Tchao pantin !

Trop souvent certaines nouvelles passent sous silence, emportées par le flot continu de news footballistiques en tout genre. Au début de l’année, la L1 perdait un véritable magicien dont ce championnat manque cruellement. Un joueur susceptible de faire basculer un match d’un geste improbable. Un athlète capable de faire dire aux plus sceptiques que finalement il y a encore du beau dans ce sport. Arrivé sur la pointe des pieds l’été passé à Dijon, il en repart de la même manière. D’un commun accord, le DFCO et Yoann Gourcuff décident de mettre fin à leur collaboration. Retour sur le parcours de ce joueur au talent incontestable qui eut comme défaut d’avoir un corps refusant le haut niveau.

Qu’est-ce que cette nouvelle nous a appris ? Tout d’abord que Gourcuff était un joueur de Dijon. Vu son faible temps de jeu, il était permis de l’oublier. De Dijon, il a plus connu les murs de l’infirmerie que ceux des vestiaires. Ensuite que sa carrière n’a été qu’un immense gâchis marqué du sceau de la frustration. Certes ce n’est peut-être pas la fin. Après tout Yoann n’a que 32 ans. Il est sans doute trop tôt pour tirer sur l’ambulance qui si souvent accompagna Gourcuff aux urgences des différents hôpitaux de France. Mais quel club sensé accepterait aujourd’hui de prendre le risque de recruter un joueur qui fut si souvent trahi par son corps ? Peut-être le LS d’il y a quelques années, alors terre d’accueil pour joueur français en manque de temps de jeu et de reconnaissance. Ce club aurait pu alors tomber dans ce piège grossier. Mais cette époque est désormais révolue sur les bords du Léman. Ils achètent toujours des tocards mais au moins ils sont Suisses.

C’est une étrange et farouche destinée que celle de Yoann Gourcuff. Milieu de terrain racé, joignant l’intelligence de jeu au talent, Gourcuff devint une étoile montante sous le maillot rennais. Ses plus fidèles supporters lui attribuèrent le surnom de « magicien ». Il mit tout le monde d’accord dans les ménages. Par ses beaux gestes il conquit le cœur des nombreux esthètes de la L1 et par son joli minois celui de la gente féminine. Pour la première fois de sa longue histoire, des observateurs de clubs étrangers tournèrent leur regard sur le stade de la route de Lorient. Ses solides prestations attirèrent l’intérêt du Milan AC qui le fit signer en 2006.

De « nouveau Zidane » à Gourbluff

Sa carrière ne demandait alors qu’à s’envoler. Si son talent était indéniable, seul le mental qui sublime les joueurs de haut niveau était encore à prouver. Il parvint néanmoins à faire de bons débuts sous ses nouvelles couleurs. Mais obtenir une place dans un milieu aussi surchargé d’étoiles n’était pas chose aisée. Yoann se vit bloqué par des milieux de très grande qualité comme Kaká, Clarence Seedorf, Andrea Pirlo, Gennaro Gattuso, ou encore Massimo Ambrosini, et n’arriva pas à s’imposer au sein de l’effectif du club. Le natif de Ploemeur se vit ainsi reléguer sur le banc milanais. Sa cote commença alors à baisser. L’arrivée de Ronaldinho signa sa fin sous le maillot des Rossoneri. Il fut prêté à Bordeaux pour tenter de le relancer.

Et le pari fut gagnant. Il fit totalement oublier Johan Micoud du côté de la Gironde. À la fin de la saison, il fut dans le top dix des meilleurs buteurs du championnat de Ligue 1, où ne figuraient à part lui que des attaquants, en inscrivant douze buts. En octobre 2009, il se trouva dans la liste des trente nominés pour le Ballon d’or, et finira vingtième du classement, et deuxième meilleur français. Le nouveau Zidane était de retour, plus en forme que jamais.

C’est lors de son passage à Lyon (2010-2015) que la chance abandonna le jeune prodige. L’OL voulait recruter un joueur offensif au charme et aux techniques ravageurs. Ils n’obtinrent qu’un grand corps malade. Le physique n’a pas suivi. Plus il se blessait, plus il développait une peur de se blesser. Le public et les supporters commencèrent à se lasser. La presse transalpine lui attribua le joli sobriquet de Gourbluff. Un joueur dont les promesses ne sont jamais tenues. La Gazetta se gaussa en rappelant que le joueur transféré alors pour 22 millions s’était fait piquer sa place par Grenier. Son entraîneur Lacombe l’aurait surnommé le « cancer » en raison de son prix faramineux, son salaire de 400’000 euros par mois par rapport à son faible temps de jeu et ses performances.

Image rare de Gourcuff sur un terrain avec un survêtement de l’OL

Il aspira par la suite à quitter la lumière des grands clubs pour retrouver le jeu et le plaisir de jouer dans des clubs moins exposés médiatiquement. Il partit ainsi se réfugier à Rennes sous la houlette de son père, puis tenta une expérience à Dijon. L’amour du jeu. C’est précisément ce qui mena l’international tricolore en Côte-d’Or, l’été dernier. Car si l’association du Breton et du club bourguignon sonnait un peu faux sur le papier, dans les faits, celle-ci n’avait pas grand-chose de déconnant. À Dijon, Gourcuff mettait les pieds dans un club stable, sans histoires, au degré de pression limité.

Quant à sa carrière internationale, son talent lui ouvrit les portes de la sélection tricolore. S’il joua tout de même 31 matchs, son adaptation dans le groupe n’était pas un rêve bleu. En sélection nationale, Yoann Gourcuff a connu des débuts flamboyants, avant sa sélection à la coupe du monde 2010 en Afrique du Sud, où cette fameuse grève des joueurs a choqué toute la France. Pendant cette compétition, la star du championnat français n’avait pas la cote auprès de tous ses coéquipiers. Il entretint notamment une relation tumultueuse avec son partenaire Ribéry. Et comment aurait-il pu en être autrement ? Si l’on excepte le football, tout opposait ces deux personnalités. Ribéry, voyant en Yoann un homme fort, dont l’intellect était trop puissant pour le réceptacle trop étroit qui lui sert d’esprit, oublia les bêtises et comprit que, si la plupart des joueurs feignaient de l’apprécier, il n’avait pas la même influence sur Gourcuff. Le coq gaulois n’était tout puissant que sur son fumier.

Le Breton était né 30 ans trop tard. Joueur d’un autre temps, il se serait régalé à l’époque des Tigana, Platini et autre Giresse. On ne pouvait lui reprocher qu’une chose, celle de préférer le jeu au strass et aux paillettes du star système. Contemporain d’une génération de footballeurs à jeter, il n’eut comme seul tort que d’accaparer un peu de lumière à ceux qui voulaient briller. Il fut maltraité, détesté, honni par ses pairs en équipe de France. Il n’était pas comme eux. Il préférait sans doute parler football plutôt que filles faciles, voitures et marques de luxe. Joueur offensif sur le terrain, il s’est replié en défense dans les vestiaires. En équipe de France, il était alors mal vu d’avoir une bonne éducation, une certaine intelligence et une discrétion sur sa vie privée.

Relire le parcours sportif de Gourcuff, c’est ouvrir un carnet de santé. Cela faisait quelques saisons déjà que l’on sentait que le corps de Gourcuff cherchait à pousser sa carrière vers la fin, mais il semblerait qu’il n’arrivât pas à trouver la sortie. Quelle divinité retorse a-t-il bien pu froisser pour permettre tant de cruauté ? Pourquoi permettre la torture d’un malheureux ? Un si long supplice ne devait-il donc jamais s’arrêter ? Voilà 8 ans qu’il lutte avec son corps. Pourquoi refuser ce qu’ils demandent, lui et ses supporters ?

Arrivée de Yoann au stade avec son véhicule de fonction.

Pourtant la postérité gardera de ce sportif une image exaltante, car ce joueur, exclu du Ciel par ses contemporains, a su trouver grâce auprès d’une partie de supporters amoureux des joueurs ayant plus de 100 mots de vocabulaire et cultivant une certaine discrétion hors des caméras. Puisse-t-il être ainsi sauf et heureux !

Répandez-vous en pleurs !
Frappez-vous le sein !
Qu’une sinistre clameur
Résonne dans son jardin.
Il est tombé
Le bien doué
Lui pouvait grâce à son pas agile
Surpasser les joueurs les plus subtils
De son dribble il pouvait disperser
Les défenses les plus acérées.
Mais son corps n’était pas assez sûr
Et l’achevèrent ses nombreuses blessures.

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