La France blanche-blanche-blanche

Nuit parisienne. Rentrée tardive d’endroits quelques peu malfamés. Au détour d’un rond-point, mon regard s’arrête sur une affiche qui montre Sébastien Chabal en plein effort. La décision est prise, demain (enfin tout à l’heure), on ira au rugby !

Le match est prévu à 14h15. C’est super tôt c’est vrai, mais l’expérience en vaut certainement la chandelle. Nous mettons donc le réveil à midi pour ensuite aller acheter deux croissants, un coca, prendre un métro puis un train régional. Arrivés à l’arrêt «Le Stade», il faut bien compter vingt minutes à pied pour rejoindre le Stade Yves du Manoir, antre du Racing Métro 92.

Cette enceinte sise dans le «9-2», qui avait accueilli les Jeux olympiques en 1924 – 60’000 places à l’époque ! – et l’équipe de France de football pendant de longues années, ne peut aujourd’hui contenir qu’une douzaine de milliers de spectateurs. Pour la réception de Brives, principal concurrent pour une place en Coupe d’Europe et pour une place en play-off (les six premiers sont qualifiés pour la phase finale), ce sont 11’346 personnes qui ont fait le déplacement.

Le respect

Un public que l’on peut diviser comme suit : 11’340 blancs, deux Maghrébins égarés et quatre jeunes blacks, certainement membres du mouvement junior du Racing. Car ce qui choque le plus, pour qui connaît un peu les banlieues du coin et plus largement le métissage de la société française, c’est l’extrême non-diversité du public du rugby. Loin de la France black-blanc-beur qu’on a tenté de nous vendre après «France 98», le public de l’ovalie est blanc et a les oreilles en chou-fleur. A Paris tout du moins…
Loin de moi l’idée de faire de l’«Eric Zemmour» en parlant de la «blanchitude» du public moyen, mais force est de constater que «l’esprit rugby» n’est pas une phrase dite en l’air et le respect est encore une notion qui veut dire quelque chose sur les prés et entre les poteaux. Le fair-play général entre supporters des deux bords est assez hallucinant, encore plus lorsqu’on sort de séries de play-off entre Genève et Fribourg ou entre Lausanne et Ajoie.

Le silence lors des coups de pied, les encouragements pour son équipe sans jamais un mot de travers pour l’adversaire ou l’arbitre, les applaudissements sur les belles actions d’autrui, l’envahissement du terrain de rigueur en fin de match… Ce sont peut-être des détails pour eux, mais pour moi, ça voulait dire beaucoup. Je raillais ces grandes phrases toutes faites et ces grandes théories sur «l’esprit de l’ovalie» avant de l’avoir vécu sur place et bien – une fois encore – j’aurais mieux fait de me taire.

Steyn et Chabal

Après cette étude approfondie de la «rugbytude», il conviendrait de ne pas oublier qu’il y avait un match aussi à se mettre sous la pupille. Et si c’est Sébastien «gorille métrosexuel» Chabal qui nous a attiré l’oeil sur l’affiche du match, c’est bien François Steyn, la petite merveille du rugby sud-africain, qui nous a fait vibrer. Certes, l’ogre français est impressionnant à l’impact et d’autant plus hallucinant à voir de près, mais la précision du coup de pied et des prises de décision du Champion du monde sont un régal.
Le numéro 12 des «Racingmen» a réussi deux pénalités de cinquante mètres, un drop de 25 mètres, du mauvais pied s’il vous plaît, et libéré très souvent son équipe de la pression corrèzienne en renvoyant les Brivistes dans leur camp grâce à un jeu au pied d’un précision diabolique. Les Parisiens l’ont emporté au final 25-18, non sans avoir tremblé dans les derniers instants sous la pression des ailiers du CAB. Cette victoire leur permet de lorgner vers les play-off et la Coupe d’Europe, alors qu’il ne reste plus que trois journées dans la phase régulière du Top 14.

Coup de sifflet final et le temps d’aller se prendre en photo entre les poteaux, on réalise ce qui vient de se passer. En même pas deux heures, on a pu voir Chabal, le joueur français le plus «pipole» de tous les temps, un joueur mythique en la personne d’Andrew Mehrtens (70 sélections avec les All-Blacks, excusez du peu), François Steyn le futur (mais ne l’est-il pas déjà ? Ah non, y’a Dan Carter) meilleur joueur du monde ou encore Lionel Nallet, capitaine de l’équipe de France qui vient de réaliser le Grand Chelem lors du Tournoi des VI Nations. Le tout pour une place en tribunes payées quinze euros… On y retournera !

Racing Métro 92 – CA Brive Corrèze 25-18 (12-8)

Stade de Colombes, 11’346 spectateurs.
Arbitre : M. Poite.
Racing : 2 essais de Chabal (44e) et Bobo (60e) ; 4 pénalités de Steyn (9e et 15e) et Mehrtens (38e et 50e) ; 1 drop de Steyn (31e). CAB : 2 essais de Uys (35e) et Noon (63e) ; 2 pénalités d’Estebanez (19e) et Palisson (77e) ; 1 transformation de Palisson (63e).
Racing Métro 92 : Scarbrough (75e Vakaloa); Bobo, Ward (70ème Chavancy), Steyn, Saubade; Mehrtens (o), Fillol (m/76e Berry), Nallet (capitaine), Dellape (65e Le Roux); Baïocco (70ème Orlandi), Dimonadé (54e Festuccia), Tuugahala (48e Lo Cicero). Entraîneur: Berbizier.
CA Brive Corrèze : Palisson; Cooke, Noon, Mackay (62e Speeding), Waqaseduadua; Estebanez (o), Perry (m/62e Péjoine); Popham, Claasen (capitaine), Vosloo; Mela (48e Brown), Uys; Barnard (37e Idieder), Ribes (48e Thompson), Khinchagishvili (62e Henn). Entraîneur: Mola.

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6 Commentaires

  1. ah ça fait plaisir d’avoir un article sur le rugby, merci… c’est vrai que comparé au foot, le métissage est presque absent du rugby, autant sur les terrains que dans les tribunes.
    Il me semble que c’est dusautoir et non nallet qui est capitaine de l’équipe de france

  2. Super initiative!

    nb: Le capitaine du XV de France fut Thierry Dusautoir cette année, Lionel Nallet les années précédentes…

  3. C’est rare du Rugby ici, merci..

    cela dit 2/3 erreurs:

    -Brive sans ‘s’.

    -Il manque la troisième ligne dans la composition de l’équipe du Racing non ?

    -Nallaet n’est pluscapitaine du XV de france….

  4. Ne dit on pas que le foot est un sport de gentlemen pratiqué par des voyous et que le rugby est un sport de voyous pratiqué par des gentlemen.

  5. Si jamais tu peux aussi aller moins loin pour voir du Rugby… 2 clubs à Lausanne (1x LNA, 1x LNB), Nyon, 4 clubs à Genève (3x LNA, 1x LNB), Yverdon, La Chaux-de-Fonds, Neuchatel, Fribourg…

    Mais c’est vrai que ca fait plaisir de lire des articles sur le rugby qui ne soient pas dans l’équipe ou le midi olympique… lol!

    Salutations!

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