Giro 2022 : résumé

Dépourvu de grands leaders, absents au départ ou défaillants sur la route, le Tour d’Italie 2022 sourit à un second couteau du peloton international. Malheureux en 2020 sur ces mêmes routes, Jai Hindley tient sa revanche en disposant des anciens duettistes de Movistar, Richard Carapaz et Mikel Landa. A 26 ans, le grimpeur de Bora-Hansgrohe devient également le premier Australien à remporter le Giro. Souvent spectaculaire, ce premier Grand Tour de l’année 2022 est à ranger aux oubliettes.

Le Giro en deux mots

L’ennui jusqu’en Australie.

L’homme du Giro

Jai Hindley. Après une saison 2021 compliquée par des problèmes à la selle, où il n’avait pu confirmer sa deuxième place du Giro acquise en octobre 2020, le natif de Perth réapparait comme par enchantement en ce mois de mai 2022. Il faut dire que son équipe, la Bora-Hansgrohe présente potentiellement quatre leaders au départ de Budapest pour le classement général : Wilco Kelderman, Emanuel Buchmann, Lennard Kamna et Jai Hindley. Le grimpeur australien profite de cette abondance de biens dans sa formation pour avancer masqué jusqu’à la neuvième étape menant au sommet du terrible Blockhaus. Un temps lâché par Carapaz, Bardet et Landa, il revient dans l’ultime kilomètre sur ces derniers pour s’imposer de façon magistrale au sprint. Dès lors, il ne faiblira plus sur les routes italiennes. Le coup de force de son équipe sur la quatorzième étape accidentée autour de Turin confirme la confiance totale en interne autour de sa personne. Lors de la dernière semaine, Hindley ne bouge pas d’une oreille avant la dernière ascension du Giro : les pourcentages effrayants du col du Fedaia servant de juge de paix. Il y jette alors toutes ses forces dans les deux derniers kilomètres pour reprendre une minute et demie à Carapaz, avec qui il était jusqu’alors au coude à coude. Le dernier jour, vêtu du maillot rose, il réalise un chrono solide dans les rues de Vérone pour s’adjuger son premier Tour d’Italie. Sa mésaventure de 2020 face à Tao Geoghegan Hart est effacée. Au bout de l’ennui, il devient également le premier Australien à remporter le Giro. Depuis Geelong, son aîné Cadel Evans se reconnaît dans sa victoire, lui qui a remporté le Tour de France 2011 sans jamais lever le cul de la selle.

Le grimpeur du Giro

Koen Bouwman. Inconnu du grand public avant ce Giro, le Néerlandais remporte deux étapes de moyenne montagne ainsi que le maillot de meilleur grimpeur. La Jumbo-Visma, rapidement abandonnée par son leader Tom Dumoulin qui annoncera quelques jours plus tard mettre un terme à sa carrière à l’issue de cette saison 2022, sauve grâce à Bouwman son Tour d’Italie. On peut clairement se demander l’intérêt de venir sur un Grand Tour avec une équipe bis pour une formation de ce calibre alors que tous ses cadors (Roglic, Vingegaard, Van Aert, Kuss) s’entraînent au même moment d’arrache-pied en Sierra Nevada en vue du Tour de France. Tout ça pour prendre une branlée dans un mois par Tadej Pogacar sur la Grande Boucle ?

Le sprinteur du Giro

Arnaud Démare. Sevré de bouquets jusqu’alors en 2022, le leader de la FDJ remporte trois victoires d’étapes ainsi que le maillot cyclamen de meilleur sprinteur. C’est son deuxième après celui acquis en 2020. Ses trois bouquets s’ajoutent aux cinq déjà obtenus ici (1 en 2019, 4 en 2020) et font de lui désormais le Français le plus prolifique sur les routes italiennes. En effet, Nono devance maintenant les grands champions du siècle dernier Jacques Anquetil et Bernard Hinault, bloqués tous deux à six succès d’étapes. La comparaison s’arrête là. Anquetil et Hinault ont chacun remporté cinq Tours de France quand Démare peine, quand il s’y présente, à le terminer.

L’abandon du Giro

Romain Bardet. Profitant d’un plateau d’une faiblesse indigente cette année, l’Auvergnat apparaît rapidement comme l’un des hommes forts de ce 105ème Giro. Fort de son expérience acquise l’an dernier où il avait pris la septième place sans être à son meilleur niveau de ses propres dires, Bardet prépare secrètement le Giro sur l’île de Tenerife depuis novembre dernier avec l’idée d’y briller. S’il manque la victoire d’un rien au Blockhaus face à son ancien coéquipier Hindley, il est en position idéale au classement général à l’approche de la troisième semaine de course décisive. Mais sur la 13ème étape de transition menant à Cuneo, le natif de Brioude s’éclipse à la surprise générale dans la voiture de son directeur sportif suite à des maux d’estomac. Le genre de retrait surprise qui n’est pas sans rappeler celui d’un certain Thibaut Pinot sur le Tour de France 2019. Comme le Franc-Comtois, Bardet abandonne alors qu’il était enfin en position de remporter un Grand Tour. Il faut dire que lorsque tu pèses 64 kilos pour 1m84, ton organisme est tellement sur le fil en permanence qu’au moindre virus, tu dégages la piste. Notre grand philosophe international en a fait là l’amère expérience.

La buse du Giro

Biniam Girmay. A 22 ans, l’Érythréen est la révélation de ce début de saison 2022. Il vient de réaliser une grosse campagne de classiques marquée par une victoire inattendue sur Gand-Wevelgem. Premier coureur africain de l’histoire à remporter une flandrienne, il est l’une des attractions de ce Tour d’Italie. Après avoir frôlé plusieurs fois la victoire, il finit par s’imposer au sprint sur la 10ème étape se terminant à Jesi. Mais au cours de la cérémonie protocolaire de remise du bouquet, il se blesse à l’œil gauche en ouvrant une bouteille de prosecco. Quelques minutes plus tard, il est transporté à l’hôpital et ne participe pas à la conférence de presse d’après-course. Il est contraint d’abandonner le lendemain par mesure de précaution. Jamais un coureur cycliste africain n’avait jusqu’alors remporté une étape sur un Grand Tour. L’histoire retiendra surtout que jamais un coureur cycliste n’avait abandonné un Giro après s’être fait péter un bouchon dans l’œil lors de la célébration d’une de ses victoires. Une grande première donc à tous les niveaux !

Le tournant du Giro

Les deux derniers kilomètres de l’avant-dernière étape se finissant au col du Fedaia, au pied de la Marmolada, dans les fascinantes Dolomites. Jai Hindley y place sa seule attaque en trois semaines pour distancer Richard Carapaz et s’octroyer cette édition profondément ennuyeuse. A titre de comparaison, même regarder les matches de la Nati en 2022 est moins chiant, c’est dire comment on s’est emmerdé cette année sur les routes italiennes…

L’esthète du Giro

Mathieu van der Poel. Après un hiver perturbé par des problèmes au dos, MVDP sort d’une grosse campagne de classiques printanière marquée par une seconde victoire sur le Tour des Flandres. En 2022, il entend doubler Giro et Tour de France, ce qui paraît un peu présomptueux pour un coureur qui n’a jusqu’alors jamais couru plus d’une semaine consécutivement (il avait abandonné le Tour de France l’an passé après huit étapes, son seul Grand Tour à son actif, pour mieux préparer les Jeux olympiques). Peu d’observateurs le voient par conséquent aller au bout de ce Tour d’Italie. La star néerlandaise l’emporte d’entrée dans un sprint massif au départ de Budapest. Comme l’an passé en Bretagne sur le Tour de France, il se pare du maillot de leader dès le premier week-end. Il rend cependant son beau maillot rose dès le quatrième jour de course sur les pentes de l’Etna. Dès lors, le leader d’Alpecin-Fenix ne visera plus que les victoires d’étapes sans pour autant en décrocher une seconde. Souvent à contre-temps, notamment sur les étapes de montagne, il en profitera pour faire le show dans les cols en effectuant ses fameuses roues arrières. Pour faire taire les mauvaises langues, van der Poel mettra un point d’honneur à terminer son premier Grand Tour dans les rues de Vérone. Il est sans discussion l’esthète de ce 105ème Giro au rabais.

Le Giro des Suisses

Cette année, deux Helvètes seulement étaient présents au départ du Giro : Reto Hollenstein et Mauro Schmid. Le jeune Schmid, qui avait remporté une étape l’an passé pour son premier Grand Tour, passe tout près de la victoire en troisième semaine au sanctuaire de Castelmonte. Échappé dans un petit groupe, il termine second d’un sprint tortueux derrière le meilleur grimpeur Koen Bouwman. J’aurais aimé finir cet article en évoquant les frasques habituelles de notre cher ami Simon Pellaud sur le Tour d’Italie. Malheureusement, le Valaisan était absent cette année suite à de petits problèmes de santé. Il a dû donc laisser le tant convoité classement des sprints intermédiaires à l’Italien Filippo Tagliani de la Drone Hopper-Androni Giocattoli, un coureur strictement inconnu au bataillon qui reflète bien la valeur de ce classement (qui n’existe d’ailleurs même pas sur le Tour ou la Vuelta tellement il est inutile). On espère maintenant juste que l’équipe Trek-Segafredo sélectionnera Pellaud sur la Grande Boucle ou les routes espagnoles pour nous divertir un peu.

A propos Thierry Bientz 47 Articles
Après avoir parcouru 250 000 kilomètres à vélo en 20 ans, j'ai décidé de prendre un peu la plume pour raconter le cyclisme...

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