Gran Becca : Zemratte le coche

Ah les jaloux ! Vous n’avez ni Cervin, ni fendant, ni de Pascal Couchepin et encore moins de Pirmin Zurbriggen. Alors à cause de quelques pelles mécaniques sur le glacier du Théodule qui réparaient les dégâts du réchauffement climatique causés par des usines chinoises, vous avez tous fait les moutons derrière des journalistes peu scrupuleux et Christophe Clivaz, vert de rage de potentiellement ne point se faire réélire au Conseil national. A l’image des pouilleux de chez Renovate Switzerland, comment avez-vous osé douter de la mirifique nouvelle descente de la Gran Becca, enfant chéri du Matterhorn Cervino Speed Opening (le McSO pour faire court) ? Si vous aimez tellement Zermatt et sa nature, pourquoi vous n’y achetez pas un raccard pour vivre votre rêve de « Heidi et Peter » à l’alpage?

Invitée par le Comité d’Organisation du McSO, la rédaction de Carton-Rouge.ch a mandaté son seul représentant valaisan pour aller faire l’état des lieux en haut par Zermatt. Conclusion neutre et sans appel : cette descente est la plus belle invention du ski alpin moderne, juste après le bonnet de ski Crédit Suisse et la Bosse à Collombin. Nous tenons aussi à remercier l’Office du Tourisme de Zermatt pour les menus goodies offerts afin d’agrémenter notre séjour (nuits au Schweizerhof, abonnements et équipement de ski complet offert par Anthamatten Sports). Vous nous aviez vendu le rêve alpin, vous ne nous avez pas menti, votre descente de tous les superlatifs est véritablement dans le vent !

Pétrole blanc

Zermatt souffre. Les années COVID ont laissé des traces, c’est évident avec beaucoup d’hôtels encore fermés à mi-novembre. Pour sauver la baraque, la station a absolument besoin d’une nouvelle impulsion financière car l’invasion des Chinois et des bobos lausannois du mois de janvier à octobre décembre ne suffit plus pour faire tourner le sublime village haut-valaisan. Pour remettre un coup de fouet à la station, Franz Julen, le Steve Jobs de Zermatt, lança l’idée en mai 2020 d’organiser la plus longue descente de la Coupe du Monde de ski (5 km) entre le Petit Cervin et le Val d’Aoste.

Conçue par ce boute-en-train de Didier Défago, cette descente transfrontalière est à couper le souffle (au propre comme au figuré). Avec un départ à 3’720 mètres et des passages à 50% de pente qui feraient tituber un dahu, le parcours majestueux fait atteindre des vitesses de plus de 135 km/h aux cascadeuses et cascadeurs du Cirque Blanc. Achalandée de trois sauts spectaculaires décollant à plus de 50 mètres (dessinés selon nos sources par Roland Collombin), l’inédite Gran Becca en bouche décidément plus d’un trou à la Streif et au Lauberhorn. Et comme GO général, Franz Julen ne manqua pas de s’égosiller au moment du lancement de cette idée devant la presse: « Deux pays et un panorama exceptionnel, il ne faut pas être spécialiste en marketing pour constater que ce projet a du sens. C’est bon pour le développement du ski, donc bon pour le Valais. Nous sommes les seuls à pouvoir mettre un tel évènement sur pied à cette période-là de l’année. » Une humilité bien haut-valaisanne, nous on aime ça.

Ce projet fut également adoubé par feu Gian-Franco Kasper, ex-président de la FIS et vainqueur du Championnat du Monde des OJ 1961 à Klosters : « Des courses à Zermatt en novembre, ça colle parfaitement à notre calendrier. » On abonde dans son sens, car novembre est quasi idéal vu les impressionnantes chutes de neige à cette période sur les Alpes valaisannes accompagnées de rafales de vent bienvenues pour aider à éparpiller cet or blanc, Certes, à notre humble avis, mi-août aurait été préférable mais l’organisation nous a répondu que les ratrackeurs faisaient les foins à cette époque donc cela aurait créé des problèmes logistiques insurmontables. En sus, Kasper souligna que ce projet du McSO s’inscrivait à merveille dans la nouvelle ambition commerciale de la FIS: « On doit rendre notre sport plus attractif, le rajeunir, trouver de nouveaux fans et de nouveaux marchés. On doit devenir des aventuriers ». Et en pensant « aventurier », il ne pouvait pas mieux tomber, car le Haut-Valais en regorge surtout si les projets d’envergure sont financés par les autres… Pour devenir l’ambassadeur de ce magnifique projet, il ne manquait qu’une personnalité charismatique, professionnelle et souriante: Pirmin Zurbriggen. L’ex-champion olympique 1988 ne pouvait qu’ajouter une touche joviale à l’évènement alpin du siècle : « J’apprécie de pouvoir apporter mon expertise et expérience à un projet aussi visionnaire et innovant. » La Nati avait son Yakin, la McSO avait son Zubi. L’aventure ne pouvait être que belle.

Zermatt, roule-moi une pelle !

Questionné sur la durabilité de l’épreuve, Franz Julen ne botte pas en touche : « Bien sûr que cet évènement est durable, la course dure 2 minutes 40 par coureur, les images seront durablement disponibles sur Youtube et les retombées financières pérennes. Nous avons signé un contrat de 5 ans avec la FIS pour l’organisation de cette descente, alors, niveau durabilité, nous sommes aussi blancs que la neige entassée devant le Gornergrat Bar après le passage d’un groupe d’Anglais. * » Concernant l’affaire des deux petites pelleteuses creusant allègrement le glacier du Théodule, Julen ne se laisse pas démonter: « Je suis montagnard et robuste et je n’ai jamais rien eu contre les critiques objectives. Je vous rappelle que nous voulions cette course et nous ferions tout notre possible pour y parvenir. Nous n’avons pas eu besoin de faire des changements structurels majeurs pour la construction de la piste ni de couper des arbres. C’est un pur paysage d’hiver, ce qui fait de cet évènement un exemple en termes de durabilité. Après la course, il ne restera aucune installation qui ne soit pas déjà utilisée dans le cadre touristique. »

Il poursuit légèrement courroucé juste avant de repartir en trombe au volant de son Porsche Cayenne 4×4: « Dire que nous avons démoli ou brisé le glacier, tout ça c’est faux. Nous avons une approche touristique qui garde le respect de la nature et nous trouvons toujours le bon équilibre entre commerce et nature. » Et qu’il a raison le bougre car quand tu interroges un enfant de 10 ans sur ce qu’il associe le plus avec le terme ski, c’est avant tout, canons à neige, pelleteuses, hélicoptères et tronçonneuses pour couper quelques arbres branches qui nuiraient à la fluidité du trafic des skieurs. Son argumentaire est d’ailleurs repris à juste titre par Pirmin Zurbriggen afin de défendre l’utilisation de pelles mécaniques sur un glacier : « Exagérer la problématique de la sorte est un peu malhonnête, c’est comme si on voulait tout arrêter. C’est dommage de voir du mal partout. » On relèvera la justesse des propos désintéressés de l’ex-champion Olympique reconverti dans l’hôtellerie de luxe à Saas Almagell. Comment ne pas admirer un homme qui sait mettre fin à une polémique grâce à une analyse aussi raffinée que les tactiques de Murat Yakin ?

Blanche Neige est une coquine

Après de menues anicroches au niveau de la préparation de la piste et les controverses stériles générées par les journalistes de Tamedia en quête d’audience, les courses masculines et féminines furent absolument somptueuses. Certes les courses prirent plus un caractère d’entraînement mais personne ne se plaint de la Ligue des Nations en foot, alors pourquoi bouderait-on son plaisir de voir ces champions dévaler ces pistes pour du beurre ? On a vu un tout grand Odermatt au restaurant de Furi et une volubile Goggia dans l’aire d’arrivée à Cime Bianche. Les milliers de spectateurs (8’500 selon l’organisation) en ont eu pour leurs pupilles et pour leur argent. Les courses des deux week-ends furent sagement annulées en raison de la neige et du vent qui se sont invités de manière exceptionnelle à 3’750 m pour cette période de l’année. Sanglotant et remerciant femmes et enfants, Franz Julen resta justement hyper-positif quant au futur de la McSO : « On ne va pas abandonner, on reste positif, je suis persuadé que ces courses ont une raison d’être. Le défi reste important car l’ensemble des remontées doivent tourner et les hélicoptères doivent pouvoir voler. » Ayant fait son mea culpa, le GO zermattois reprit : « Les bonnes dates sont entre le 5 et le 20 novembre, c’est de toute façon la seule fenêtre pour nous, plus tard la météo est plus instable et la saison touristique commence et les hôtels sont pleins. Les remontées mécaniques ne seraient pas disponibles ».

Il a raison, c’est au bord d’un précipice qu’on reconnaît les grands hommes car ce sont eux qui vont faire un grand pas en avant pour faire avancer l’humanité.

Le Grand Cirque a un Blanc

Malgré les déboires météorologiques de novembre 2023, on se réjouit de retrouver Franz, Pirmin et Didier en novembre 2024. Après une bonne remise en question, un trait de caractère qui est solidement ancré dans l’ADN des Hauts-valaisans, nul doute que ces Elon Musk de la glisse mettront les bouchées doubles pour rafistoler le Théodule et marabouter le vent d’automne afin d’émerveiller le monde entier avec de la neige et des coureurs emballés dans de la cellophane multicolore. Dans un acte de contrition tout à son honneur, Franz Julen promet du renouveau: « L’année prochaine nous ferons exactement le même travail sur le glacier ou il n’y aura pas de course. Ce travail, c’est pour les skieurs en général et pour l’entrainement des juniors. On doit l’accepter. Trois pelleteuses qui travaillent pendant trois semaines pour boucher des crevasses, comment comparer cela à ce qui se passe sur la planète avec le climat. 5’000 personnes peuvent faire le tour du monde sur un paquebot croisière et personne ne dit rien. Et nous, nous sommes trainés dans la boue pour trois semaines de travail avec des pelleteuses. »

Il a raison et cela coule de source. Avec plus de pelleteuses gargantuesques, plus de mouvements d’hélicoptères bruyants, plus de sponsors désintéressés, les organisateurs de la McSOT pourront finalement projeter une image idyllique du Valais et de de Zermatt au monde entier. L’image d’une station novatrice en matière de développement durable et à l’avant-garde de nouveaux modèles commerciaux pour le ski de masse, et ce dans le plus scrupuleux respect des permis de construire octroyés. Imaginez juste le mega kiff: regarder le Cervin en arrière-plan accompagné d’une descente de ski sur la terrasse de votre bateau de croisière au large de la Jamaïque.

Zermatt est justement là pour vous vendre ce rêve, accompagné de tonnes de poudreuse aux yeux.

 

Sources pour les différentes citations :

Skiactu.ch : 12.11.2023 / Laurent Morel

Le Nouvelliste : 14.11.2023 / Gregory Cassaz

www.zermatt.ch : Mai 2020

*  Citation factice made in Carton-Rouge.ch. La seule du texte.

A propos Paul Carruzzo 207 Articles
Elle est pas un peu belle notre Nati et tout le bonheur qu’elle nous amène ? Alors, Rickli et compagnie, si vous ne vibrez pas devant cette équipe, vous n’êtes pas non plus monstrement obligés de regarder. Profitez d’un bon match de hornus et foutez la paix à nos joueurs, qui comme vous, ont un joli passeport rouge à croix blanche.

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