T’es qui pour parler ?

Il y a quelques semaines, vautré dans mon canapé, j’actionne la zapette et tombe par hasard sur une émission de Blue Sport. Bien mal m’en a pris. Retour en quelques lignes sur une réflexion complétement moisie avec comme personnage principal un Bernard Challandes tout rouge de colère et un coupable tout désigné.

Depuis de longues années, nonante minutes de football ne suffisent plus aux aficionados de ce sport. Lorsque l’on allume la TV, il nous faut un avant-match, un après-match, un lendemain de match et un récapitulatif de la semaine. Les stars de ces rendez-vous ? Les consultants, qui font la pluie et le beau temps sur les plateaux.

Ces consultants sont censés apporter une certaine légitimité pour parler ballon. En s’appuyant sur leur vécu de joueur ou d’entraîneur. Comme tout expert dans chaque métier du monde, tous les consultants foot n’ont pas le même degré de professionnalisme et de pertinence. Il y a les bosseurs, les branlos, les beaux-parleurs, les mous du genou, les tordus, les chômeurs qui cherchent du boulot et les revanchards.

Peu importe après tout. On le sait depuis la nuit des temps : il ne suffit pas d’être un grand joueur pour être un bon entraîneur ou un passionnant analyste. Tout comme on peut très bien avoir été un footballeur très moyen avant de briller dans ces autres fonctions. Chacun peut donc se faire devant son écran sa propre opinion sur la pertinence des envolées lyriques de ces experts.

Mais revenons à nos moutons. Courant avril, sur la planète foot, Manchester City vient de flanquer un 3-0 au Bayern Munich en quarts de finale aller de Champions League. Tremblement de terre en Bavière où les critiques fusent, notamment sur Yann Sommer, coupable d’être un poil court sur l’ouverture du score de Rodri en raison de sa petite taille (pas vraiment de sa faute) et de son déplacement assez lent (un peu de sa faute).

L’un des plus virulents à son encontre est Dietmar Hamann, ancien milieu de terrain local, qui officie comme consultant sur Sky. Volontiers provocateur et polarisant, il déclare que Sommer a « aujourd’hui, et pas seulement aujourd’hui, considérablement déstabilisé l’équipe » et qu’il n’est « pas une option pour la saison prochaine ». L’ombre du héros local, Manuel Neuer, planant évidemment dans tous les esprits bavarois.

Interrogé précisément sur ces critiques sur le plateau de Blue Sport, Bernard Challandes, en plus d’être tout bronzé, devient tout rouge d’énervement. Et il balance alors la phrase ultime du niveau du bac à sable d’école enfantine : « C’est qui ? Il a fait quoi Dietmar Hamann ? », en se demandant à haute voix si celui-ci avait déjà enfilé des gants de gardien une fois dans sa vie pour pouvoir ainsi critiquer Sommer. Bingo Bernard, c’est ça qu’on veut !

Vous n’avez pas fait le lien ? Je vous remets les éléments sur la table : Bernard Challandes, ancien défenseur du Locle et de Saint-Imier, ayant disputé une fois un premier tour de Ligue des Champions comme entraîneur avec Zurich, remet en cause le vécu de Dietmar Hamann, ancien milieu du Bayern, 59 sélections avec l’Allemagne et vainqueur de la Ligue des Champions avec Liverpool, pour s’exprimer sur le gardien du Bayern Munich.

Franchement, lorsque l’on veut lancer un concours de quéquette bien ridicule, on s’assure au moins avant qu’on a la plus longue.

Selon Bernard Challandes, on est donc obligé d’avoir un eu vécu similaire pour pouvoir s’emparer d’une thématique et d’en parler légitimement. Mon Dieu que c’est ultra débile mais soit. Merci donc à son employeur d’appliquer cette pensée ingénieuse et ultra pertinente à la lettre. Comme on est gentils, voici les recommandations que nous faisons à la rédaction en chef de la chaîne pour s’assurer de la pertinence des intervenants :

  • Merci de ne pas programmer Bernard Challandes pour les matches de Ligue des Champions au-delà de la phase de poules.
  • Merci de ne pas questionner Massimo Lombardo sur les performances des internationaux suisses comptant plus de quinze sélections.
  • Merci de ne pas inviter Jérémy Manière en cas de match au sommet de Super League.
  • Merci de convier Gabet Chapuisat uniquement en cas de tacle assassin à analyser.
  • Merci de couper le micro de Tibert Pont dès qu’il s’apprête à analyser une action d’un joueur mesurant moins d’un mètre huitante.
  • Merci de ne placer aucun journaliste à la table lors des émissions de débat, à moins que le thème principal soit les juniors B ou la quatrième ligue.
  • Merci de ne pas donner la parole à Carlos Varela sur un joueur qui n’a pas eu de comportement anti-sportif durant sa carrière.

Finalement, ça pourrait être marrant en fait. Merci pour l’idée Bernard.

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