L’instant qui trique : Sogno Azzurro, en route vers Wembley

Vous vous êtes enthousiasmés en regardant l’equipe italienne de football remporter l’Euro 2020 l’an passé ? Vous voulez continuer à rêver en visionnant le reportage sur Netflix Sogno Azzurro consacré à son triomphe ? Pas de bol, les Italiens n’avaient absolument pas prévu de remporter le championnat d’Europe l’an passé. Du coup, ils n’ont quasiment rien filmé de transcendant. Mais même sans images originales, Carton-Rouge a apprécié visionner cette production.

Le reportage long d’une heure s’ouvre par des scènes de liesse incroyable dans Rome. Après leur sacre à Wembley la veille, les Italiens fêtent leur second titre de champion d’Europe en paradant sur un bus comme l’impose la tradition. Avec l’incroyable vacarme, on se croirait presque en Valais lorsque Brigue, Sion ou Martigny se transforment en enclave italienne le temps d’un match de football de la Squadra Azzurra à l’Euro ou à la Coupe du Monde.

Si l’on pouvait encore réellement en douter, Sogno Azzurro confirme que l’artisan principal du sacre italien en 2021 n’est autre que leur coach Roberto Mancini. Homme aussi élégant que technicien stratège, il a su fédérer une équipe sans star à l’inverse des autres grandes nations du football. Ouvert d’esprit mais conservateur, on voit tout au long du film qu’il responsabilise énormément ses joueurs. Ses briefings d’avant-match sont concis et précis. Il ne se trompe d’ailleurs quasiment jamais sur le déroulé de la rencontre à venir.

Roberto Mancini, il fuoriclasse.

Cependant, il apparaît souvent en décalage avec les joueurs de foot qu’il dirige, que cela soit en club hier comme en sélection aujourd’hui. Ces derniers le respectent énormément mais ne manquent jamais une occasion de venir le titiller. L’ancien entraîneur de l’Inter Milan répond toujours avec parcimonie en prenant soin de ménager les egos tout en conservant son autorité naturelle. Quand Lorenzo Insigne lui demande par exemple la signification du seul tatouage qu’il arbore à son mollet, Mancini répond que celui-ci représente le blason de la Sampdoria de Gênes, club de son cœur dans lequel il a joué pendant quinze ans. Cela tranche avec ses joueurs actuels tatoués de partout mais globalement dépourvus d’identité.

Son adjoint Gianluca Vialli, avec qui il a mené l’attaque de la « Samp » lors des grandes années du club ligure entre 1984 et 1992 pour un titre de champion d’Italie et une Coupe d’Europe, le seconde brillamment. Le staff est composé également d’une ancienne gloire de la Nazionale en la personne de Daniele De Rossi, champion du monde 2006. Celui-ci vient de prendre sa retraite après avoir défendu pendant 18 saisons le maillot de l’AS Roma. Mancini a tenu à s’entourer d’anciennes gloires du pays avec des valeurs fortes pour emmener un groupe sans joueur majeur vers le sacre. Avec « Mancio », la star c’est l’équipe !

En 2021, Gianluca Vialli arbore une barbe et un béret.

Beaucoup d’images proviennent du centre d’entraînement fédéral de Coverciano à Florence. Les rares scènes intéressantes du film sont d’ailleurs tournées là-bas. On y voit notamment Marco Verratti effectuer une course contre-la-montre avec les médecins afin d’être rétabli à temps pour les matches à élimination directe. Aussi attachant qu’agaçant à Paris, le petit hibou se comporte plus ou moins de la même façon en sélection. Mais son amour de sa patrie semble toutefois supérieur à celui des pétrodollars du Qatar Saint-Germain.

Salvatore Sirigu, le gardien remplaçant de la Squadra Azzurra, apparaît lui plus à l’aise derrière la caméra que dans la surface de réparation. C’était déjà le cas au PSG lorsqu’il clashait des journalistes français en conférence de presse pour masquer ses nombreuses boulettes dans les cages. Le gardien du Genoa présente, débriefe et analyse les matches pendant une dizaine de minutes, ce qui permet de donner un peu plus de longueur et de consistance au reportage. Mais quand tu en es réduit à insérer la philosophie de Sirigu dans ton film, c’est que tu manques cruellement d’imagination.

Verratti – Insigne – Immobile : l’ancien gang de Pescara en préparation pour le Tour de France.

On est émus par les anciens défenseurs centraux Giorgio Chiellini et Leonardo Bonucci, capitaine et vice-capitaine de l’équipe, frères d’armes en sélection comme en club à la Juventus ces (presque) dix dernières années. On sent dans leurs propos toute la passion pour leur pays. Comme un symbole, ils sont d’ailleurs tous les deux impliqués sur le corner amenant l’égalisation rageuse en finale à Wembley contre l’Angleterre.

On voit également un groupe fort et uni autour de Leonardo Spinazzola lorsque celui-ci se blesse gravement au talon d’Achille en quarts de finale contre la Belgique. « Spina » était le meilleur latéral de l’Euro dixit Mancini jusqu’à sa grave blessure. Le coach italien lui rend d’ailleurs un vibrant hommage avant la finale en inscrivant son nom au tableau lors de la causerie pour rappeler aux autres joueurs tout ce que le Romain a apporté à l’équipe, et les inciter par la même occasion à se surpasser pour lui qui va être amené à marcher plusieurs mois en béquilles.

Alitalia planant sur l’Europe avant sa faillite à l’automne…

Enfin, on découvre un petit peu les secrets de Jorginho, le milieu relayeur ultra-complet de la Nazionale et seul joueur titulaire à évoluer à l’étranger (Chelsea avec qui il vient de remporter la Ligue des Champions). Après chaque match, pendant que ses coéquipiers décompressent, dorment ou discutent, lui se met un replay du match. On le voit ainsi regarder Italie-Autriche dans l’avion à peine deux heures après la fin de la rencontre. Il étudie également le style des gardiens afin de mieux tirer ses penalties. Manque de chance, il rate son tir au but décisif en finale face à Pickford, laissant l’honneur à son gardien Gianluigi Donnarumma de devenir le héros du match quelques secondes plus tard en stoppant la frappe de moineau du dernier tireur anglais.

Quelques mois plus tard, Jorginho manquera deux nouveaux penalties face à notre Yann Sommer national, ce qui permettra à la Suisse de filer directement à la Coupe du Monde quand l’Italie devra elle passer prochainement par des barrages périlleux pour se rendre au Qatar. Ce double échec de Jorginho en éliminatoires du Mondial ainsi que la fin de l’hégémonie italienne sur l’Europe lors de la Ligue des Nations à l’automne, après une défaite contre l’Espagne mettant fin à 37 matches d’invincibilité, lui coûtera probablement le Ballon d’Or 2021 au détriment du pré-retraité parisien Lionel Messi.

Le reportage se finit par l’irrespirable séance de tirs aux buts en finale contre les Anglais. On y voit les Italiens exulter logiquement tous ensemble sur la pelouse de Wembley, de Mancini toujours aussi classe en costume à Spinazzola complètement fou en béquilles. Ce film sympa à regarder ne nous aura finalement pas appris grand-chose de nouveau si ce n’est que le foot c’est toujours mieux quand on gagne à la fin.