Sampdoria, si près, si loin…

Auteure d’un match retour magnifique dans son chaudron de Marassi, la Sampdoria a eu la première qualification de son histoire pour la Ligue des Champions en mains de la 13e à la 93e contre le Werder Brême. Mais les Italiens ont appris à leurs dépens qu’une rencontre contre des Allemands dure toujours un peu plus que 90 minutes.

Vous allez sûrement vous dire, encore un article sur un club allemand. Pourtant, ce coup-ci, c’est purement fortuit : le tirage au sort n’avait même pas encore eu lieu lorsque je me suis engagé, dans un karaoké du côté d’Yvonand, à assister au match de qualification de la Sampdoria pour la Ligue des Champions. Et il a fallu que le sort désigne un adversaire germanique pour le club génois. Mais je vais quand même essayer de te parler un peu de la Samp’, ce n’est pas tout à fait ma spécialité mais mon guide du jour, grand supporter et ultra de la Sampdoria, m’a un peu briefé en chemin, qu’il en soit ici remercié, tout comme pour ce magnifique déplacement d’ailleurs.

La Samp’ pour une première

On commence par découvrir le stade Luigi Ferraris (ou Marassi), qui nous plaît immédiatement, avec son charme un peu désuet à l’anglaise, son allée de bars bondée pour y accéder, sa couleur terre battue, sa forme carrée et ses fans très proches du terrain. Avec ses sièges bleus, il nous rappelle un peu Goodison Park. L’ambiance y est magnifique : 45 minutes avant le coup d’envoi, trois des quatre tribunes sont déjà pleines et reprennent en chœur le répertoire assez conséquent des chansons du club, que je dois être bien le seul dans ce stade à ne pas connaître par cœur ; pourtant, c’est pas faute de les avoir écoutées en boucle sur le trajet aller…

Le match est d’importance, puisque la Samp’ a l’occasion d’accéder pour la première fois de son histoire à la Ligue des Champions nouvelle formule, elle qui avait été la dernière finaliste de la défunte Coupe des Champions en 1992 contre Barcelone. La mission s’annonce compliquée après la défaite 3-1 au match aller à Brême mais le but inscrit à 10 contre 11 par Pazzini à la 90e permet d’entretenir l’espoir, surtout que le Werder n’est pas franchement serein après le long feuilleton qui a conduit au départ de Mesut Özil et la défaite 4-1 concédée trois jours auparavant sur la pelouse de l’imposture Hoffenheim

Quand Marassi chavire…

Et ce n’est pas le début de match qui va rassurer les Brêmois : on joue depuis moins de trois minutes lorsque, après un relais avec Reto Ziegler sur la gauche, Antonio Cassano trouve la tête de Giampaolo Pazzini pour l’ouverture du score. Comme au match aller, le «petit» Pazzo Pazzini, du haut de son 1m80, marque de la tête contre les tours brêmoises Mertesacker (1m98) et Prödl (1m94). Comme quoi, mesurer une tête de plus que l’adversaire ne sert à rien si l’on n’est pas au marquage. De marquage défaillant, il sera à nouveau question dix minutes plus tard sur un long coup franc de Stankevicius qui trouve l’inévitable Pazzini, lequel double la mise d’une reprise somptueuse.
Déjà chauffé à blanc, Marassi entre en ébullition, avec des chants qui jaillissent des deux virages, une partie des ultras blucerchiati ayant changé de côté durant l’entre-saison en signe de protestation contre les nouvelles mesures policières imposées aux abonnés en Italie. En moins d’un quart d’heure, la Sampdoria a refait son retard du match aller et tient sa qualification. A ce moment-là, il aurait peut-être fallu continuer à mettre la pression sur une équipe brêmoise aux abois et qui multipliait les fautes, d’autres buts ou une expulsion adverse semblaient à portée. Mais le plan de jeu blucerchiato consistait manifestement à marquer deux buts et ensuite à vivre sur cet avantage.

Domination stérile

La Sampdoria a donc peu à peu abandonné l’initiative du jeu à son adversaire, sans grand danger ; il faut même un sauvetage sur la ligne et une parade de Wiese pour éviter un troisième but génois avant la pause. En deuxième période, on sent les Werderaner, avec deux matchs officiels de plus dans les jambes, prendre le dessus physiquement, alors que les Italiens montrent quelques lacunes dans la conservation du ballon. La domination germanique se fait plus insistante, quelques ballons naviguent dangereusement devant le but blucerchiato, l’ambiance devient crispante et les chants plus poussifs. Même si, orphelin de son créateur Özil, le Werder peine à se créer de véritables occasions de but. Et ce jusqu’au moment où le gardien brêmois Tim Wiese se troue (pléonasme…) sur une déviation subtile de l’imprévisible Antonio Cassano pour le 3-0. Il restait cinq minutes à jouer mais il était trop tôt pour parler de but de la délivrance car le Werder restait à un but de la prolongation.

L’indésirable devenu héros

Et ce but, il va survenir dans les arrêts de jeu, en forme d’immense coup de froid dans la moiteur étouffante de cette fin d’été génois : alors qu’elle avait réalisé le match parfait jusque-là, à l’image du néophyte Massimo Volta, impérial en défense centrale, la défense de la Samp’ va commettre sa première erreur du match, une glissade de Ziegler, une couverture défaillante et Markus Rosenberg crucifie le gardien Curci d’un tir croisé imparable. Markus Rosenberg, c’est une drôle d’histoire : au printemps dernier, le Suédois avait été écarté du cadre brêmois pour insuffisance de performance et instamment prié de se trouver un nouveau club. Mais, dans un mercato statique, on ne s’est pas bousculé au portillon autour d’un attaquant décevant depuis deux saisons mais au salaire sans doute pas négligeable. Du coup, Rosenberg est toujours à Brême et il a profité du départ d’Özil et des absences d’Hunt et Almeida, puis de la sortie sur blessure de Wagner, pour être du déplacement à Gênes puis faire son apparition sur le terrain. Avec le succès que l’on sait… Pas sûr toutefois que ce but qui vaut au bas mot vingt millions va améliorer son statut sur les bords de la Weser mais ça pourrait l’aider à trouver un nouveau club.

Prolongations à sens unique

Après avoir déjà pris l’ascendant physique, les Allemands venaient aussi de prendre l’ascendant psychologique et le suspense ne durera guère en prolongations, sous les coups de boutoir d’un Marko Marin enfin virevoltant. Après un premier tir sur la latte, le joyau du Werder a transpercé la défense brêmoise pour servir Claudio Pizarro, dont la frappe n’a laissé aucune chance à Curci. A lui tout seul, le Péruvien comptait deux fois plus de matchs en Ligue des Champions que toute l’équipe de la Sampdoria, ça compte aussi dans ces moments-là. D’un coup, Marassi a compris que son rêve s’arrêtait là et que son équipe n’aurait pas les ressources pour marquer les deux réussites à nouveau nécessaires à la qualification, c’est même Marin qui passera tout près du 3-3 avec un tir sur le poteau à l’ultime seconde.

Regrets éternels

La déception est immense, les larmes jaillissent dans les tribunes et les joueurs restent prostrés sur le terrain, malgré la belle ovation de leurs supporters. Certes, la Sampdoria était passée tout près de la rupture à l’aller mais sur l’ensemble de cette double confrontation épique, elle aurait sans doute mérité de passer. Et puis la Samp’ aurait donné une meilleure image du foot transalpin en C1 que certaines grosses cylindrées du pays : un budget raisonnable, une histoire pas trop entachée par les divers scandales, une authentique ferveur populaire et neuf joueurs nationaux alignés au coup d’envoi d’un match décisif, avec une moyenne d’âge qui n’est pas de 34 ans. Mais voilà, après avoir touché leur Graal, cette première participation à la Ligue des Champions, les Blucerchiati ont finalement laissé échapper une occasion qui ne se représentera peut-être pas de sitôt. «C’est la dernière fois que l’on a entendu le musique de la Ligue des Champions», me glisse mon guide du jour, abattu. C’est vrai que, après cet échec, des départs sont déjà évoqués d’ici la fin du mercato et la perte annoncée d’une place en Ligue des Champions pour la Serie A dès la saison 2011-2012 va limiter les chances d’un club comme la Sampdoria d’accéder à la compétition. C’est dire si cette maudite 93e minute n’a pas fini d’être regrettée du côté du stade Luigi Ferraris.

Sampdoria Gênes – Werder Brême 3-2 ap. prol. (2-0, 3-1)

Luigi Ferraris, 28’100 spectateurs.
Arbitre : M. Kassai.
Buts : 3e Pazzini (1-0), 13e Pazzini (2-0), 85e Cassano (3-0), 90e + 3 Rosenberg (3-1), 100e Pizarro (3-2).
Sampdoria : Curci ; Stankevicius, Volta, Gastaldello, Ziegler ; Semioli, Palombo, Dessena, Guberti (66e Tissone, 73e Mannini) ; Cassano (90e Pozzi), Pazzini.
Werder : Wiese ; Fritz, Prödl, Mertesacker, Pasanen (79e Boenisch) ; Borowski (63e Arnautovic), Bargfrede, Frings, Marin ; Pizarro, Wagner (72e Rosenberg).
Cartons jaunes : 13e Prödl, 23e Dessena, 77e Gastaldello, 79e Arnautovic, 88e Palombo, 93e Pizarro.
Notes : Sampdoria sans Poli, Accardi (blessés) ni Lucchini (suspendu), Werder privé de Vander, Almeida, Hunt et Naldo (blessés).

Écrit par Julien Mouquin

Commentaires Facebook

6 Commentaires

  1. Dommage pour la Samp’, mais ça me rappelle surtout un vieux gag sorti après la finale de l’Euro 2000 (égalisation française à la… 95ème) :

    Comment fait-on pour reboucher une bouteille de Champagne?

    Demandez aux Italiens…

  2.  » Et puis la Samp’ aurait donné une meilleure image du foot transalpin en C1 que certaines grosses cylindrées du pays : un budget raisonnable, une histoire pas trop entachée par les divers scandales, une authentique ferveur populaire et neuf joueurs nationaux alignés au coup d’envoi d’un match décisif, avec une moyenne d’âge qui n’est pas de 34 ans. »

    TRES TRES JUSTE… malheureusement l’Inter, Milan, Juve et Roma sont le coléra du football italien.

  3. Dommage que les gens ne connaissent que les grosses cylindrées italiennes… il y’a tellement de club plus intéressant dans le calcio ! Bon (@maj) y’a déjà plus d’ambiance en serie b qu’en liga espagnole… Alors forza Doria et fait-nous rêver en Europa Ligue la où ça pue (un peu) moins le foot moderne !!
    Ogni partita una festa sarà !

  4. Un petit article sur le derby de la Lanterne (le nom du phare de Gênes) ne serait pas de refus… et merci à CR pour cet article !

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.