RUSSIE : L’Aigle à deux têtes va régner sur l’Europe

La Sainte Russie est fidèle au rendez-vous de l’Euro. Et en plus, elle va le gagner. Vraiment.

1. Pourquoi j’ai choisi de présenter cette équipe.

C’était au printemps 1991, j’avais 8 ans, TF1 diffusait une demi-finale de Coupe des Champions. Mes idoles de l’époque s’appellent Lothar Matthäus, Chris Waddle ou Reszo Kekesi, c’est l’époque des Panini et des parties de foot enfiévrées dans le préau, bref c’est le bonheur. Et là, sur l’écran du salon familial, je découvre pour la première fois avec ce Spartak – Marseille ce qu’est le football russe, ces superbes arabesques dessinées sur cet écran de télévision, ces passages dans le dos, ces subtiles déviations, cet amour de la passe juste délivrée comme une offrande à un partenaire, et ce stade Lénine… Mon Dieu, rien que d’y repenser, j’en ai des frissons. Les années ont passé, ma passion du foot professionnel s’est délitée au rythme où mes yeux se sont ouverts sur les dérives du foot-business, mais quand même, le football russe garde une place à part dans mon regard de post-adolescent émerveillé.

Oui, c’est exactement le même texte qu’en 2012, mais je n’en retire pas un seul mot. Le football russe, c’est la vie.

2. Comment se sont-ils qualifiés ?

En souffrant au début avec Maître Capello, puis en gagnant tout dès qu’il s’est fait vider. Pour devenir sélectionneur de la Sbornaja, il faut s’imprégner de la culture locale, essayer de comprendre les spécificités qui font de la Russie un pays à part. Fabio Capello n’a jamais fait cet effort-là et a été logiquement remplacé alors que la Russie allait réussir l’exploit de ne pas se qualifier dans un Euro à 24. Dès qu’il est parti, Leonid Slutsky a fait le boulot, lui qui a cumulé son job au CSKA et sa nouvelle fonction de sélectionneur. Ça lui a très bien réussi jusqu’ici, puisqu’il a qualifié la Russie pour l’Euro (en gagnant tous ses matches) et vient de remporter le titre de champion avec le club moscovite. Et comme en plus il va gagner l’Euro, attends-toi à ce que ce monsieur devienne une idole de Saint-Pétersbourg à Vladivostok.

3. Quelles sont les chances de les voir soulever le trophée ?

Elles sont énormes. Déjà, parce que les Russes sont premiers au très fiable indice FIST, ce qui est un gage de qualité et de sérieux. Forcément, avec le meilleur sélectionneur et la meilleure équipe, la Russie est LE favori de cet Euro en France, lors duquel notre copain Artyom Dzyuba va enchanter le monde entier.

4. Présente-nous la star de l’équipe.

Je viens de le dire, merci de suivre un peu. Artyom Dzyuba est l’avant-centre de la Sbornaja, il a 27 ans, il mesure 1.94 m, pèse 88 kilos et il est très habile avec ses pieds. Son profil ? Le Moscovite est une sorte de Julien Jemmely (en moins fort, bien sûr) pour ceux qui connaissent. Il est puissant, il pose des reprises de volée de 30 mètres sous la latte et quand il a un peu de temps, il assomme des bœufs à main nue avant d’aller honorer quelques vierges dans les faubourgs de Moscou. Et le matin, il va s’entraîner.

5. Quel est le joueur qui va nous émerveiller ?

On sent bien Fyodor Smolov, l’attaquant de Krasnodar. Il marque à chaque voyage ou presque (23 buts en 42 matches avec le FKK, 2 en 5 sélections), il est sympa et il est fantasque, juste ce qu’il faut. Il va régner sur ce tournoi comme Andreï Arshavin en 2008. Vous allez l’adorer. En tout cas, nous on l’aime et si on avait une fille, on lui l’offrirait.

6. Quel est le joueur qui va nous faire rire ou pleurer, peut-être même pleurer de rire ?

Ils sont deux et ils sont jumeaux. Ce sont les frères Berezutsky, Vassily et Alexeï. Nous, on les kiffe, mais il faut bien admettre qu’ils ont quelques défauts rédhibitoires à haut niveau, dont une absence totale de vitesse. Ils ne sont pas très subtils, mais ils sont dévoués à leur club (le CSKA) et à leur sélection et rien que pour ça, ils méritent le respect. Leur blondeur et leur bonnes joues toutes rouges en font des bons soldats de la nation, mais le risque est quand même grand qu’ils s’encoublent sur le ballon face à l’Allemagne en finale et que le score de la finale soit donc de 4-1 plutôt que de 4-0. C’est pas grave, on les aime quand même.

7. C’est quoi leur philosophie de jeu ?

Etre solide derrière, joueur au milieu et planter devant, voilà. Les Russes risquent de jouer dans un vrai 4-3-3, avec un pur milieu défensif derrière deux milieux relayeurs. Et devant, deux ailiers autour d’Artyom Dzyuba. Mais historiquement (et aussi ces derniers temps), la Russie aime bien changer les hommes et il faut s’attendre à pas mal de turnover quand même, surtout au milieu et devant. Disons que notre onze idéal serait le suivant : Akinfeïev ; Smolnikov, V. Berezutski, Ignashevitch, D. Kombarov ; Gluhsakov, Shirokov, Denisov ; Smolov, Dzyuba, Kokorin.

8. On parle du foot russe, mais il ressemble à quoi le championnat russe ?

Il est derrière les quatre grands, très clairement. L’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et l’Angleterre sont au dessus, mais le championnat russe rivalise avec le Portugal et la France dans le troupeau des viennent-ensuite. Il y a de l’argent, des stars, de la formation de qualité, mais le gros problème provient des affluences. A peine plus de 10’000 personnes se rendent en moyenne au match en Russie, ce qui est misérable pour ce pays tellement peuplé. Les affluences, d’ailleurs, sont en baisse depuis quelques années, mais les dirigeants comptent énormément sur l’engouement lié à la Coupe du Monde 2018 pour voir les chiffres repartir vers le haut. Cela sera le cas, surtout que les stades s’annoncent splendides. Le Spartak, pourtant à la peine sportivement, a vu sa moyenne de spectateurs grimper en flèches (31’000) depuis son déménagement dans l’incroyable et ultra-moderne Otkrytie Arena. Et ce sera le cas partout dans le pays.

9. Mais au fait, c’est qui la personnalité russe la plus célèbre dans le monde ?

Vladimir Poutine, Maria Sharapova, Anna Kournikova, Gérard Depardieu ? Sûrement un peu de tout ça, mais en fait, les Russes s’en foutent pas mal : ils n’ont pas envie de plaire au reste du monde, les frontières (extensibles) de leur pays leur suffisent. Conquérir la planète, très peu pour eux. Se faire aimer par tout le monde, encore moins.

10. Fais-nous rêver avec la Russie, mais dans un autre sport…

En fait, ils sont bons partout, donc c’est difficile de choisir un sport en particulier. Allez, on va y aller pour le bandy. Tu connais pas ? En fait, c’est un mélange de hockey sur glace et de football (en gros), qui est ultra-populaire en Russie, en Suède, en Finlande et au Kazakhstan. Et c’est à peu près tout. Les Russes restent sur quatre titres de champions du monde, acquis en Suède (en 2013), à Irkoutsk (Sibérie, en 2014), à Khabarovsk (Extrême-Orient russe, en 2015) et à Oulianovsk (District de la Volga, en 2016). Des lieux qui font rêver, non ?

11. Au fait ça mange et ça boit quoi des Russes ?

Le vilain cliché dit des patates et de la vodka, ce qui n’est pas faux, mais quand même. En fait, les Russes boivent de l’eau (oui) et de la bière. Sinon, ben c’est comme nous, quoi.

12. T’as quelque chose à rajouter ?

Quand même, oui ! Trois grands joueurs russes foulent actuellement les pelouses du championnat suisse, dont le meilleur buteur de l’histoire de la sélection, Alexandre le Grand Kerzhakov (FC Zurich). Le deuxième ? Anton Mitryushkin, le gardien du FC Sion. Et enfin, on ne saurait oublier le très élégant Andrey Mikhaylichenko, milieu de terrain du FC Suchy-Sports. Trois hommes qui méritent le respect.