Et si la Romandie faisait sécession ?

Ces derniers mois, le sujet de la sécession de la Romandie est venu, avec plus ou moins de mauvaise foi, sur le devant de la scène. Soulevée par les uns après une défaite mal digérée dans les urnes, demandée par d’autres quand « ces cons de Zurichois » ont exigé une fermeture des bars parce que « ces bourbines, y a du monde pour se moquer de nous mais plus personne pour appliquer les mesures », le débat a été lancé mais surtout sous la forme de discussion de comptoir Zoom. Mais en fait, il se passerait quoi au niveau sportif si la Romandie était indépendante ?

Pour des raisons de simplicité, et parce que je m’en balance un peu de savoir si des communes comme Bienne, Salquenen ou Jaun sont romandes ou alémaniques (d’autant qu’elles-mêmes ne le savent pas), on va admettre pour cet article que la Romandie est composée des six cantons à majorité romande, soit Jura, Neuchâtel, Genève (oui, ça compte quand même), Vaud, Fribourg et Valais – on admet aussi que le Valais n’est pas encore totalement indépendant sous le règne de Christian Ier – dans leur intégralité. Berne, en revanche, est totalement alémanique, désolé Moutier. Le Tessin, quant-à-lui, est un nouvel état souverain, dirigé par Leo Leoni (qui est quand même plus souriant que Lara Gut-Behrami et plus vivant que le clown Dimitri).

Ski

On va commencer avec un sport de saison, le ski alpin ! Et à y regarder de plus près, les différences sont conséquentes entre les hommes et les femmes et au sein même des disciplines. Honneur aux dames, où la Romandie serait pas sortie du sable… En vitesse, on aurait en tout et pour tout Noémie Kolly, 12ème mi-janvier à Crans-Montana comme meilleur résultat en carrière. Dans les disciplines techniques, c’est un peu mieux mais il nous resterait uniquement le trio préféré des orthopédistes, composé de Mélanie Meillard, Camille Rast et Charlotte Chable. Chez les hommes, en revanche, on serait un peu mieux lotis. L’intégralité de l’armada helvétique en slalom – Yule, Meillard, Aerni, Rochat, Nef et même Zenhäusern – serait désormais romande, les alémaniques ne récupérant que Simonet et Von Grünigen parmi les potentiels top-30. En géant aussi on ne serait pas trop mal avec Meillard et Murisier, même si derrière il n’y aurait plus grand monde hormis notre chouchou Marco Reymond. En revanche, en vitesse, c’est le désert. On a bien encore et toujours Loïc Meillard qui apprend vite en Super-G, mais derrière lui la meilleure chance romande semble être Alexis Monney, champion du monde junior de descente l’an dernier mais encore aucun départ en coupe du monde chez les grands. Autant dire que les retraites des deux Didier risquent de peser un moment. Même Gilles Roulin, avec son nom aussi welsch que le mot huitante (qui deviendrait fort heureusement obligatoire dès la sécession), n’est pas romand, quoiqu’avec de lointaines origines fribourgeoises et une place assurée en Coupe du Monde on pourrait peut-être le convaincre…

Petite mention quand même pour le ski freestyle qui, avec Fanny Smith, Mathilde Gremaud et Sarah Höfflin, excusez du peu, pourrait quand même nous garantir quelques breloques dans les prochaines olympiades hivernales. Chez les dames hein, parce que chez les hommes ces disciplines sont autant fructueuses pour les romands que les championnats nationaux de Hornuss.

Hockey sur glace

En hockey aussi, la Romandie prendrait cher, la quasi-totalité des joueurs suisses de National League étant alémaniques, même dans les clubs du bon côté de la Sarine. On ne parle même pas des expatriés NHL, où Gaëtan Haas doit se sentir bien seul (Yannick Weber, né à Morges mais alémanique, n’aura pas été plus tenté que ça à l’idée d’être aligné avec Michael Ngoy). C’est bien simple, on aurait difficilement de quoi avoir une équipe nationale correcte. Bien sûr, on récupérerait Loeffel, Riat, Hofmann, Haas, Fuchs, Rod, Mottet ou Praplan, qui sont de très bons joueurs. On n’aurait pas non plus à trop s’inquiéter au goal (encore que…) entre Descloux, Waeber et Conz. Mais après… On devrait aller rechercher les vieillissants Sprunger, Bykov, Du Bois et Bezina (non pour le dernier on déconne) et compléter le tout avec ce qu’il reste. Ah et on veut bien laisser Tristan Scherwey, aka le Baudelaire sur patins, aux staubirns. D’un autre côté, une Romandie indépendante forcerait peut-être les clubs du coin à miser un peu plus sur les jeunes du cru, chose que certains ont beaucoup de mal à faire (je ne vise personne, suivez mon regard en direction de Lausanne).

Ah et j’ai failli oublier le plus sûr espoir du hockey romand !

Concernant le championnat, on pourrait se retrouver avec une Welsch League à 12 équipes (c’est trop compliqué de réfléchir à un nouveau format, le futur directeur de la ligue est Chris McSorley…), composée bien entendu des anciennes équipes de NL, soit Genève, Lausanne et Fribourg, ce qui est une bonne nouvelle puisque cela permettrait donc à ces trois formations de gagner enfin un titre de première division dans leur histoire. On verrait aussi les accessions en Ligue A de la Chaux-de-Fonds, de Sierre, d’Ajoie et de Viège (pour toute question relative à la présence de Fisp ici, prière de relire la note en début d’article), qui viennent de Swiss League, ainsi que de Martigny, de MySports League, et enfin de Franches Montagnes, de Neuchâtel, de St-Imier et de Delémont, qui étaient les 4 équipes romandes les mieux classées de première ligue sur le dernier classement officiel que j’ai pu trouver. Autant dire que le niveau global du championnat risque d’en prendre un coup et que c’est pas sûr que Denis Malgin fasse de vieux os à Lausanne.

Football

Ah le foot. Le sport roi, où les Romands sont actuellement en force en première division. Enfin ils sont trois quoi, sur dix c’est déjà pas mal. La Hyper League de Romandie (je vote pour ce nom en tous cas) garderait donc bien évidemment ses trois représentants de D1, soit Sion, Genève et Lausanne, et se renforcerait (façon de parler) avec Stade Lausanne-Ouchy, Xamax, Yverdon, Bavois, Carouge, Nyon et bien sûr la deux de Sion. Ça fait rêver…

En parlant de rêve, pensons un instant à quoi ressemblerait l’équipe nationale. Le onze de base aurait peu ou prou cette tête :

On imagine le soulagement d’Yves Martin qui constate que, bien que né à Morges, Yann Sommer est alémanique.

De cet effectif naissent plusieurs points positifs. Premièrement, cette horreur du foot moderne qu’est la défense à cinq serait abandonnée, due à l’absence complète de défenseurs centraux romands (on a même dû laisser parler notre légendaire mauvaise foi en prenant Zesiger, au moins autant bernois que fribourgeois). Deuxièmement, on n’aurait pas besoin de mettre Dimitri Oberlin dans le onze, même s’il serait probablement sur le banc, si, si, et qu’on n’est pas convaincu que Kevin Bua, actuellement vissé au banc en D2 espagnole, soit vraiment un meilleur choix. Troisièmement, on pourrait totalement se passer de Vincent Rüfli, puisque le poste de latéral droit est l’un des rares à avoir un bon remplaçant en la personne de Jordan Lotomba. Enfin, le fait que Shaqiri ne soit pas romand permettrait de ne plus entendre les journalistes s’extasier dès qu’il fait un dribble ou, plus probable, déplorer son absence pour blessure.

En revanche, on n’est pas persuadés que cette équipe tienne la route bien longtemps. Le onze de base est déjà parfois aussi boiteux que le susnommé Shaqiri après avoir joué une mi-temps, alors on n’ose pas vous parler des remplaçants. Les seuls à avoir un niveau plus-ou-moins potable seraient, outre Lotomba, Anthony Racioppi, François Moubandje, Bastien Toma et Andi Zeqiri, pour peu que le père de ce dernier trouve plus sympa que son rejeton joue pour la Romandie plutôt que pour la Nati, ce qui n’est pas gagné. En outre, les joueurs sont sacrément inexpérimentés. Sur les onze titulaires potentiels, on a une moyenne d’âge de 23 ans et demi et encore, c’est dû à Kevin Bua et à son vénérable âge de 27 ans. À titre de comparaison, l’équipe-type de la Nati affiche presque 27 balais au compteur. Et on ne parle pas des sélections internationales. Le total des joueurs de l’image ci-dessus (donc sans Moubandje et son chiffre astronomique de 21 capes) est de 62. Et il faut dire que Zakaria et Fernandes en ont respectivement 28 et 16, sans eux le total des neuf autres est de 18…

Mais la dernière bonne nouvelle, c’est qu’on pourra avoir un nouveau sélectionneur et donc ne plus subir Petko. Et là, on aurait le choix entre Lulu Favre, aller rechercher Challandes au Kosovo, ou même au pire on est sûrs que Michel Pont ou Gabet Chapuisat ne refuseraient pas le contrat.

Et le reste…

Pour les autres sports, un petit tour d’horizon s’impose. Les disciplines uniquement pratiquées dans de sombres contrées, telles que la lutte, le lancer de la Pierre (présent) d’Unspunnen ou encore le handball risquent fort de disparaître. Le cyclisme verrait probablement arriver des années compliquées puisque seuls Sébastien Reichenbach et Simon Pellaud – Danilo Wyss venant d’annoncer sa retraite – sont romands et régulièrement au départ des grandes courses. Même constat pour mon cher Beach Soccer, très peu pratiqué de ce côté du Röstigraben. En ce qui concerne le tennis, pas grand-chose ne changerait. Bien sûr on perdrait Federer, mais ça ne nous empêcherait pas d’être pour lui et en plus c’est pas comme s’il lui restait 10 ans à jouer. Le constat est le même pour Stan, bien romand mais plus proche de la fin de sa carrière que du début. Et derrière eux, le désert. On garderait quand même Yann Marti, à vous de voir si vous considérez ça comme une bonne nouvelle. Côté féminin, notre Timea nationale se sentirait bien seule elle aussi. Enfin, puisqu’on parle un peu de basket sur Carton-Rouge maintenant, c’est l’occasion pour moi de vous dire que je n’ai pas la moindre idée des implications que la sécession aurait sur ce sport. Je vous dirais bien que vu le nombre de clubs romands en LNA, on serait plutôt gagnants, mais pas sûr que cela fasse du bien financièrement aux derniers survivants de la version suisse de Koh Lanta (à la fin, il n’en restera qu’un). Et comme à mes yeux le seul intérêt du basket est de faire la blague de la main au panier, je suis pas persuadé d’être très qualifié pour en parler efficacement.

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, il s’agit de la Pierre d’Unspunnen sur cette photo et non du cœur de Gianni Infantino.

Verdict

Eh ben le verdict, il est sans appel. Nos équipes sportives sans les athlètes suisses-allemands, c’est un peu comme une finale de Coupe de Suisse sans casse et bagarres dans les rues de Berne, à savoir pas pareil. Et encore, ce constat ne se base que sur l’instant T et ne prend pas en compte l’aspect financier et les formations d’élite centralisées qui devraient elles aussi être splittées. Au final, pas sûr donc que la sécession soit une très bonne idée du point de vue sportif, sans parler des conséquences au niveau de l’organisation des évènements. Déjà que la Suisse s’est montrée particulièrement efficace à ce sujet ces derniers temps – les mondiaux de cyclisme de Martigny et les courses du Lauberhorn qui ont été déplacés juste avant leur tenue respectivement à Imola et à Kitzbühel, soit pas bien loin de la frontière et dans des régions en tous cas pas mieux loties niveau Covid -, pas persuadé qu’on aurait encore le droit d’accueillir grand-chose, qui plus est de ce coté de la Sarine. Mais bon, au moins il nous resterait en tous les cas les incontournables locaux, comme les Championnats Interplanétaires de Feuille, Caillou, Ciseaux (qu’on devrait faire renaître), les Championnats du monde de Tracassets, le Km vertical de Fully, les diverses courses de caisses à savons ou encore la Barjot Run de Bière. Et ça, tcheu c’est beau !

 

Crédits photographiques :

Plus sûr espoir du hockey romand : Weekender73/CC0/Wikimedia Commons: https://commons.wikimedia.org/wiki/User:Weekender73

Pierre d’Unspunnen : Pakeha/CC0/Wikimedia Commons: https://commons.wikimedia.org/wiki/User:Pakeha 

A propos Joey Horacsek 84 Articles
Bon ça va, je vais pas vous sortir ma biographie

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