi, le club courait le risque d’une grosse sanction sportive et était très proche de la zone rouge. L’affaire aurait pu en rester là, car c’est un épisode courant de la vie d’un club. Seule la loi du totomat compte après tout. Mais chose improbable, on apprenait le lendemain que l’entraîneur menait son effectif comme si de rien n’était, tandis que le président allait toucher un mot aux joueurs dans les vestiaires. À ce jour, ils n’ont toujours pas été débarqués. La raison est simple, François Pinault est en désaccord avec son fils sur le cap à suivre pour le club. Difficile donc d’y voir clair pour savoir qui est à la barre du club.

Cette saison semble s’aligner sur toutes les autres, à moins d’un exploit en coupe : une traversée du désert vide de titre. Quand la raison ne suffit pas à comprendre les causes des nombreux échecs de ce club, le cœur doit s’exprimer. Et pour cela je laisserai le mot de la fin à ce qui est peut-être le plus agréable à regarder quand on se déplace au Roazhon Park, l’actrice Salma Hayek, femme du propriétaire et supportrice numéro un du club « Contre les équipes moyennes, on ne joue pas très bien et contre celles qui sont plus fortes que nous, sur le papier, on est bien meilleurs. […] C’est incompréhensible. Mais je ne perds pas espoir. » – « Nous oui ! » auront envie de répondre les supporters avec raison.

Joie des supporters après avoir obtenu un bon 0-0.

Rennes va donc parvenir à consolider une année de plus son statut de club de la loose mais continuera à faire rire le reste de la France et en particulier les Nantais. Et finalement c’est peut-être ça être rouge et noir !

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