Au PSG il y a le Cheikh, à Monaco il y a l’échec.

Après une saison 2017-2018 réussie en terminant deuxième derrière l’intouchable PSG, l’AS Monaco souhaitait poursuivre sur sa belle lancée. En août 2018, Rony Lopes, un des joueurs les plus décisifs du précédent exercice affichait alors ouvertement les ambitions du club : « l’AS Monaco est un club qui veut être sur le podium. Tous les joueurs ont le même objectif ici : progresser ». Six mois plus tard, le club a réussi l’exploit de finir derrière Bruges dans son groupe de Ligue des Champions, être menacé de relégation et éliminé des deux coupes nationales. Atteindre l’objectif initial semble tout de suite plus compliqué. Supporters monégasques ne perdez pas espoir ! Le sommet de la Ligue 1 n’est qu’à 16 places !

Mieux s’élever pour mieux chuter. Monaco semble en avoir fait son adage. Du sommet de son rocher, le club s’est peut-être vu trop beau et a pris de haut ses adversaires. Avec un effectif solide sur le papier, une opposition toujours aussi faiblarde quand on regarde les effectifs des clubs de bas de tableau, malgré toutes ces embûches sur le parcours de la loose, cette année Monaco sait faire preuve d’une abnégation qu’on pensait réservée aux joueurs de tennis français pour arracher une série de défaites et de nuls mortifiante. Comment en est-on arrivé à un tel décalage entre les ambitions de début de saison et un bilan à mi-parcours aussi catastrophique ? Tentative de réponse.

Jardim, acte 5. C’était bien une des seules choses stables de ce bateau en perdition, naviguant à vue, qu’est devenu l’ASM. Supporter Monaco, c’est comme être l’élève qui change de collège à chaque rentrée. Il appréhende, sans trop se plaindre et il s’adapte. L’été passé, pour la 5ème saison d’affilée, Léonardo Jardim tenait la barre d’un Monaco à nouveau sacrifié de ses meilleurs joueurs et renforcé de joueurs très jeunes mais prometteurs dans le but d’en obtenir une plus-value intéressante à la revente. Jardim subissait ce modèle économique. On lui prédisait chaque année l’enfer et la fin de l’euphorie mais lui s’en tirait toujours. Il feignait de craindre la catastrophe mais finissait toujours par extraire du rocher une pépite qui n’en était pas encore une. Et malgré cette frilosité tactique qui le rattrapait parfois, malgré ce refus de faire jouer au ballon sa défense centrale, malgré les nombreuses choses tactiques qu’on pouvait lui reprocher, tant qu’il était maître à bord, il était permis aux supporters monégasques de sourire et garder espoir. Et à raison. C’est lui qui a porté Monaco lors de campagnes européennes épiques. C’est lui qui a réussi l’exploit d’interrompre une série de titres nationaux qui tendait les bras au PSG. Les joueurs fluctuaient au gré des saisons mais Jardim était toujours là. Et le succès aussi.

Si Jardim n’est en rien la cause de cette déchéance, alors à qui la faute ? Ce modèle économique cité plus haut fut probablement à l’origine des nombreuses lézardes qui ont érodés petit à petit le rocher monégasque. Le club paie aujourd’hui une politique sportive insensée et un modèle économique sans avenir. L’ivresse des victoires et des ventes de jeunes à prix faramineux est passée. Place à la gueule de bois. Monaco possède certes une excellente académie, jouit d’une excellente réputation de club formateur et a du flair pour la détection des pépites. Mais à qui le doit-on ? Jardim pouvait durant les premières saisons s’appuyer sur l’excellent réseau dont jouissait son compatriote Luis Campos, alors directeur sportif, pour dénicher les talents rares. Mais ce dernier est depuis parti à Lille et son remplaçant, le nigérian Michael Emenalo, n’avait visiblement pas le même flair pour dénicher les jeunes pousses. Lille est aujourd’hui deuxième de L1. Coïncidence ? Ce n’est pas non plus en vendant les meilleurs joueurs, saison après saison qu’on s’assure d’avoir une équipe aussi compétitive l’année suivante, surtout si les nouveaux venus sont des paris ratés. Qui le club va-t-il vendre l’année prochaine ? Un Falcao vieillissant ? Un Glik en perte de vitesse ? Ou un Tielemans pourtant prometteur mais qui semble traîner son spleen semaine après semaine dans un système de jeu brouillon. Ce n’est pas non plus la billetterie du club qui va renflouer les caisses. L’ASM souffre du syndrome de la « Pontaise » en sonnant creux chaque semaine.

Un soir de derby.

Problème supplémentaire : la manne de la Ligue des champions ne tombera plus quand les Monégasques seront dans le désert. Ils avaient touché 64,7 millions en 2016-17 et 46,6 millions en 2017-18, de jolies sommes quand on a une masse salariale qui atteint les 100 millions. Le propriétaire Dimitri Rybolovlev, milliardaire russe, pourrait subvenir au besoin du club. Mais il est confronté, comme tant de mécènes, aux limites du fair-play financier. Et il n’a pas la puissance d’un Etat pétrolier pour faire plier la FIFA.

Concrètement ces choix de la direction furent un terreau fertile pour toutes les décisions sportives ridicules prises cette année, toutes les claques et les humiliations subies à Louis II et à travers les terrains de France, tous ces recrutements insensés qui ont abouti à ce fiasco. Jardim a démarré cette saison avec une équipe expérimentale, composée de nouveaux venus au talent encore bien incertain et d’anciens, revenus de Coupe du Monde cramés ou blessés. Lorsque l’équipe part à la dérive, c’est le capitaine du bateau qui saute. Jardim n’est plus l’homme de la situation ? On va dénicher un jeune loup aux dents longues, Thierry Henry, ancien de la maison mais encore novice dans ce métier. Adjoint de Martinez lors de la dernière Coupe du Monde, on espère un nouveau Zidane. On attend le déclic tant attendu. Mais le miracle ne se produit pas. Le mal est plus profond. Henry a ses torts. On sent qu’il ne maîtrise pas la situation. Ses conférences de presse se ressemblent. Ses excuses sont redondantes. Son langage n’est pas à la hauteur de l’homme. Il perd vite ses nerfs. Et la farce se poursuit. A la suite d’une énième défaite, il est remercié. Thierry Henry n’était pas la solution à ce fiasco. Il n’en est pas la cause non plus. Et la mascarade continue. Henry est remplacé par ? Leonardo Jardim ! L’ASM ou la farce d’un coach qui revient quand il n’aurait jamais dû partir et d’un autre qui part quand il n’aurait jamais dû arriver. La plus grosse carotte footballistique. 8 millions d’euros d’indemnités il y a 3 mois, 15 blessés et pas de recrues ! Il revient avec tout un groupe disponible, des recrues hivernales au talent confirmé et une augmentation salariale. Certains prétendent que Monaco est un paradis fiscal. Avec les trois mois de congés payés à 8 millions d’euro, on peut même taxer ce club de paradis social.

Jardim après la signature de son contrat.

Aujourd’hui, Monaco se traîne à une piteuse 16ème place, indigne de son rang. Après 25 matches, le club ne comptabilise que 22 points. Certes une série récente de bons matches leur a permis de quitter la zone rouge. Mais l’hypothèse de la relégation reste tout de même plausible. Car dans ce championnat tout est possible. Et c’est peut-être là la chance de l’ASM. Compter sur la médiocrité ambiante et l’inconstance des autres clubs de L1. Avec le mercato hivernal qu’ils sont en train d’effectuer (Fabregas, Vainqueur, Naldo, Silva), le club a tout pour sortir de ce bourbier. Le président a récemment fait tomber le couperet en désignant son vice président Vadim Vasilyev comme étant responsable de ce fiasco et en le poussant à la démission. Et si les Monégasques ne se sauvent pas, ils feront au moins des heureux. Grâce à Monaco, la saison de l’OM paraîtra moins ridicule et rien que pour ça, les Marseillais peuvent remercier chaudement les dirigeants monégasques.

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