« Vamos a la playa » ne chantera plus le disque

C’est début mai que l’AUDL a commencé sa nouvelle tournée. Sous cet acronyme inconnu pour beaucoup, et qui n’a rien d’un rassemblement de partis de gauche français tels que le récent NUPES, il se dévoile un concept plus fun… et résolument sportif : l’American Ultimate Disc League. À l’inverse d’un politique dont le disc(ours) serait rayé, l’AUDL se contente d’assurer la tenue de son sport par l’utilisation plaisante du fameux disque en plastique. Celui qui vole haut et qui n’est pas nécessairement l’accessoire de plage que l’on croit.

Car aujourd’hui, il n’y a pas que le disque qui vole haut puisque cela fait 10 ans que la saison inaugurale de l’American Ultimate Disc League (AUDL) a vécu ses premières heures. Ligue semi-professionnelle, elle a été fondée par un habitant du Midwest, Josh Moore. L’Américain est un peu le Fabrice Jaton de l’Ultimate : il connaît tout sur tout (mais peut-être pas en Formule 1). Passionné, il a co-écrit en 2005 un livre sur l’histoire de son sport fétiche intitulé « Ultimate : The First Four Decades » dans lequel il retrace son expérience de couverture de ce sport qu’il suit depuis le début des années 1990 quand il était encore ignoré. Il souligne d’ailleurs dans une entrevue aux confrères du site spécialisé Ultiworld qu’il s’est passé « plus de choses au cours des dix dernières années [l’interview a été réalisée en 2018] qu’au cours des quarante précédentes, dont l’une des plus importantes a été la naissance de l’AUDL ». 

Pour beaucoup de passionnés de frisbee, l’Ultimate restait un simple jeu de cours d’école ou, au mieux, une pratique sportive un peu plus intensive à l’université comme c’est encore le cas dans la majorité des établissements nord-américains. Mais peu de gens et de passionnés auraient misé un cent sur la création d’une ligue, vue d’abord comme une blague. Pourtant, aujourd’hui elle fonctionne ! Et ce malgré la concurrence éphémère de la Major League Ultimate (MLU) qui exista une maigre année dû à des dysfonctionnements internes. 

Pour la saison 2022/2023, l’AUDL jouit donc d’un fort intérêt puisqu’elle comprend pas moins de 25 équipes installées aux quatre coins des pays de l’Oncle Sam et du Maple Syrup. Et à première vue, tout est fait pour s’immerger dans le fabuleux monde des ligues majeures telles que la NBA, la MLB, la NFL ou la NHL. On retrouve tout (ou presque) ce qui fait leur puissance : un professionnalisme à tous les niveaux (équipes, staff, infrastructures sportives) et un marketing extrêmement rôdé. Manquent cependant des revenus décents pour des joueurs qui ne perçoivent aucun salaire et doivent se partager les revenus de billetterie tout en travaillant à temps plein à côté de leur pratique sportive. C’est d’ailleurs à travers ses valeurs communautaires, dans une élite foncièrement familière, que la ligue subsiste.

Le plaisir avant tout, comme diraient Jacquie & Michel.  

Quand le disque devient viral 

Si la ligue engrange moins de revenus que ses grandes soeurs et n’est pas capable de payer ses athlètes, elle ne fait en tous cas pas figuration dans son expansion numérique. Bien que cette pratique sportive éprouvante soit encore considérée pour beaucoup comme un vulgaire sport de plage, force est de constater que ce sport se médiatise fortement à travers sa ligue nord-américaine avec plus de 285’000 abonnés sur Facebook, 186’000 sur Instagram et près de 30’000 sur Twitter. Évidemment très éloignée des ligues majeures tel que la leader incontestée NBA et ses 66 millions abonnés sur Instagram ou 39 millions d’abonnés sur Facebook, l’AUDL se fait tout de même une place de choix parmi les sports qui comptent en Amérique du Nord.

À titre de comparaison, elle n’est qu’à 1 million d’abonnés de la NASCAR, pourtant très suivi. Et au niveau national, elle comptabilise dix fois plus de suiveurs sur les réseaux sociaux qu’une Swiss Football League par exemple. Certes les échelles sont différentes, mais l’intérêt existe puisque même plusieurs sites indépendants et podcasts ont vu le jour pour informer les fans. Et que dire des noms d’équipes : on se croirait dans une partie en mode « Carrière » de NHL 22 où l’on peut customiser toute son équipe, du logo aux couleurs. Ces 25 équipes se répartissent donc au sein de quatre divisions :

  • La « Central Divison » avec Chicago Union, Pittsburgh Thunderbirds, Indianapolis AlleyCats, Minnesota Wind Chill, Madison Radicals et Detroit Mechanix.
  • La « West Divison » avec Salt Lake Shred, Portland Nitro, Oakland Spiders, Colorado Summit, San Diego Growlers, Los Angeles Aviators et Seattle Cascades.
  • La « East Division » avec Montreal Royal, New York Empire, Ottawa Outlaws, Boston Glory, Toronto Rush, Philadelphia Phoenix et Washington DC Breeze.
  • La « South Division » avec Austin Sol, Carolina Flyers, Atlanta Hustle, Dallas Legion et Tampa Bay Cannons. 

Si cette ligue spectaculaire paraît solide avec vingt-deux représentants, cela ne signifie pas que toutes celles-ci ont été présentes depuis la création en 2012. Seules le Mechanix de Détroit et les AlleyCats d’Indianapolis ont subsisté de la saison inaugurale. Toutefois, la majorité des autres équipes telles que le Dallas Legion (anciennement Roughnecks et champion en 2016), l’Empire de New York (champion en 2019) ou les Spiders de San José (champions en 2014 et 2015) ont majoritairement intégré la ligue entre 2013 et 2016 lorsque celle-ci s’est consolidée durant ses premières années. 

À l’instar des autres ligues nord-américaines, les équipes s’affrontent durant une saison régulière qui se déroule au printemps, généralement dès le début du mois de mai jusqu’au milieu du mois de juillet. Et comme de nombreux sports américains – et bientôt la Super League Suisse -, un système de playoffs est mis en place pour clôturer chaque saison à la fin de l’été. Pour ce qui est des règles, l’AUDL adapte les règles traditionnelles avec un système tourné vers les matches chronométrés en quatre périodes de 12 minutes et arbitrés… quand les amateurs se contentent d’un score prémédité, d’un auto-arbitrage et d’une mixité des sexes qui fait défaut chez les semi-professionnels. 

Et qu’en est-il en Suisse?

Si l’on parle de mixité dans l’Ultimate, c’est parce qu’il est un socle d’importance dans les équipes amatrices. C’est d’ailleurs par cette ouverture d’esprit que l’ADN des clubs membres de la Swiss Ultimate s’est constitué. Ils sont désormais capables d’attirer toujours plus de membres passionnés à mesure que les années avancent, d’autant plus que des équipes exclusivement féminines se créent pour proposer une expérience agréable à celles qui voudraient débuter ou se perfectionner, comme les W!cked à Genève.

Mesdames, Messieurs, la prochaine destination du disque est : le Salève.

Bien que le succès du Ultimate s’avère intéressant outre-Atlantique, il est toutefois loin d’attirer les foules dans les stades comme celui du Complexe Claude Robillard dans lequel joue le Royal Montréal. Mais au moins, un championnat suisse de LNA et LNB composé chacun de 8 équipes se tient durant l’été et plusieurs équipes, dont des Romandes, y participent tout en étant bien représentées dans les grands tournois européens. Outre les Wizards de Genève ou le FlyHigh de Lausanne, il faut aussi compter sur la forte mobilisation alémanique, avec notamment la représentation des grandes villes (Bâle, Berne, Zurich et Lucerne). 

Le constat est que la Suisse est devenue une place pertinente à l’échelle européenne pour la pratique du Ultimate. Alors oui, ce n’est pas encore l’AUDL. On en est loin même. Mais comme a dit le prophète Josh Moore : « il s’est passé plus de choses au cours des dix dernières années qu’au cours des quarante précédentes ».

Et si la Suisse était la prochaine sur la liste ?

A propos Vic Perrin 21 Articles
Un peu casse-cou, mais pas trop casse-couilles

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