Buts casquettes, qui porte le chapeau ?

L'enfer des cerbères

Chaque mois, Carton-Rouge a le plaisir de sortir ses griffes dans l’hebdomadaire régional répondant au doux nom de Riviera Chablais votre région. Notre mission : croquer une thématique d’actualité sur le sport suisse avec impertinence. Nous publions quelques jours plus tard cette chronique sur notre site. Cette fois-ci, on expose des rouleaux et toiles commis par des peintres hors cadre.

On a tous un pote beauf qui a suivi la Coupe du monde féminine de football cet été. Ou plutôt qui s’est donné pour mission de relayer au moins 700 fois les (rares) vidéos de bourdes de cerbères ayant eu lieu pendant un tournoi dont il n’a pas visionné une minute par ailleurs, histoire de rire grassement de l’émergence d’un sport qu’il ne peut pas encadrer – un comble pour un détracteur de gardiennes. On est sûr que vous en avez au moins croisé un sur X (anciennement Twitter) ou Facebook (anciennement destiné aux jeunes). Eh bien c’est le moment d’accorder une rédemption (toute relative) à son âme peut-être pas si égarée (sans le savoir).

Par chance, notre ami Jean-Michel Analyse-Pointue ne suit pas le championnat de Suisse féminin. Il ne sait donc pas que malgré la progression fulgurante du niveau des gardiennes internationales, il pourrait faire du partage de buts gags locaux un job à plein temps. Un exemple ? Le FC Zurich, vainqueur de 10 des 14 derniers titres de champion de Suisse, a récemment encaissé un sec 0-6 à domicile face à l’Ajax au dernier tour des qualifications de Women’s Champions League. Ce n’est pas Romée Leuchter, auteure d’un triplé, qui dira le contraire: il suffisait plus ou moins de cadrer pour ajouter son nom au tableau d’affichage ce mardi-là.

Simple coïncidence ou souci récurrent ? Il ne s’agit pas ici de jeter la portière du FCZ Frauen Noemi Benz sous le bus, mais plutôt le système dont elle est issue et au pinacle duquel elle se trouve actuellement. Oui, car en plus de défendre le filet zurichois, elle était du dernier rassemblement de la Nati en Ligue des Nations, tout comme Elvira Herzog et Livia Peng dont les naufrages face à l’Espagne ont été terrifiants (0-5, 1-7 et de multiples « toiles »). Comment expliquer ce vide quasi total au sommet au-delà de l’emprise de Gaëlle Thalmann sur la position pendant 16 ans ? Comment justifier le fait que Mickaëla Bottega, 29 ans, remplaçante au Servette FC Chênois Féminin et jamais appelée en équipe de France, fasse bien meilleure impression que le trio susmentionné ?

Pour ne pas renier notre fond de commerce et sombrer dans l’objectivité la plus crasse (et surtout parce qu’on est limité à 2700 signes), on se contentera de mentionner un facteur aggravant qui émane, lui, de tous les échelons de la pyramide: l’encadrement par des coaches de gardien(ne)s généralistes sans formation spécifique au foot féminin. Un diplôme de niveau 2 (qui mène au maximum à la 1ère ligue Classic, 4ème division masculine) est d’ailleurs suffisant pour entraîner dans l’élite féminine. C’est un peu comme si on désargentait le foot féminin ou si on s’étonnait de l’explosion des déchirures des ligaments croisés chez les filles sans en étudier vraiment les causes spécifiques ou sans leur fournir de matériel adapté à leur morphologie, chaussures comprises. Oh wait

A propos Raphaël Iberg 174 Articles
"Chaque matin on prend la plume parce que l'on ne peut plus faire autrement sous peine de malaise, d'inquiétude et de remords." Maurice Leblanc

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2 Commentaires

  1. Alors pour être honnête, si pour entrainer une équipe de super league féminine il y a juste besoin d’avoir le même diplôme que pour entrainer une équipe de 1ère ligue masculine, c’est justement parce qu’actuellement la super league féminine correspond, au max, à la 1ère ligue masculine. Un garçon de 14 ans a déjà dû passer plus de sélections et affronter plus de concurrence qu’une joueuse de super league. (Ce n’est évidemment pas de la faute des joueuses, mais la réalité est ce qu’elle est).

    • Alors ce commentaire tombe bien parce que c’est difficile d’être précis en 2700 signes (et en plus je me fais virer si je deviens tout à coup objectif) et ça me donne l’occasion de l’être. Déjà, je commence à en avoir plus que marre des comparaisons. Iga Swiatek n’a pas un coach d’interclubs régionaux masculins sous prétexte qu’elle prendrait deux fois 6-0 contre Djokovic (ou n’importe quel joueur du top 150). Le problème principal est qu’un coach hommes puisse coacher les femmes 3 niveaux plus haut avec la même formation en se disant simplement que ce sera « la même chose en plus nul » finalement. Ce n’est pas simplement une question de niveau, c’est aussi une question de spécificités liées au genre. Une femme n’est pas un homme un peu moins fort avec une queue de cheval, c’est un peu plus complexe que ça quand même. C’est la même chose à tous les niveaux, y compris les blessures aux ACL qui arrivent 60% plus souvent aux femmes, notamment parce qu’on commence tout juste à étudier le sujet et à prendre en compte leur cycle menstruel (entre autres) dans les facteurs de risque par exemple. Se dire que c’est la même chose en plus nul et donc que la solution est de prendre un coach masculin et le faire monter de trois ligues pour que le tour soit joué est extraordinairement simpliste.

      Finalement, « la réalité est ce qu’elle est » parce qu’on a bien voulu qu’elle le soit justement. Un garçon de 14 ans a dû affronter de la concurrence très tôt parce que les structures existent (plus de concurrence qu’une joueuse de première division, pas sûr que j’aille jusque-là par contre, surtout que cette joueuse a probablement joué avec les garçons jusqu’à l’âge susmentionné d’ailleurs). La réalité est déjà fondamentalement différente dans des pays comme l’Angleterre parce que les moyens ont été mis (récemment) pour que les choses changent justement. Avoir une formation pour coaches de gardiennes (et de foot féminin en général) est une des (nombreuses) choses à mettre en place. Le foot féminin a encore énormément de chemin à faire (et comment pourrait-il en être autrement quand il a été interdit dans la plupart des pays européens entre 1921 et 1970 et que le foot féminin est probablement à un stade de son développement comparable au foot masculin des années 60 au mieux si on fait un calcul simple ?), mais ce n’est pas en constatant la réalité actuelle avec un haussement d’épaules qu’on va avancer.

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