Clubbing : le guide du championnat de Russie

Après plusieurs mois d’absence, clubbing revient. Enfin, pour un article au moins. Trois ans ou presque après la dernière compétition réunissant les meilleures sélections nationales du monde en Russie, on a justement décidé de s’intéresser au plus grand championnat du plus grand pays du monde : la Premier Liga russe. Maintenant, tu comprends mieux pourquoi il y a un ours en en-tête de cet article.

Non, on n’avait aucune raison valable d’aborder ce championnat. Il est vrai que globalement la Russie souffre un peu du désintérêt du public occidental, tant au niveau sportif que culturel. Sans doute l’influence de l’Amérique. Il y a ces histoires de dopage bien évidemment, mais aussi cette profonde conviction que ce qui se fait tout à l’Est de l’Europe n’est pas tellement intéressant. On pense constamment qu’il y fait froid, que les gens sont tous alcooliques (ça on trouve presque valorisant), qu’ils ne rigolent pas et qu’ils sont bobets au point d’aimer Vladimir Poutine. Alors pour réparer cette injustice, car tout ceci n’est pas vrai (mais un peu quand même), on va tenter de brosser le portrait du championnat d’un pays qui me fascine au plus haut point depuis ma tendre enfance (à égalité avec la Papouasie-Nouvelle Guinée, je précise).

Le format :

Du très classique. Un championnat ordinaire à 16 équipes, avec deux relégués (et un potentiel troisième après un barrage). L’originalité qui faisait que la compétition se disputait sur une année civile a disparu en 2010, afin de se calquer sur le calendrier officiel de l’UEFA. Du coup, la saison 2011-2012 avait duré 18 mois. Un changement qui contraint parfois de disputer des rencontres au mois de décembre ou de février, lorsqu’il fait -20 degrés. Si le maillot à manches longues a disparu au profit du fameux sous-pull du footballeur, il n’est en revanche pas rare de voir des gardiens disputer des rencontres avec un bonnet et ça c’est génial.

La compétition :

Chaque saison, l’ensemble des clubs de première division prie collectivement pour qu’aucune équipe d’Extrême-Orient n’accède à l’élite. Des déplacements de 6’000 kilomètres ça fait un peu long. Imagine que ton équipe préférée ait un déplacement à New York chaque année. Heureusement, ce cas de figure ne s’est plus présenté depuis 2017 (avec le SKA Khabarovsk), mais Vladivostok a eu longtemps une équipe en première division, ce qui faisait vraiment chier tout le monde.

Un championnat qui était promis à un grand avenir il y a quelques années, mais qui a tendance à faire du surplace en tout cas au niveau européen. Il faut dire que le football russe est un monde à part, relativement fermé et assez méconnu chez nous. Dès 2015, des règles visant à restreindre le nombre de joueurs étrangers sont entrées en vigueur. Désormais, ce sont huit joueurs « étrangers » qui peuvent être compris dans l’effectif de chaque équipe. Les joueurs arméniens, kazakhs, biélorusses et kirghizes ne sont pas comptabilisés parmi les « étrangers », puisqu’on les considère simplement comme des Russes ratés. Une règle qui peut créer une certaine stagnation et un manque d’intérêt de l’étranger, mais qui assure un certain développement aux footballeurs russes.

Outre de longs déplacements, le championnat russe est actuellement une histoire de rivalité entre les équipes moscovites et la nouvelle coqueluche du football russe : le Zenit. Même si les équipes issues de ces deux villes dominent le championnat ces dernières années, certains clubs dits provinciaux parviennent également parfois à jouer les trouble-fêtes. On pense notamment à Krasnodar, Rostov et même le Rubin Kazan. Des villes avec une forte identité régionale où l’on est particulièrement fier de battre les moscovites de la capitale. Un peu comme on le serait n’importe où en France en battant le PSG, mais ça n’arrive jamais.

L’ambiance :

En Russie, on a décrété que les stades pouvaient accueillir des spectateurs, malgré la pandémie. L’alcoolisme fait sans doute plus de ravages que le virus dans ce pays. Alors certes, les tribunes ne sont pas remplies à ras bord et en théorie des distances de sécurité doivent être respectées. Cependant, si tu veux voir du football avec des vrais spectateurs et une vraie ambiance, c’est bien du côté de la Russie qu’il faut se tourner en ce moment.

De manière générale, le football est populaire en Russie. Pas autant que le hockey et sans doute le MMA, il faut croire qu’on adore voir des mecs se taper dessus dans ce pays. Toutefois, le ballon rond est assez suivi pour que la plupart des clubs comptent de vrais ultras, même si cette manière de supporter est relativement récente à cause de l’époque soviétique (où c’était interdit). Mention spéciale au Zenit et au Spartak Moscou qui comptent sans doute le plus grand nombre de mecs à torse nu par -10 degrés dans les tribunes. Oui, il y a des hooligans en Russie, mais tu ne verras a priori jamais de violence dans un stade, car être hooligan en Russie ne signifie pas taper sur n’importe qui, n’importe comment. Par exemple, tu n’as déontologiquement pas le droit de taper sur des grands-mères avec des chaises, c’est interdit.

Akhmat Grozny : Impossible de parler du club sans évoquer l’actuel président tchétchène. Longtemps appelé Terek (du nom du fleuve), le club a été renommé Akhmat en 2017, afin d’honorer la mémoire de l’ancien président tchétchène Akhmad Kadyrov, mort dans un attentat en 2004. Oui, c’est son fils Ramzan, qui dirige désormais la république, qui a imposé ce changement. On va passer sous silence toutes les frasques de l’actuel maître de Grozny, il y en a trop. Sache que d’un point de vue footballistique, il est surtout connu pour avoir organisé des matches de gala avec des anciennes stars du ballon. Ces rencontres, Ramzan y participe et on le laisse marquer des buts. Ensuite, Ronaldinho, Maradona, Luis Figo et consorts repartent avec des montres de luxe à la maison. Cette année, bel hommage d’Adidas aux nombreuses années de guerre qu’a connu la ville et toute la région. L’équipementier a sorti un maillot militaire de très bon goût dans cette partie de la Russie.

Il recherchait aussi son chat sur Twitter à un moment donné.

Arsenal Tula : Troisième Arsenal le plus connu après celui d’Arsène Wenger et celui de Payerne. Mais là on ne rigole pas, puisque le club appartient réellement à une immense entreprise fabricant des armes. Les mitrailleuses pour tank sont d’ailleurs la spécialité de la Tulamashzavod. Un comble pour une équipe qui peine à faire parler la poudre et à canarder les buts adverses cette saison. Et ça n’est pas un hasard si en russe un buteur est appelé un bombardier (бомбардир).

CSKA Moscou : Premier club d’Europe de l’Est à avoir remporté un titre européen après la chute de l’URSS. A l’origine, le CSKA était l’équipe de l’armée rouge, ce qui explique la belle étoile rouge sur son logo. J’aurais adoré qu’on ait l’équivalent dans notre pays, un club de l’armée basé à Berne. Bon, ça c’était à une autre époque, désormais le CSKA appartient à une banque étatique, donc même si tu t’es fait réformer à cause de tes pieds plats et de tes pensées suicidaires, tu peux soutenir ce club.

Dinamo Moscou : Le Dinamo d’origine, celui de Moscou qui a inspiré les Zagreb, Kiev, Minsk, Bucarest et Tbilissi. Un modèle soviétique repris dans le monde entier. Le Dinamo représente la branche sportive de la police (secrète). Un des meilleurs clubs soviétiques de l’histoire qui est à la peine depuis la chute de l’URSS. Il faut dire qu’on est passé de Lev Yashin, l’araignée noire, dans les années 50 et 60 à Mathieu Valbuena, le nigaud à la sextape, en 2013.

Même Shunin l’excellent gardien du Dinamo a adapté son look.

FK Khimki : Néo-promu qui avait déjà fait une apparition dans l’élite il y a dix ans, le FK Khimki est une équipe de la banlieue Nord-Ouest de Moscou. Une sorte de Crissier de Russie, où on trouve un ИКЕА et des immenses centres commerciaux (ainsi que l’aéroport Sheremetievo). D’ailleurs, tous les mercredis après-midi, l’ensemble de l’équipe et de son staff se réunit pour aller jouer dans les boules. Une activité de team-building qui favorise la cohésion d’équipe et qui n’y est sans doute pas pour rien dans le bon classement des rouge et noir cette saison.

FK Krasnodar : Le manque d’interactions sociales dû à la situation que nous connaissons aboutit fatalement à un manque d’inspiration au niveau des gags. Est-ce que c’était au club de foot de Krasnodar d’en faire les frais ? Certainement pas. Mais voilà, force est de constater que de jouer en vert, d’avoir un taureau comme symbole, trois suédois et Rémy Cabella dans son effectif ce n’est pas suffisant pour constituer un gag dans la situation actuelle.

Lokomotiv Moscou : Tchou tchou ! L’équipe moscovite avait tout pour me plaire lorsque j’avais six ans. Oui, je vouais une passion invétérée pour les trains en tout genre. 38 suppressions de trains et 542 minutes de retard cumulés plus tard, j’ai juste envie que ce club se morfonde en quatrième division… Trèves de plaisanteries, le Lokomotiv appartient toujours à l’heure actuelle aux chemins de fer nationaux. Inutile de préciser que tous les trajets se font par rail. En 2010, les mecs ont mis plus de deux jours pour venir disputer leur rencontre de Ligue Europa à la Pontaise. Dix changements de train pour arriver sur la voie 7, monter dans le M2 et finir le déplacement à pied. Une équipe qui a récemment adopté le vert comme tenue domicile, peut-être pour des motifs politiques.

FK Rostov : L’équipe de Rostov-sur-le-Don a passablement fait parler d’elle il y a un peu moins d’une année. Au mois de juin dernier, le club du sud de la Russie a ramené un cinglant 10-1 de son déplacement à Sotchi, plus grosse branlée de l’histoire du championnat russe. Un résultat dû au coronavirus, puisque toute l’équipe était en quarantaine et que le FC Sotchi avait refusé le report de la rencontre. Pour éviter un forfait (en Russie avec deux forfaits tu es exclu du championnat), l’équipe des moins de 18 ans a été envoyé au casse-pipe, avec le résultat qu’on connaît. Bien, on ne se moque donc plus de Rostov comme d’un club qui a autrefois appartenu à un fabricant de tracteurs. Impossible également de ne pas mentionner le monstre de Rostov, serial killer le plus connu dans ce pays de tarés qu’est la Russie.

Rotor Volgograd : Club de l’ancienne Stalingrad qui était très fort dans les années 90. Une époque où le Rotor faisait tourner ses adversaires. Depuis, la situation s’est dégradée et la formation de Volgograd a longtemps végété dans les divisions amateures. Voilà ce qui arrive quand on veut trop faire tourner son effectif. Mais la roue tourne, et le Rotor est de retour dans l’élite depuis la saison en cours, qui plus est dans un stade flambant neuf construit pour la dernière coupe du monde. Nul doute que l’arrivée en prêt du joueur brésilien Flamarion a boosté les ventes sur les rives de la Volga.

Rubin Kazan : Rien à voir avec l’entreprise de charpente Rubin & fils SA à Courgevaux. On n’aime pas faire de la pub, mais lorsqu’il faut éviter les confusions… Bien que possédant un nouveau stade dernier cri, construit pour la coupe du monde 2018, la formation de la capitale tatare continue farouchement à disputer ses rencontres au vieux stade central aux allures soviétiques. La raison à cela ? Le nouveau stade est en périphérie. Un club que l’on associe à l’identité tatare, la plus grande minorité de Russie. Club passablement supporté en Asie centrale et notamment par le président turkmène Gurbanguly Berdimuhamedow. Un mec qui est au pouvoir depuis 15 ans dans son pays et qu’on appelle le protecteur (Arkadag).

Oh oui protège-moi !

Spartak Moscou : Club russe le plus prestigieux mais aussi le plus populaire (à l’origine il était le club du peuple). Le Spartak est l’équipe qui compte le plus grand nombre de mecs à torse nu qui braillent dans le public. Sans doute un hommage à Spartacus, l’esclave romain qui s’est révolté au Ier siècle avant notre ère et duquel le club tire son nom. En effet, on ne peut qu’imaginer un tel personnage sans haut. Club qui possède le surnom le plus singulier à l’ouest de l’Oural, puisqu’on le surnomme la viande (мясо). Tant pis pour Yves Martin, le véganisme et le végétarisme n’ont de toute façon pas la cote en Russie !

FK Sotchi : Club créé il y a trois ans… arrivé dans l’élite l’an passé mais qui n’a bien sûr pas bénéficié de passe-droit. Il faut dire que Sotchi est le lieu incontournable pour le sport et le loisir en Russie. La Russie organise des JO… ce sera à Sotchi. La Russie accueille un Grand Prix de Formule 1… il se tiendra à Sotchi. La Russie organise un championnat de jass… on réunira les meilleurs joueurs suisses-allemands à Sotchi. La ville des rives de la Mer Noire a donc logiquement vu naître une équipe de football comme par miracle, en vue d’occuper le stade Fisht construit pour la coupe du monde. Le club créé par le milliardaire Boris Rotenberg, un très bon ami de Vladimir Vladimirovitch Poutine, est d’ailleurs souvent moqué et surnommé le Zenit-2, car la plupart de ses joueurs sont d’anciens du club de St. Pétersbourg. On parie que dans deux ans, ils jouent la Ligue des Champions.

FK Tambov : Equipe boulet de Premier Liga, bien pire que le FC Vaduz. Leur deuxième saison au plus haut niveau, les Loups la disputent à Saransk à près de 400 kilomètres de leur base, dans un stade vide (et ce n’est pas à cause des mesures sanitaires). Cerise sur le gâteau, les salaires des joueurs ne pouvant plus être versés depuis la fin du premier tour, l’ensemble de l’équipe s’est trouvé un autre employeur durant le mercato d’hiver. La fédération russe de football a même dû intervenir afin d’éviter la banqueroute du club en plein championnat. Actuellement, Tambov vivote sous perfusion en dernière place du classement en s’étant fait prêter une bonne douzaine de joueurs. A se demander si Bulat Chagaev ne traine pas dans le coin.

FK Ufa : Comme c’est rigolo. En ajoutant une lettre, on obtient le FC Uefa. Ironie de l’histoire, Manchester City, que la fédération basée à Nyon voulait sanctionner pour son manque de fair-play financier, pourrait bientôt acquérir le club de la capitale bachkire. Le City Group, propriétaire des Sky Blues, est une sorte de multinationale du football qui possède outre le futur champion d’Angleterre, des équipes à New York, Mumbai ou encore Melbourne. Plus récemment c’est Lommel en Belgique, Grenade en Espagne et Troyes en France que ces Nestlé du football ont acquis. On discute sans doute parmi les membres du conseil d’administration pour faire le truc à fond et acquérir le Stade Nyonnais.

FK Ural : Techniquement le club de la ville d’Ekatérinbourg est la seule équipe asiatique de première division en l’état actuel. Si l’équipe de hockey évoluant en KHL de la ville a un vrai nom rigolo, les Automobilistes, le club de foot fait moins dans la déconne. Appeler son club Oural, est aussi fun que de baptiser son équipe FC Jura. Une chaîne de montagnes aux sommets tout lisses qui fait pourtant office de séparation entre deux continents. Par contre on peut beaucoup plus rire lorsque l’on sait que l’entraineur assistant s’appelle Dmitri Kalashnikov.

 

Crédits photographiques:

Oh oui protège-moi : http://www.kremlin.ru/events/president/news/55747/photos

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4 Commentaires

  1. Putain, pour ma part, le луч Vladivostok va me manquer! Son fameux stade dinamo où on peut regarder le match depuis la route!

    Si je ne m’abuse, le krai du Primorié (équivalent du canton pour la fédération de Russie) a décidé de couper les subventions au sport professionnel à cause de la pandémie. Fin du club de KHL et du ЛУЧ qui redeviennent des clubs amateurs.

    La politique au krai Primorié… et dire que Steven Seagal a failli faire acte de candidature et que les sondages lui donnaient 10%

  2. Merci ça fait plaisir d’avoir des lecteurs enthousiastes qui aiment le vrai foot 😉 le Kraï du Primorie avait (a toujours?) des vélléités indépendentistes en plus.

  3. J’avais oublié l’indépendance. Bon avec les derniers résultats des élections et le renforcement de Russie Unie, l’indépendance n’est pas pour maintenant. La creation du pont, l’amélioration du centre universitaire, bref, la volonté de Poutine de faire de Vladivostok une plaque centrale de sa géopolitique en Asie a du convaincre les citoyens.

    C’est chaud au kraï Khabarovsk avec Sergueï Fourgal. Mais je ne suis pas trop l’actu à Khabarovsk. Rivalité du derby oblige. Derby de l’extrême orient. Quoique mtn, je mettrai peut-être une alarme sur leur but. Disons que ma compagne a fêté la fin du professionnalisme au Lutch quand elle a appris que mon Natel ne vibrerait plus pour les buts des tigres de l’amour!

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