Comment se faire damier le Japion

Comme prévu, ce huitième de finale Japon – Croatie aura accouché d’une souris. Les Japonais avaient pourtant le match en main après avoir ouvert le score juste avant la pause. Mais ils se sont fait harakiri au pire des moments, celui des tirs au but. Trois penalties manqués sur quatre lors de la séance fatidique, c’était évidemment beaucoup trop pour rallier leur premier quart de finale en Coupe du Monde. A croire que les Nippons sont définitivement plus doués pour viser avec force des navires américains à six mille kilomètres de chez eux dans la baie de Pearl Harbor que des cages adverses à onze mètres de leurs pieds dans le golfe Persique.

Le match en deux mots

Le huitième de finale de Coupe du Monde le plus dégueulasse du 21ème siècle.

L’homme du match

Dominik Livakovic, le gardien de la Croatie qui repousse trois tirs au but japonais sur quatre après 120 minutes de jeu (130 en réalité car y a encore du rab à la cantoche en mémoire aux ouvriers sacrifiés pour nous faire vibrer en 2022 au milieu du désert) ! Ok, les Nippons ont frappé avec la puissance d’un moineau et la conviction d’un fonctionnaire un lundi après-midi morose de décembre mais quand même.

La buse du match

Cette équipe japonaise dans son ensemble. Les Samurai Blue jouent par fulgurances. C’est souvent mauvais mais tout d’un coup, ils te sortent dix minutes d’une grande intensité. Ce n’est pas pour rien qu’ils ont inventé les fulguropoings. Mojita a beau faire un cocktail de mauvaises passes toute la première mi-temps, c’est Maeda qui finit par sortir de sa torpeur juste avant la pause pour claquer un but opportuniste. Les entrées en seconde période de Mitoma, qui mythonne à toute son équipe qu’il va planter trois buts, et de Sakai, qui dit vouloir climatiser le stade par ses débordements mbappesques alors que ça caille déjà suffisamment comme ça, leur sont fatales. C’est bien beau de battre l’Allemagne et l’Espagne en matches de poule après avoir été mené 1-0 pour finir fièrement premier de son groupe. Mais cela ne sert à rien si c’est pour s’effondrer de la sorte dès la première rencontre à élimination directe. Cela fait quatre fois depuis 2002 que les Japonais se qualifient pour les huitièmes de finale sans jamais prendre ensuite le quart. Il y a quatre ans et demi dans le grand pays démocratique de Vladimir Poutine, les Nippons menaient même 2-0 à 25 minutes de la fin contre la Belgique… avant de s’incliner 3-2. Le seum japonais, on en parle ou pas ?

Le tournant du match

Pour qu’il y ait un tournant, il y aurait fallu des actions. Or, il n’y en eut guère pendant ce match. Alors comme ça, je dirais l’égalisation de la tête d’Ivan Perisic, auteur de son dixième but dans un tournoi majeur (Euro et Mondial confondus). C’est maintenant un goal de plus que la légende du pays Davor Suker. Un coup de boule croisé difficile à mettre sur un centre de Lovren qui permet à la Croatie de se remettre à l’endroit, d’atteindre les prolongations puis les tirs au but. Séance fatidique où les Croates auront le cul bordé de Udon.

L’esthète du match

Luka Modric. Au milieu de cette bouillie de football, le Ballon d’or 2018 est toujours là avec son look de surfeur timide. Petit, soyeux, fin techniquement, il dirige sa Croatie avec le même rayonnement depuis quinze ans. Tous les coéquipiers de sa génération, dont ce traître de Rakitic et cette buse de Mandzukic, ont maintenant pris leur retraite, mais lui est toujours là. Capitaine fier, il se croit toujours capable d’emmener sa sélection au damier vers le titre mondial. Problème : un Brésil galactique se dresse face à lui vendredi prochain en quart de finale.

Le geste pourri du match

Je n’en ai pas vu de particulier. Il faut dire que cette Coupe du Monde 2022 est celle des Bisounours. Les arbitres ont des consignes pour rallonger les matches de dix minutes de temps additionnel pour vibrer jusqu’au bout et de ne surtout pas sortir de carton jaune (encore moins rouge) afin de ne pas prendre le risque de déséquilibrer les matches. Du coup, les joueurs jouent à fond le jeu en n’effectuant que très peu de fautes grossières. On se serre la main, on s’enlace donc tous les jours au Qatar des droits de l’homme. Par contre, il est toujours formellement interdit de retirer son maillot après un but historique comme celui marqué par le Camerounais Vincent Aboubakar face au Brésil. Là, c’est carton jaune direct et jaune + jaune = rouge comme dit le fameux dicton. Rouge comme le vin qu’on se met exceptionnellement à boire dans les rues de Doha depuis deux semaines…

Le chiffre à la con

La Croatie remporte sa troisième séance de tirs au but sur trois en Coupe du Monde. Une sorte d’hommage inversé aux trois séances de penalties perdues par l’Italie dans les années 1990 : la demi-finale de 1990 à Naples face à l’Argentine, chez Diego Maradona, la finale de 1994 à Los Angeles contre le Brésil de Romario et le quart de 1998 à Paris face à la France de Zidane. Mais comme dit une citation du célèbre philosophe italien Olivier Di Lello : « ne pas aller au Mondial, c’est s’assurer de ne pas être éliminé aux pénos ».

L’anecdote

Le Japon présente un drapeau blanc trompeur avec son grand disque rouge au centre. En effet, on dirait un ballon de foot au milieu d’une cage adverse. On me dit dans l’oreillette que les trois frappeurs japonais défaillants face au gardien croate lors de la séance de tirs au but auraient cadré leur frappe en pensant que ça suffisait pour respecter le drapeau. Ils avaient probablement oublié la présence de Livakovic se dépliant de tout son long pour en faire la risée de leur pays. On peut le dire ce soir : le Japon s’est fait ken (le survivant).

Si le match avait été une chanson : Goldorak

Le Doha dans le cul

Ritsu Doan. L’attaquant de Fribourg avait signé deux des quatre buts du Japon en phase de groupes, à chaque fois en sortant du banc de touche, respectivement quatre et six minutes après son entrée en jeu face à l’Allemagne et l’Espagne. Face au Costa Rica, il était resté muet en débutant le match et le Japon avait perdu. Bis repetita cet après-midi face à la Croatie. C’est le Doha dans le cul de Ritsu.

La minute Johan Djourou

Désolé mais comme je vis en France, ce match n’était pas retransmis en clair (merci TF1 au passage qui ne retransmet que cinq huitièmes de finale sur huit) et comme je suis pauvre, je n’ai pas d’argent pour me payer un abonnement chez Beinsport, seule chaîne retransmettant intégralement la Coupe du Monde. En fait non, j’aurais pu me payer cet abonnement coûtant seulement 15 euros par mois. Mais Bein est une chaîne qatarie et comme j’ai dit en plus à mes proches que je boycottais le Mondial pour briller en société, je ne me suis pas abonné le temps d’un automne. A la place, je me coltine donc Margotton et Lizarazu aux commentaires sur TF1. Cet après-midi, ces deux adeptes du bar des sports sont restés cloîtrés dans leur hôtel 6 étoiles de Doha en attente de Brésil – Corée du Sud. Du coup, j’ai dû me contenter d’un bon vieux stream pakistanais pour suivre cette purge, stream dans lequel je n’ai évidemment pas compris la moindre envolée lyrique.

La minute de silence pour les ouvriers morts

(…)

Le pronostic d’avant-match selon l’indice MILFF (Match Index Losail Forecast Football)

Notre indice MILFF est définitivement des plus fiables. Entre le 25ème et le 26ème pays de ce classement hautement scientifique validé par la confédération haut-valaisanne du football, une séance de tirs au but était des plus probables. Non seulement, le match s’est bien fini aux penalties et la Croatie, mieux classée d’un rang que son adversaire japonais, l’a emporté. Si vous voulez faire fortune comme Gianni Infantino en cette fin d’année 2022, vous savez comment miser…

A propos Thierry Bientz 47 Articles
Après avoir parcouru 250 000 kilomètres à vélo en 20 ans, j'ai décidé de prendre un peu la plume pour raconter le cyclisme...

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