Le mercato me fait rêver

Chaque année c’est pareil. Entre le mois de juin et le 31 août à 23h59, je suis comme un fou sur mon ordinateur à scruter le marché des transferts. Je suppute, j’espère, je me fais des films, je suis dubitatif, je me marre, je suis choqué ou j’extrapole… La saison se joue pour beaucoup pendant ces transactions et j’adore ça.

Nombreux sont les sites internet à vivre de cette période de doutes. Prenez un site web bien connu des fous de foot francophones : www.footmercato.net. Ses concepteurs n’ont aucun réseau dans ce sport et un talent journalistique proche du zéro absolu, mais rien qu’en compilant les nouvelles parues dans les journaux ou sur des sites concurrents et en ajoutant ensuite une phrase toute faite comme «Machin va-t-il enfin débarquer sur la Canebière ? Wait & see», «Le PSG fera-t-il une offre ferme pour Truc, rien n’est moins sûr» ou encore «Chose est-il le détonateur pour emmener l’OL en finale de la Ligue des Champions, l’avenir nous le dira»…Le fan de ballon rond s’y laisse forcément prendre et plusieurs plateformes parviennent à vivre des rumeurs les plus infondées. Cette année, les journaux sportifs espagnols et les tabloïds anglais se remplissent les poches depuis le début de l’Euro grâce à une possibilité : le transfert éventuel de Cristiano Ronaldo vers le Real Madrid. Des chiffres totalement indécents sont articulés. On parle d’une somme proche des 150 millions de francs suisses – le triple du PIB de Wallis et Futuna – pour que l’otarie de l’Ile de Madère rejoigne le champion d’Espagne et enlève un poids à Zinedine Zidane. Le Français est en effet, à ce jour, la plus grosse transaction de l’histoire du football (120 millions de francs).

Partira, partira pas ?

Poudre aux yeux

Selon un agent, les 90% des rumeurs parues dans la presse ou sur le web sont totalement infondées. Ce dernier avouait sans honte que celles-ci étaient régulièrement alimentées par sa corporation, simplement afin de mettre en avant un de ses clients, désireux de changer d’air ou de tout bêtement de «sonder le marché» pour voir s’il n’y aurait pas moyen de s’en mettre plein les fouilles un peu plus loin sur l’échiquier footballistique, où les dollars sont un peu plus verts. De plus, ces dernières années, deux nouveaux marchés sont venus défrayer la chronique : les Etats-Unis et le Moyen-Orient.
Vous ne trouvez pas chaussure à votre pied en Europe ? Les clubs intéressés refusent le contrat mirobolant qui vous mettrait de l’or dans le beurre des épinards en fin de carrière ? Pas de problème, les pétrodollars sont là pour vous assurer votre préretraite à 34 ans et demi et permettre de refaire la façade de votre épouse une dernière fois (Wahiba Ribéry, si tu nous lis…). Kader Keita (Lille puis Lyon), Elamine Erbate (Marseille) ou encore Mauro Zarate (Birmingham puis Lazio, champion du monde M20) ont pris le chemin inverse et sont les rares exceptions qui confirment cette règle.

La Pipo Super League fait rêver

A ce petit jeu, les sommes faramineuses dépensées par les clubs reflètent bien les surfaces financières des différents championnats. Sur un de mes sites fétiches (www.transfermarkt.de), les indemnités de transferts dépensées sont compilées par club, mais aussi par division. Et c’est là que le bât blesse pour notre compétition domestique et que l’on se rend compte que, malgré l’Euro 2008, la formule de championnat à dix équipes ou l’apparition d’un diffuseur privé (Bluewin), la Zéro Super League reste grotesque.
Bizarrement, c’est l’Italie (198 mios d’euros) qui a le plus dépensé jusqu’ici, devant l’Espagne (195 mios) et la Premier League anglaise (177 mios) «seulement» troisième – enfin jusqu’ici, je ne me fais pas de soucis. Suivent la France (141 mios, bien aidée par les 45 mios dépensés par Lyon) et l’Allemagne (83 mios). Ensuite, c’est le gouffre. Les Pays-Bas surnagent (48 mios) devant la Turquie (32 mios) et le Portugal (23 mios). Je continue ? La 2e division anglaise (22 mios) domine l’Ukraine et la Grèce (21 mios). Et la Suisse me direz-vous ? Loin derrière l’Ecosse (normal), la Roumanie (…), La Jupiler League belge (!), la Ligue 2 française, le championnat autrichien, danois, polonais, autrichien et croate – je reprends mon souffle – on trouve la Suisse et ses 2’150’000 euros dépensés sur le marché des transferts.

Yakin devrait quitter YB pour le Qatar

Mais il est où le FC Sion ?

Outre les mutations gratuites en raison de l’arrêt Bosman et les promotions de jeunes dans les équipes premières, les «vrais» transferts avec sommes versées à la clé peuvent être comptés sur les doigts des deux mains. Bâle a engagé Marko Perovic (il était prêté jusqu’ici) pour 800’000 euros. Le FCB a également payé 400’000 euros pour Behrang Safari de Malmö et un montant similaire pour l’ex-St-Gallois Gelabert. Ensuite la seule transaction à faire rêver les supporters est celle d’Eudis, l’ancien Lausannois, qui passe de Zurich à YB pour environ 350’000 de nos francs…
Et pendant ce temps-là, Christian Constantin, pourtant toujours si prompt à défrayer la chronique, nous laisse sur notre faim cette année. Le seul Serey Die a débarqué pour environ 240’000 balles et Le Matin n’en a même pas fait des tonnes malgré l’imbroglio qui a failli se produire (le joueur devait s’entendre avec un club égyptien avant de se rétracter).
En attendant le futur-clash entre les Young Boys et Hakan Yakin, désireux d’aller faire fructifier son pied gauche au Qatar ou en Angleterre, le pauvre supporter suisse doit se contenter du début de la Pied-bot Super League et vibrer pour la future-épopée de Vaduz et de Bellinzone en 1ère division helvétique. Ensuite, il sera assez tôt le temps de prier pour qu’Alain Nef explose à l’Udinese pour pouvoir s’extasier devant notre système de formation, que Philipp Degen fasse chanter Anfield ou que Julian Esteban retourne le Stade de la Route de Lorient…