Reprise de volée contre lancer-franc, récit du match Zlatan contre LeBron

Depuis une année maintenant, les rassemblements au stade sont devenus de lointains souvenirs et la passion du sport a fondu comme neige au soleil (circonstances météorologiques actuelles obligent). La faute aussi à cette ferveur perdue, qui faisait autrefois palpiter les organes des fans et vibrer les arènes. Parfois, Monsieur Richter et son échelle s’en souviennent. Désormais, pour élever le taux d’excitation, il faut espérer que son club de cœur remporte un titre, une variable qui ne concerne pas d’office le Lausanne-Sport. Sinon, il reste les débats et les bonnes vieilles polémiques. 

Alors qu’on se rassure, il ne s’agira pas du grossier Pierre Menès, personnage hors catégorie pour raisons de beaufitude aigüe et misogynie profonde. Pour ce mois-ci, c’est plutôt une joute verbale qualitative qui est proposée sur Carton-Rouge. Et son synopsis est aussi simple qu’un blockbuster signé Marvel, avec un gentil qui gagnera contre un méchant. À moins que ?

Publiée sur nos écrans à l’orée du mois de mars, la polémique met en scène deux mastodontes de leurs sports respectifs, a priori plus robustes que le télétravailleur lambda qui sévit depuis un an derrière son ordinateur. Quand le monde de la balle orange rencontre celui du cuir, c’est évidemment l’illustre LeBron James qui doit se coltiner l’inévitable Zlatan Ibrahimovic, jamais avare de casser les noix… ou donner des rictus c’est selon. Digne des plus grands duels de l’histoire comme Kong contre Godzilla ou, plus réaliste encore, Pierre Maudet contre le PLR genevois, le débat né entre la star des Los Angeles Lakers et le buteur éternel du Milan AC a le mérite de rester dans le sillage de ce qui fut visible au bout du lac : la politique.

Une première reprise de volée signée Zlatan

Le 25 février dernier, Zlatan Ibrahimovic a offert une longue interview diffusée sur Discovery+ Sport où il fait des passements de jambes sur divers sujets liés à sa trépidante vie de footballeur professionnel vivant au rythme de la dolce vita depuis son retour en Lombardie. Et bien qu’il aurait pu s’épancher trois heures sur sa passion pour la chasse dans son domaine de la taille de 14’300 terrains de foot, ou encore sur l’achat d’une île suédoise à 2.5 millions d’euros qui lui est bien utile pour pêcher, l’attaquant passé par le Galaxy de Los Angeles ne s’est pourtant pas privé pour « zlataner » l’ailier All-Star de la NBA. Finalement, ça ferre plus gros que le hareng quand Zlatan sort la canne.

Bien que respecté pour ses performances sur les parquets, le Scandinave n’y est pas allé avec le dos de la cuillère pour critiquer l’engagement du basketteur de 36 ans, qui s’investit dans diverses causes depuis le début de sa carrière : «Je n’aime pas quand des gens avec un certain statut font de la politique en même temps. Fais ce en quoi tu es bon, et reste dans ta catégorie. (…) C’est la première erreur que font beaucoup de gens, quand ils deviennent célèbres et atteignent un certain statut. Reste en dehors de tout », précise le géant de Malmö avant de poursuivre que s’il jouait au foot, c’est parce qu’il était le meilleur. Reprise de volée pleine lucarne, rien que ça.

Mais derrière ce melon, Zlatan n’a pas tout à fait tort. Si les cas de sportifs ayant transité en politique ne remplissent sûrement pas le Maracana, force est de constater que certains l’ont fait avec plus ou moins de réussite. Car derrière l’intouchable Schwarzy qui, comme gouverneur, a montré les pecs pour rendre plus verte sa Californie, le tableau n’est pas toujours magnifique. D’ailleurs, le souvenir impérissable d’un David Douillet invisible au Ministère des Sports hante les amoureux de judo qui ont sûrement plus vibré devant les Jeux Olympiques qu’un discours aux côtés d’un Président récemment condamné par la justice.

En voilà un qui aurait mérité l’apprentissage de l’ancien du PSG qui, selon ses dires, ferait de la politique s’il était un politique. Lucide, le prochain roi de Suède serait-il sous nos yeux?

Lancer-franc salvateur et tentative de but en or

Mine de rien, une journée aura donc suffi au colosse de 2m06 pour préparer son discours et sortir les muscles face au Suédois. Revenu dans le game avec certainement plus de tact, il se livre dans un entretien où il estime ne jamais devoir se taire : «  Je pointe du doigt le racisme, les injustices sociales, la suppression du vote, les choses qui se passent dans notre communauté. Parce que je fais partie de cette communauté et je vois les choses qui s’y passent et qui continuent de se passer à travers les 300 enfants de mon école qui traversent les mêmes choses. Ils ont besoin d’une voix et je suis leur voix. (…) Il n’est pas question que je me contente de faire du sport, parce que je sais à quel point ma voix est puissante ». Malheureusement, aucun membre de jury de The Voice ne s’est retourné mais au moins, son lancer-franc subtil a eu le mérite de remettre l’église au milieu du village. Amen.

Particulièrement investi aux États-Unis pour la communauté en ayant créé une école primaire gratuite pour les enfants défavorisés de son quartier ou en ayant soutenu massivement le mouvement Black Lives Matter jusque dans la « bulle NBA », LeBron James s’est imposé comme le good guy de la sphère sportive après le déboire de The Decision en 2010, un épisode télévisé narcissique où il annonçait en direct quitter l’équipe de ses débuts, Cleveland, pour les plages de Miami. Désormais, il est cet homme inspirant et tout en maîtrise, dans un profil opposé à l’impulsif Zlatan. Malgré son malheureux (et critiqué) silence face au sort du peuple hongkongais, conséquence de ses intérêts publicitaires avec la Chine, le natif de Akron s’est tout de même efforcé de promouvoir l’accès des bureaux de vote au peuple afro-américain à travers son association More Than A Vote. Un investissement plutôt utile qui a sûrement contribué à renvoyer le pitre orange sur son terrain de golf de Mar-a-Lago en Floride. Mais un pitre n’en cache-t-il pas un autre ?

Si le débat aurait pu se clore, Ibrahimovic ne s’est pourtant pas fait prier pour remettre la chasuble et tenter le but en or une journée plus tard dans un nouveau discours raté. Vous les voyez au loin les rames de sortie ? Action : « Les sportifs unissent le monde et les politiques le divisent. (…) On fait ce qu’on fait pour unir les gens, et pas d’autres choses car nous n’y sommes pas bons. Sinon ce serait de la politique. C’est mon message. Les sportifs doivent être des sportifs. Les politiciens doivent être des politiciens. »

Remuant le couteau dans la plaie, c’est à croire que Ibrahimovic a fait la sourde oreille alors que LeBron James soulignait dans sa réponse que l’attaquant combattait – à juste titre – le racisme chez lui, comme en témoigne le passage d’une interview diffusée sur Canal+. Et personne n’oublie sa prise de position claire et vindicative sur le racisme dans le monde du football après les paroles douteuses du quatrième arbitre Sebastian Coltescu lors du match entre le PSG et Basaksehir. Alors Zlatan, good guy aussi ? Pourtant, il se peut bien que le mot de la fin provienne d’outre-Atlantique : « Je ne suis pas vraiment le gars qu’il faut attaquer parce que je fais mes recherches de mon côté ». C’est ce qu’on appelle dans le jargon basket un poster dunk de LeBron sur Zlatan qui, sans l’ouvrir, aurait peut-être gagné cette partie par son immense impact dans un proche passé.

Heureusement pour lui, il y a encore l’espoir du Scudetto. Mais comme dans une barque sur l’eau, rien n’indique que le poisson sera pêché.

 

A propos Vic Perrin 21 Articles
Un peu casse-cou, mais pas trop casse-couilles

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