Gary, Paul, Bobby et Gazza sur un divan

Généreusement convié par un consultant en manque de business pour une audience publique avec Gary Lineker, je ne pouvais décemment pas louper une occasion pareille. Celle d’aller à la rencontre du Jean-Paul Brigger anglais de la fin des années 80, l’homme dont les oreilles sont aussi célèbres chez les Rosbifs que sa roublardise dans les derniers cinq mètres cinquante. Entre anecdotes, parti pris et malappris avinés, it was still a jolly good evening !

Z’ont inventé les chemins de fer, sérieux ?

La soirée partit fort mal avec un hypothétique train qui se la jouait à la Godot. Et dire que Stephenson offrit les chemins de fer à cette nation pour que cette dernière martyrise cette invention deux siècles plus tard. Un peu comme si un Gruyérien orfèvre dans la fabrication de son fromage capoterait au moment de te préparer une fondue. Mais je m’égare (de Paddington en l’occurrence). Ensuite, même le métro merda, donc je décidai de compter sur le seul véhicule qui fonctionnait encore pour rejoindre le London Landmark Hôtel : mes pieds. Déjà furieux d’avoir loupé l’apéro (en bon Valaisan, j’irais à confesse ce dimanche pour me faire pardonner), je pus enfin m’affaler sur une chaise bancale, entouré de quelque 300 convives qui eux avaient sérieusement tapé dans le fruit de la terre. Après m’être fait tauper quelques pounds pour les bonnes œuvres et avoir tenté vainement d’acheter un pull de Maradona aux enchères sur la carte de crédit de CartonRouge.ch, la soirée tant promise put enfin débuter.

Monterrey, non, mais allô quoi !

Autant vous le dire tout de suite, l’interview de Gary Lineker par Des Walker sur un divan enrobé du maillot de Geoff Hurst, c’était autre chose que Pascal Droz qui nous navre à tenter d’interroger Stéphane Henchoz sur la RTS. Lineker fut tout simplement brillant, engageant, réfléchi, pondéré, passionné et d’un réalisme des plus mordants. Bref, une finesse dans l’appréciation de son sport favori qui prit tout son sens lorsque l’homme aux 42 buts avec les Trois Lions (en 80 sélections) souligna brièvement quelques hauts faits de sa carrière. En manque de confiance à Leicester City dans l’équipe réserve, Lineker n’était vraiment pas convaincu de ses capacités à aller titiller le haut-niveau mais un coach écossais (tiens, tiens) Jock Wallace le lança…. à l’aile droite. De ses dires, ce fut une expérience consternante après laquelle l’irascible entraineur écossais le suspendit physiquement au porte-manteau des vestiaires (malgré ses deux buts durant le match).

Ce n’est qu’à 25 ans que Lineker eut vraiment l’impression que sa carrière décolla grâce à son hat-trick face à la Pologne. L’ex numéro 10 des Spurs s’empressa de souligner qu’une certaine dose de chance tend à définir la carrière des footballeurs et que de nos jours, les joueurs (ou leurs agents) espèrent bien trop vite décrocher la lune. Lineker nous emmena ensuite au Mundial 86 : «Imaginez débarquer à Monterrey, 40 degrés à l’ombre, où l’on devait rester sous les parasols jusqu’à l’échauffement. La pelouse ressemblait à un champ de blé et c’est là qu’on s’est dit : is this really the World Cup ?». Lorsqu’interrogé sur le phénomène d’ennui durant une Coupe du Monde (dont certains joueurs anglais se plaignent actuellement), Lineker rétorqua le sourire en coin : «Au Mexique, on avait droit à un coup fil de quinze minutes par semaine, depuis la réception de l’hôtel, rien d’autre». Qui parle d’enfants gâtés ?

Décroché la lune ?

Gary Lineker confirma durant cette interview furtive que la demi-finale de Turin en 1990 marqua le tournant de sa carrière…peut-être le début de sa fin. Des larmes de Gazza au penalty lunaire manqué par Waddle, Gary s’arrêta longuement pour conter ces moments décisifs : «Seulement quatre joueurs voulaient tirer les penaltys (Lineker, Beardsley, Pearce et Platt), Waddle ne voulait absolument pas aller défier Illgner, mais Bobby (Robson) insista. Il vint nous voir au milieu du terrain et avec son sourire en coin, il agita son doigt comme un maitre d’école et nous dit : don’t let me down boys !». Lineker passa ensuite quelques longues minutes à évoquer l’héritage laissé par Bobby Robson et sans équivoque déclara que cette équipe du millésime italien de 1990 fut la meilleure équipe anglaise de tous les temps.
La soirée ensuite perdit beaucoup de son intensité. Il faut dire que Paul Merson (croix-bleue mais toujours alerte pour mater les hôtesses de Unibet) et Graham Poll (aussi mal placé que lors d’un Croatie – Australie) ne firent que pâles figures par rapport à la star du Match of the Day de la BBC. Le débat s’enfonça dans des jugements préconçus sur la sélection anglaise : oui il fallait prendre Ashley Cole (Merson insista), oui Rooney c’est la classe mondiale (ah, bon !) et que oui Barkley d’Everton est le prochain Zidane de l’Albion (le Perrier de Sion en quelque sorte). C’est à cet instant que la soirée partit en vrille car Gary Lineker se réfugia bien vite dans la ligne éditoriale de la BBC en ne s’aventurant pas trop dans les sujets qui fâchent (présence ou non de John Terry…). Une fin de soirée raplaplat qui fut à l’image de leurs pronostics pour les chances des Anglais pour leur expédition au Brésil : au mieux une qualification pour les 8èmes de finale pour une équipe somme toute moyenne (dixit les trois !).

Le coin des anecdotes sur Gazza

Une des attractivités de ce genre de soirées (à part le décolleté de ta voisine) réside dans le nombre d’anecdotes distillées de ci de là par les participants, notamment par Paul Merson et Gary Lineker parce que pour Graham Poll, on a dû se contenter du fait qu’il aimait passer ses étés sur les côtes croates. Extrait.
Lineker tout d’abord expliqua que le feu distillateur, George Best, s’était pris d’un profond mépris pour Gascoigne (Gazza pour les Anglais) et il le faisait savoir régulièrement à travers sa colonne dans le Sun. Best avait par exemple traité Gascoigne de bouffon alcoolique (en toute bonne foi(e)) et continuait à stigmatiser Gazza au point de dire que le problème avec l’ex-trublion de la Lazio, c’était que son QI correspondait au numéro qu’il portait dans son dos. Lors de l’entrainement qui suivit, Gazza se plaignit comme un petit gamin de son traitement dans la presse et essaya de trouver du réconfort auprès de Lineker : «Tu vois Gary, je ne sais pas pourquoi Best n’arrête pas de me critiquer, j’aimerais que ça cesse… et puis d’ailleurs, ce QI dont il parle, ça signifie quoi en gros ?». 

Paul Merson nous compta ensuite comment il passait ses vendredis après-midis à Middlesbrough avec Gazza et son beau-frère. (les deux lurons y jouèrent ensemble durant la saison 1997-98). Utilisant ses propres mots, la ville de Middlesbrough est un «shithole» (Rarogne ou Gondo en Valais si vous préférez). Pour faire passer le temps, ils faisaient des paris à £ 20 le verre de vin rouge. Celui qui en boirait le plus durant l’après-midi tout en restant éveillé, remporterait la mise de ses camarades qui se seraient assoupis durant cette épreuve. Pas étonnant dès lors que Merson se soit fait virer du club l’été suivant pour avoir «osé» affirmer que Middlesbrough était un club dont la culture n’avait rien à voir avec le foot, mais plutôt avec la boisson et les paris sportifs.

Heureusement c’est la fin !

La soirée se termina un peu en queue de poisson car la session de questions-réponses se résuma à des batailles de chiffons entre supporters imbibés d’Arsenal, Chelsea ou Tottenham. Même Gary finit par perdre son calme lorsque l’un des rosbifs «sauce au vin» suggéra que l’Angleterre était si faible du côté gauche qu’on devrait faire jouer trois arrières gauches en même temps, Shaw, Baines et Cole. Lineker suggéra alors qu’on devrait peut-être considérer à faire jouer 11 arrière-gauches simultanément. Considérant le gros parterre d’ignorants qui n’avaient d’yeux que pour le foot royalement insulaire, je décidai de ranger la question que j’avais préparée au sujet des performances de notre Nati et de repartir tester les transports publics anglais qui, à quelque part, sont un peu dans le même état que l’équipe d’Angleterre : à reconstruire au plus vite. 

A propos Paul Carruzzo 207 Articles
Elle est pas un peu belle notre Nati et tout le bonheur qu’elle nous amène ? Alors, Rickli et compagnie, si vous ne vibrez pas devant cette équipe, vous n’êtes pas non plus monstrement obligés de regarder. Profitez d’un bon match de hornus et foutez la paix à nos joueurs, qui comme vous, ont un joli passeport rouge à croix blanche.

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