2012 : Pologne-Ukraine, le bon choix

A peine la nouvelle de la nomination de la candidature conjointe de l’Ukraine et de la Pologne pour l’organisation de l’Euro 2012 rendue publique, s’agitent les ombres menaçantes des pseudos-gardiens du temple, drapés dans leur occidentalisme arrogant, paternaliste et donneur de leçons.

Ces sinistres fossoyeurs de la diversité, apôtres d’un football formaté, nous abreuvent depuis hier de leur discours «high-tech», à base de «Oui, bon, mais tu comprends que les voies de chemins de fer en Pologne, c’est le 19ème siècle, moi qui te parle, j’ai connu une Polonaise en voyage d’études à Londres, oui, payé par mes parents tu crois quoi, ben figure-toi qu’elle avait pas d’Ipod ! En 2006, tu te rends compte ? C’est vraiment le tiers-monde là-bas, il paraît qu’ils mangent encore des pommes de terre», tout cela pour justifier de leur morgue leur mépris découlant de l’ignorance d’un monde inconnu. On n’en attendait pas moins d’eux.


Deux légendes du football : Platini et Boniek. 

De grâce, mettons quelques instants notre ethno-centrisme de côté et réjouissons-nous simplement pour ces deux énormes pays de football, où le jeu a une signification pour tous, qu’elle soit historique, culturelle ou simplement festive. La Pologne et l’Ukraine sont deux pays respirant le football, qui méritent plus que tout autre d’organiser un tel rendez-vous, rappelons-nous simplement un soir de printemps 1986 à Gerland et le Dynamo Kiev de Lobanovski, rappelons-nous le Mondial espagnol de 1982, les fulgurances de Grzegorz Lato et Zbigniew Boniek, égalant la performance de 1974 (3ème), rappelons-nous Blokhine, Belanov, Mikhaïlitchenko, Rebrov et Chevtchenko, rappelons-nous Smolarek (le père !), Szarmach, Gadocha ou Deyna… L’Euro 2012 en Ukraine et en Pologne, c’est d’abord et surtout une récompense tout-à-fait normale pour deux pays ayant apporté au football quelques-uns de ses plus beaux moments et leur renier ce droit au nom de voies de communications moins développées qu’ailleurs n’est ni plus ni moins qu’un formidable coup de pied apporté aux valeurs universelles du football (dont tout le monde se fout tant qu’elles ne génèrent pas de fric, on est d’accord). Il s’agira en outre et surtout de la première fois qu’un grand événement du monde footballistique sera organisé dans un pays (et deux pour le coup !) de l’ex-bloc communiste (sans oublier la finale de la Ligue des Champions au stade Loujniki de Moscou en mai 2008, bien entendu). Ca, c’est le point 1. La Pologne et l’Ukraine sont deux grandes nations du football et méritent cette reconnaissance dont on regrettera seulement qu’elle soit un peu tardive. Bon.
Point 2 et pour aller plus loin, un championnat d’Europe ne doit pas non plus être une marque déposée transposable partout ainsi que l’UEFA veut nous l’imposer, un championnat d’Europe doit être un prétexte à rassemblement, à découverte de nouvelles cultures, à une ouverture à des footballs différents et, à ce titre, le choix de l’UEFA est judicieux. Le mode de scrutin, archaïque, dépassé et incohérent est cependant un fait et nos chers chroniqueurs ont tout-à-fait raison de le dénoncer. Il n’en reste pas moins que le choix des pontifes européens d’accorder ce championnat d’Europe à la candidature ukraino-polonaise (bon, c’est pénible à dire, c’est vrai) est une chance formidable et un magnifique coup de projecteur sur deux pays injustement traités à l’ouest du rideau de fer dont quelques vieux rats nostalgiques regrettent encore la disparition, parce qu’avant, «comprenez-vous, on savait qui était l’ennemi et où il se trouvait alors qu’aujourd’hui ces gens de l’est sont partout parmi nous et qu’on les reconnaît même pas, le mal est partout». Qu’ils étouffent, ces vieux crabes nostalgiques (et les plus jeunes aussi d’ailleurs), qu’ils s’étranglent avec leur indignation et qu’ils nous laissent célébrer un championnat d’Europe magnifique dans deux pays formidables et méconnus. Ca, c’était le point 2. Un coup de projecteur sur deux pays injustement sous-médiatisés et une chance formidable non seulement pour la population locale (chacun de nous ayant vu les scènes de joie hier dans les deux pays ne peut en douter) mais aussi et surtout pour l’Europe occidentale de s’ouvrir enfin à des cultures qu’elle connaît mal et à des villes comme Donetsk, Kiev, Lviv, Dnepropetrovsk, Wroclav, Poznan, Varsovie et Gdansk, véritables trésors d’histoire et villes folles de ballon rond.


L’équipe nationale d’Ukraine.

Point 3 ? Allez, point 3 : la Pologne et l’Ukraine sont tout-à-fait capables d’organiser un tel rendez-vous. Certes, les voies de communication ne sont pas au niveau de ce que l’on peut trouver dans d’autres pays, certes, les stades doivent être refaits dans la plupart des cas (parfois entièrement), mais justement, quel magnifique challenge, quelle motivation formidable pour ces deux pays de savoir qu’enfin l’Europe entière va les regarder et venir chez eux y célébrer la fête du football. A ces deux pays d’être à la hauteur et, croyons-en les diverses commissions de l’UEFA, ils le seront et très largement. Certes, il existe des doutes légitimes sur la capacité (ukrainienne principalement) à assumer financièrement les coûts inhérents à ce gigantesque rassemblement, mais les signes sont positifs (les deux pays sont en plein essor économique après une transition post-communiste délicate, la Pologne venant d’adhérer à l’Union Européenne et l’Ukraine se situant notamment à un emplacement stratégique sur la route de l’évacuation vers l’Europe du gaz de Russie et d’Asie centrale). Tout ne sera pas facile bien entendu, l’entente entre Ukrainiens et Polonais pouvant potentiellement être perturbée par des évolutions géo-politiques pas forcément idéales, mais ressortir les vieux poncifs éculés sur le délabrement de ces deux pays n’est rien d’autre qu’une insulte et la preuve d’une ignorance crasse sur le développement respectif de deux nations désormais liées pour la réussite de ce fabuleux défi.
Allez, ne boudons pas notre plaisir, le choix de l’UEFA, même s’il est contestable, truqué, acheté, corrompu ou tout ce que nos peine-à-jouir voudront, est un bon choix et l’amateur de football ne peut que s’en réjouir. Ah, et pour information et à tous ceux qui voudront mettre tous les pays dits «de l’Est» dans le même panier, la Moldavie et l’Albanie n’ont pas de frontière limitrophe et n’ont pas plus de points communs que le Portugal et la Suède. Mais il est vrai que pour le savoir, il faut élargir son horizon au-delà de Munich, Vienne ou Udine, vision insupportable pour nos si chers donneurs de leçons, engoncés dans leurs confortables certitudes. Certitudes enfin bouleversées en ce joli mercredi du mois d’avril, Platoche (ou Dieu, je les confonds toujours) soit loué !

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1 Commentaire

  1. Bien que les chemins de fers ne soient effectivement pas de première qualité il reste 4 ans au gouvernement pour améliorer cela et quelques autres menus détails. Restons positifs !

    La Pologne … cest le futur !

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