Pucon, tu meurs

Lorsque j’étais dans cette cité thermale du sud du Chili, mon ami Mouammar* m’avait judicieusement sorti ce commentaire. Plutôt que de ressortir le nul et trop facile «Chili con Carne», l’occasion était belle pour trouver cette variante qui risque peut-être de franchir le «cut».

1) Pourquoi ai-je choisi de présenter ce pays ?

«Mathieu est une ordure. En plus de détester ce "sport de merde" selon lui, il célèbre constamment la mémoire des grands dictateurs de ce monde, ces "grands hommes qui ont su faire prospérer leur pays avec dévouement pour le bien de tous". Pour commencer, je vais lui refourguer le Chili à ce con. Augusto Pinochet lui donnera peut-être de la matière, qui sait…»
Les propos de mon rédacteur en chef sont peut-être un peu extrêmes, sortis de leur contexte, pas toujours bien interprétés, mais je ne peux pas lui donner tort sur le fond. Le hasard a cependant bien fait les choses. Au-delà de son passé politique animé, je me sens investi d’une mission divine en parlant du pays le plus civilisé et le plus beau d’Amérique du Sud. Du Cap Horn au désert d’Atacama en passant par l’Ile de Chiloé, Valparaiso et Antofagasta, j’ai eu l’occasion de traverser cette contrée le long de son unique dimension durant près de deux mois. N’y voyez aucune volonté de ma part de rouler les mécaniques, d’être un poil blasé ou encore pompeux ; ceci n’est que le résumé de la fabuleuse aventure que j’ai eu la chance de vivre, moi, contrairement aux incultes décérébrés qui passent leurs vacances au Club Med ou dans un tout-inclus.
2) A quoi sert ce pays ?
A rassembler au sein d’un même territoire la ville la plus australe du monde (Puerto Williams, n’en déplaise aux Argentins d’Ushuaia), l’endroit le plus aride de la planète (ouest du désert d’Atacama, avec un jour de pluie tous les 80 ans) et le village le plus humide du monde (Puerto Eden, avec 364 jours de flotte par an). Terre de contrastes, le Chili parvient à réunir les paysages de l’Ecosse, du Sahara, de la Suisse, du Groenland, de l’Italie et de l’Australie en un seul pays.

 

D’un point de vue géopolitique, l’œuvre d’Augusto Pinochet a permis au Chili d’atteindre un développement intellectuel, technologique et économique nullement égalé sur le continent sud-américain. Démocratiquement élu en 1973, le 11 septembre – décidément, j’apprécie beaucoup ce jour – Le Général a su redonner au Chili ses lettres de noblesse. Les quelques soubresauts communistes n’ont heureusement pas remis ce travail en question, bien que l’on puisse émettre certaines réserves quant à la santé mentale des électeurs qui créditent la présidente sortante d’un taux de 84% d’opinions favorables en fin de mandat.

Véritable fer de lance de l’Amérique du Sud, le Chili reste le partenaire commercial le plus crédible d’Amérique du Sud, lui qui n’est point gangréné par la corruption, l’inflation galopante et les assistés sociaux qui plombent sa compétitivité. 


3) Comment se sont-ils qualifiés et surtout pourquoi ? 


Vanter l’absence du Brésil ou l’extrême nullité du Paraguay et de la Bolivie serait réducteur, mais se qualifier en cumulant 6 défaites en 16 matchs met l’accent sur un modèle de qualification qu’il faudrait peut-être revoir. Le parcours des Chiliens en phase fut un modèle de régularité : après 2 défaites en 3 rencontres en affichant un total de 10 buts encaissés, les hommes de Jorge Sampaoli ont poursuivi leur campagne avec 3 victoires de suite, suivies dans la foulée par 4 défaites consécutives. Virtuellement hors course, la Roja a terminé en trombe en gagnant 5 de ses 6 dernières parties. Heureusement que ce n’était pas le FC Sion, faute de quoi la sélection nationale aurait changé 61 fois d’entraîneur durant la phase qualificative. 


4) Pourquoi vont-ils gagner la Coupe du Monde ?


Car du sang mapuche coule dans les veines des certains joueurs chiliens. Vous le savez certainement mais les Mapuches, peuple indigène du Sud du Chili doté d’une force physique et d’une volonté hors du commun, ont été les seuls à avoir combattu avec succès les conquistadors espagnols venus les trucider après que ces derniers aient facilement zigouillé l’intégralité du peuple inca. Historiquement, la victoire des Mapuches face aux Espagnols s’apparente à un succès du FC Dardania Lausanne IIIB réduit à 7 contre Bâle dans une série au meilleur des 19 matchs. A partir de là…


5) Pourquoi vont-ils se faire éliminer au premier tour ?


Parce qu’ils sont dans le même groupe que les bouffeurs de Chorizo et de Gouda. Il pourrait très bien y avoir une ou deux surprises, mais la ligne directrice arbitrale dictée par les recommandations de la FIFA corrigera cela.


6) Qui sont les joueurs à surveiller ?


Les joueurs, on s’en tamponne. C’est du côté des tribunes peuplées par les supportrices chiliennes qu’il faudra jeter un œil.


7) Qui sont les joueurs à ne pas surveiller, mais dont on peut éventuellement se moquer ?


Claudio Bravo. Si le gardien chilien est aligné et se prend un rouleau, on se réjouit déjà des jeux de mots…

8) Une bonne raison de les supporter ?
Comme les 98.4% des spectateurs qui vont suivre la Coupe du monde soutiendront – hormis leur pays – le Brésil voire l’Argentine en bons «bandwagon fan» – ou footix – qu’ils sont et qui ne tarderont pas à retourner leur veste dès que la Colombie sera à nouveau aux avant-postes ou que le Qatar percera la scène internationale grâce à ses nouvelles stars naturalisées. Le Chili reste une alternative originale et peu courue par les amateurs du ballon rond. 
9) Une bonne raison de ne pas les supporter ?
Car, entre nous, vous vous en tapez un peu du Chili, non ? De toute façon, vous vous tournerez tous vers le Brésil dès que la Suisse se fera fait sortir sans gloire au premier tour.   
10) Bon d’accord, mais sinon ?
Le 3 septembre 1989, le Chili affronte dans le cadre des qualifications du Mondiale ’90 le Brésil dans le mythique Maracana. Menée 1-0 par la Seleção, la Roja est virtuellement éliminée dans la course pour une place à la phase finale de la Coupe du Monde en Italie. Le gardien Roberto Rojas a donc une idée lumineuse : un fumigène lancé des tribunes le heurte et Rojas s’effondre sur le terrain. Craignant pour leur sécurité, toute l’équipe du Chili refuse de reprendre le match. Le supporter fautif est identifié et jeté en pâture. Seulement voilà, les images vidéo ont montré que le fumigène n’a jamais touché le gardien chilien, auteur d’une odieuse simulation pour inverser le cours des événements. Le Chili perdra le match par forfait, sera exclu des qualifications et se verra même interdit de participer aux éliminatoires de la World Cup en 1994. Connue sous le nom de «Maracanazo», ce scandale a valu à son auteur une suspension à vie et reste à ce jour l’une des sanctions les plus sévères prise à l’encontre d’un joueur et d’une équipe nationale. 
* nom connu de moi-même

Écrit par Mathieu Nicolet

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